Site icon Le Matin d'Algérie

Les mercenaires russes d’Africa Corps opèrent officiellement au Mali

Africa Corps

Le groupe paramilitaire russe Wagner a annoncé ce vendredi 6 juin la fin officielle de sa mission au Mali, un pays où ses mercenaires opéraient depuis plusieurs années aux côtés de l’armée putschiste. Une annonce en apparence planifiée, mais qui soulève de nombreuses interrogations sur les véritables raisons de ce retrait. D’autant que le vide laissé par Wagner semble déjà comblé par l’Africa Corps, une force supplétive du ministère russe de la Défense, qui s’installe dans la continuité.

Contrairement à ce qui nous est présenté, le départ des mercenaires de Wagner et l’arrivée d’Africa Corps est une simple opération de chaises musicales. Selon un communiqué relayé par le média russe Sputnik, Wagner affirme avoir « accompli sa mission principale », en restaurant le contrôle des capitales provinciales par les « autorités légitimes » du pays. Le groupe se targue aussi d’avoir « éliminé des milliers de terroristes », sans fournir de preuves indépendantes ni de bilan vérifiable.

Un récit à prendre avec mille précautions, alors que les violences djihadistes ont repris de plus belle ces dernières semaines, avec des attaques coordonnées d’AQMI dans le centre et le sud du pays, jusqu’aux portes de Bamako.

En réalité, le retrait de Wagner n’est pas une surprise pour les observateurs avertis. Une source à Bamako, contactée par la chaîne Al Arabiya Al Hadath, rappelle que ce désengagement était prévu depuis avril, mais aurait été retardé pour organiser le passage de relais avec les troupes de l’Africa Corps. Cette force, créée début 2024 sous la tutelle directe du ministère russe de la Défense, marque une volonté de Moscou de reprendre le contrôle d’un outil devenu trop indépendant, voire incontrôlable, après la rébellion avortée de Prigojine en juin 2023.

Mais au-delà des logiques internes à Moscou, certains analystes évoquent une possible pression extérieure, notamment en provenance d’Alger. L’Algérie, acteur central au Sahel et partenaire stratégique du Mali, aurait exprimé sa réticence face à la présence prolongée de mercenaires incontrôlables sur son flanc sud. Certains présentent ce changement comme une concession russe pour l’Algérie, ce qui peut probable quand on sait que Poutine n’a même pas invité notre pays le 9 mai dernier à la célébration de la fin de la Seconde guerre mondiale, alors même qu’il a déroulé le tapis rouge à plein de potentats africains. Par ailleurs la présence des mercenaires d’Africa Corps n’est pas une nouveauté en Afrique. Il n’y a nul retrait russe de la région.

Reste à savoir si ce changement de façade modifiera réellement la donne sécuritaire au Mali. Les forces de l’Africa Corps, bien que plus encadrées, restent une force étrangère impliquée dans un conflit complexe, où les abus et l’opacité ont souvent caractérisé l’action des supplétifs russes. Le départ de Wagner signe-t-il une rupture ou un simple habillage diplomatique d’une stratégie inchangée ? Et surtout, l’Algérie, isolée sur le plan internationale, qui revendique un rôle stabilisateur dans la région, pourra-t-elle peser durablement sur les orientations sécuritaires de Bamako et de ses partenaires ? Peu probable.

Une chose est sûre : le théâtre sahélien n’en a pas fini avec les jeux d’influence et les redéploiements tactiques, entre puissances régionales et acteurs globaux. Quant aux populations maliennes, elles continuent de payer le prix fort d’une guerre sans fin. Par ailleurs, la multiplication des attaques terroristes islamistes sur au Mali, au Niger et au Burkina Fasa augurent une sérieuse fragilité de ces trois régimes putschistes qui ont assis pourtant leur pouvoir sur la souveraineté et le retour de la sécurité.

Sofiane Ayache

Quitter la version mobile