« Un étranger qui a donné sa vie pour la France »: des anonymes ont célébré mercredi le résistant apatride d’origine arménienne Missak Manouchian qui entre au Panthéon en dénonçant la présence de Marine Le Pen, « héritière politique », selon eux, de ceux qui l’ont torturé et fusillé.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sous une pluie battante pour assister à la « panthéonisation » de Missak Manouchian, fusillé il y a 80 ans jour pour jour. Un hommage national hautement symbolique en plein débat sur l’immigration et le repli identitaire d’une partie de la société.
Lentement et solennellement, des soldats de la Légion étrangères ont avancé vers le Panthéon avec les cercueils de Missak et de son épouse Mélinée, couverts de drapeaux tricolores.
Le cœur de l’armée française entonnait « Le chant des partisans », l’hymne de la Résistance. Emus, plusieurs personnes debout aux abords du Panthéon, chantaient avec eux au passage du cortège.
Les 24 noms des résistants étrangers – Manouchian et 23 de ses compagnons d’armes – ont été lus par ordre alphabétique, suivis de la mention « mort pour la France », prononcés par les élèves du lycée militaire d’Autun, médaillé de la Résistance française, au même titre que plusieurs personnes venues assister à la cérémonie.
«Honte qu’elle soit là»
Fusillé par les nazis au mont Valérien à l’âge de 37 ans, Missak Manouchian, « a versé son sang pour un pays qui n’était pas le sien », souligne Charles Lagier, 22 ans, étudiant en économie qui se félicite de cet hommage à « un immigré dans un contexte politique particulier ».
Pour lui, « cela pose aussi la question de la présence du Rassemblement national » (RN), « parti politique aux antipodes des idées et des valeurs que défendaient ou incarnaient Manouchian ».
En dépit des réserves exprimées par Emmanuel Macron et l’indignation du comité de soutien à cette panthéonisation, la cheffe de file des députés RN Marine Le Pen a assisté à la cérémonie.
« C’est une véritable honte qu’elle soit là », s’insurge Augris Carmen, 82 ans, dont le père était résistant. « Je suis là parce que Manouchian est un personnage extraordinaire. Un étranger qui donne sa vie pour la France, c’est tout un symbole, surtout actuellement », poursuit-elle abritée au bas d’un immeuble pour éviter la pluie.
Pour Ronan Farnos, 23 ans, étudiant en histoire, « c’est important de venir lui rendre hommage dans le cadre de tout ce qui se passe aux quatre coins du monde. Manouchian s’est engagé très tôt contre le fascisme, et là où l’extrême droite revient, c’est un symbole ».
Et de renvoyer aux origines du Front national, dont une partie des fondateurs était « collaborationniste » : « Manouchian a été torturé par des policiers français, par des vichystes. Marine Le Pen est l’héritière politique et même quasi familiale de ceux qui l’ont combattu, donc oui, ça me gêne », ajoute-t-il. « Manouchian était plus français par ses actions que par une simple carte d’identité. »
« Je viens rendre hommage à un grand monsieur de la Résistance, venu d’un pays étranger (…) C’est un exemple de ce que notre pays devrait être: ouvert sur le monde, avec des valeurs universelles, partagées », dit Philippe Le Blevennec, un retraité de 62 ans.
Pour Emma Pekmezian, étudiante en économie de 19 ans, il est important qu’il s’agisse d’un premier résistant étranger et communiste à entrer au Panthéon dans un contexte « où les étrangers sont rejetés un peu par les politiciens ».
« C’est extrêmement surprenant de voir Marine Le Pen conviée à cette cérémonie. On connaît bien l’histoire de son parti politique. On ne comprend pas trop quel message elle vient apporter aux gens », conclut-elle.
Avec AFP