Mercredi 29 novembre 2017
Les littoraux méditerranéens débordent d’ordures…
Dans une petite crique au Liban, une vingtaine de plongeurs sautent dans la mer, bouteille d’air sur le dos, filet à la main: ils ne vont pas admirer les richesses sous-marines, mais collecter des déchets. Face à l’inertie gouvernementale pour régler la crise des déchets qui dure depuis plusieurs années, des Libanais ont choisi de prendre les choses en main grâce à des initiatives de la société civile et du secteur privé. (Lire dépêche ci-dessous).
Pourtant le Liban est un tout petit pays, disposant de peu de moyens, menacé de tous côtés, hébergeant une multitude fuyant la mort, notamment ces centaines de milliers, voire maintenant des millions, de malheureux palestiniens chassés de chez eux depuis 1948 par la soldatesque israélienne soutenue par toutes les puissances militaires de la planète.
Pourquoi ce qui est possible au Liban -au moins à l’échelle individuelle privée- s’avère impossible sur les littoraux algériens débordant de déchets de toute sorte. Polluant les vacances des familles et des citoyens qui s’y rendent en chaque saison estivale ?
Quels obstacles insurmontables (en dehors de l’incompétence du manque élémentaire de civisme de la part des autorités et de certains Algériens qui voient bien que le patrimoine commun n’intéresse personne) empêcheraient des responsables publics, nationaux et municipaux de s’acquitter enfin de leurs charges et de mériter enfin leurs salaires ?
Et cela même si, en Algérie comme au Liban, la montagne d’ordures est de format himalayen.
Au lieu de filer à l’étranger (en Espagne par exemple où les Algériens « fortunés » se paient des résidences de pachas) couler des vacances douces et anonymes.
Djeha
Plongée sous-marine et recyclage pour sauver le Liban de ses déchets
Dans une petite crique au Liban, une vingtaine de plongeurs sautent dans la mer, bouteille d’air sur le dos, filet à la main: ils ne vont pas admirer les richesses sous-marines, mais collecter des déchets.
La « pêche » a été fructueuse ce jour-là à Tabarja, une ville côtière située à une vingtaine de kilomètres au nord de Beyrouth. Les plongeurs émergent de l’eau, déposent leurs filets verts remplis sur la jetée: ils contiennent des bouteilles en plastique et en verre, des cannettes rouillées, des boîtes de conserve. Et même des pneus.
« Ce qu’on a vu en bas, ça fait mal au coeur », déplore Christian Nader, un étudiant de 19 ans, en maillot de bain et serviette autour du cou.
Face à l’inertie gouvernementale pour régler la crise des déchets qui dure depuis plusieurs années, des Libanais ont choisi de prendre les choses en main grâce à des initiatives de la société civile et du secteur privé.
Les dépotoirs seront bientôt pleins et des experts préviennent que le pays pourrait revivre très prochainement le cauchemar de 2015, quand des montagnes d’ordures avaient envahi Beyrouth et ses environs, après la fermeture de la principale décharge du pays.
Christian Nader, qui pratique la plongée depuis cinq ans, participait à Tabarja à une initiative de Live Love Beirut, une association libanaise qui cherche à promouvoir une image positive du pays.
Au total, plus d’une centaine de plongeurs, recrutés sur Facebook et Instagram, ont pris part aux opérations organisées sur huit plages.
Poubelles brûlées
« C’est triste, c’est notre mer, il faut des campagnes de sensibilisation et que l’Etat nous aide à nettoyer », déplore cet étudiant.
Depuis des décennies, les autorités libanaises n’ont jamais réussi à adopter des politiques efficaces de gestion des ordures. Le Liban produit quotidiennement plus de 6.000 tonnes de déchets, selon des chiffres officiels.
Après la crise de 2015 et les manifestations inédites de la société civile qu’elle a entraînées, le gouvernement avait approuvé un plan temporaire prévoyant la réouverture de deux anciennes décharges dans les environs de Beyrouth.
Le « temporaire » a tant duré que les deux sites auront atteint leur capacité maximale à l’automne 2018. Les autorités étudient la possibilité de les agrandir, selon une source gouvernementale.
« Le gouvernement doit commencer à réfléchir aux solutions durables de manière sérieuse, commencer à les mettre en place, même petit à petit », déplore Lama Bashour, directrice du cabinet de conseil Ecocentra, qui souligne l’importance « du tri et du recyclage ».
Grâce à des fonds européens, plusieurs centres de tri et de compostage ont été construits. Il y aurait cependant encore plus de 900 dépotoirs sauvages au Liban, selon une étude officielle.
« Les régions qui ne disposent pas des infrastructures de base brûlent les déchets. La plupart des municipalités brûlent leurs poubelles », déplore Farouk Merhebi, spécialiste du secteur.
‘Zéro déchet’
Le gouvernement étudie un plan du ministère de l’Environnement mettant l’accent sur le recyclage, qui ne concerne pas plus de 15% du traitement actuel des déchets.
Ziad Abi Chaker a fait le pari du recyclage dès la fin des années 1990 en lançant son entreprise, Cedar Environmental. Elle dispose aujourd’hui de huit centres de tri gérant au total plus de 80 tonnes de déchets par jour.
L’un d’eux, ouvert en septembre 2016, reçoit les ordures de Beit Meri, un lieu de villégiature proche de Beyrouth.
Sous un grand entrepôt en tôle, au milieu d’un paysage idyllique de montagnes boisées dans le centre du pays, des sacs poubelle bleus et noirs s’amoncellent en attendant d’être triés.
Le travail se fait à la chaîne: on sépare le verre, les bouteilles en plastique, les boîtes de conserve, les cannettes d’aluminium, qui seront transférés vers des usines de recyclage.
« Nous avons prouvé que le concept du zéro déchet, dans un cadre décentralisé, pouvait réussir », se réjouit M. Abi Chaker.
Mais ailleurs dans le pays, le succès n’est pas au rendez-vous. A Saïda, station balnéaire du sud du Liban, une montagne de poubelles a ainsi fait son apparition en bord de mer, dans l’enceinte d’un centre de traitement des déchets.
Le monticule est fait de résidus ne pouvant être ni recyclés ni compostés et normalement voués à rejoindre une décharge officielle. Mais les habitants attendent toujours que la municipalité construise cette décharge comme promis.
Haute de plusieurs mètres, cette montagne d’ordures est visible depuis la route.
A ses pieds, quelques pêcheurs semblent presque oublier l’odeur pestilentielle qui s’en dégage. Tranquillement, ils jettent leurs lignes dans les eaux, et attendent leur prise.