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Les loups se battent entre eux mais ne se dévorent jamais !

Perquisitions chez cinq généraux-majors

Les loups se battent entre eux mais ne se dévorent jamais !

Depuis une trentaine d’années j’ai souvent repris ce titre car la même histoire, éternelle, se reproduit en Algérie. On nous annonce la perquisition aux domiciles de certains généraux majors et voilà que certains se mettent à rêver d’une implosion du régime. C’est ignorer le passé, ce pays et ses hommes de pouvoir.

Je n’étais pas plus haut que ma dizaine d’années lorsque je fus confronté à une terrible nouvelle, de celles qui glacent le sang car on m’annonçait l’exécution d’un homme du pouvoir, donc bien identifié par son nom, ses photos dans la presse et sa fonction.

Mon homonyme venait pour la première fois de faire savoir, urbi et orbi, qu’il allait exécuter un PDG d’une société nationale pour cause de corruption. Car à cette époque, ce ne sont pas les juges qui condamnaient à mort un homme de cette importance, mais directement le bureau du tsar de toutes les Algéries.

Cela m’avait ému et j’avais pensé « bigre, qui va oser remettre la main dans la caisse ? ». J’étais bien jeune et bien naïf car ni la corruption ni les menaces d’exécution ne se sont arrêtées dans le régime du tsar. Même chez nos maîtres et dieux de l’époque, les colonels, il y avait des règlements de comptes dont le commun des mortels n’était pas informé et la corruption ne faisait pourtant que s’amplifier, dans un réseau interne qui s’auto-alimentait.

De temps en temps, on n’entendait plus parler d’untel au conseil national du FLN ou dans une région militaire. Cela faisait les causeries de nos aînés qui s’engouffraient dans des explications vaseuses où l’illusion était que le vilain avait été écarté, celui qui avait fait du mal au gentil peuple. La justice régnait, nous pouvions dormir tranquille, les corrompus étaient hors d’état de nuire, la sécurité militaire veille.

 

Même très jeunes, nous n’étions pas dupes, bien entendu, et nous savions qu’il s’agissait de règlements de comptes. Militaires, hommes d’affaires, leurs cousins et frères, tous y sont passés et à aucun moment ce pays n’a eu un répit dans le terrible combat que se livraient les loups. Ils avaient un instinct de meute et une rage innée à défendre leurs territoires, donc à s’attaquer à tous ceux qui souhaitaient leur en confisquer une partie.

 

Car dans ce monde de loups ce n’est pas le sang et la corruption qui effraient et arrêtent la frénésie mais au contraire excitent les instincts primaires. Aujourd’hui, c’est un général qui dirige la meute, demain c’est son rival et ainsi de suite. Mais jamais les intérêts du groupe ne sont menacés par d’autres intérêts qui prendraient le pas sur sa survie.

Des généraux majors ont été perquisitionnés à leur domicile, et alors? Ce n’est pas nouveau pour des hommes de pouvoir mais juste le mécanisme naturel et constant. Il serait pure folie que l’on puisse penser arrêter les malversations économiques et politiques sur des constatations d’ordre judiciaire. Des loups ont perdu, d’autres les remplaceront dans la conduite de la meute, plus forts, plus enragés par le pouvoir et l’argent.

C’est comme cela que s’opère la sélection naturelle. Mort aux faibles, seuls les plus forts survivent. Des juges d’instruction, jusque-là silencieux, vont avoir subitement un zèle étonnant. Ils ne se réveillent que lorsqu’il s’agit de proies affaiblies, celles qui sont à genoux et sans risque que les plus forts ne les défendent.

Ainsi va l’Algérie, dans un système politique qui se régénère perpétuellement dans la violence extrême. Mais, paradoxalement, la principale source de cette régénération ne vient pas des généraux mais d’une partie de la population qui constitue leur assurance-vie.

Comme depuis cinquante ans que je constate la scène, j’ai bien lu que des citoyens appelaient de leurs vœux l’élection d’un général à la place de notre Abdelaziz national. « Celui-là n’est pas comme les autres » disent en chœur les brebis.

C’est qu’en Algérie, les brebis pensent que les loups les protègent des autres prédateurs. C’est dire l’état du niveau d’instruction à l’école algérienne !

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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