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Les phares d’Algérie VII

PATRIMOINE

Les phares d’Algérie VII

Le cap Carbon, Bejaia. Crédit photos : Zinedine Zebar.

Nous vous livrons l’histoire des phares du pays tirée du livre « Photographies des phares d’Algérie, de Zinedine Zebar. C’est le fruit de trois ans de périple et des escapades à travers la côte algérienne longue de 1600 km. Le photographe a répertorié 32 phares. Nous vous présentons ici quelques phares région de Bejaia et de Jijel coté Est du pays.

Le phare du Cap Carbon (Bejaia), 1907

Le phare coiffe le cap Carbon, « un îlot relié à la côte par un petit isthme alluvionnaire » et qui est l’un des plus hauts au monde. Pour accéder à ce phare d’atterrissage et au sémaphore niché au bas du promontoire, il faut suivre un chemin qui mène aux hauteurs du mont Gouraya, du nom d’une sainte, et territoire du singe magot, et de là, après avoir longé à droite une corniche, il faut emprunter un court tunnel creusé à même la falaise. Un chemin raide mène alors au célèbre phare, l’un des plus hauts du monde. il y a aussi l’anse des Aiguades et ses galets : une merveille de « la côte de saphir ». Le phare, construit en 1906, a une portée de 29 milles nautiques. Des phoques moines vivaient en bas du cap Carbon, à l’abri de deux arches ; ce cap a été surnommé « Rā’s al-Maṯqūb » (tête percée) par les géographes musulmans.

« La masse des rochers à pic qui termine le cap Carbon offre, note Henri Fournel, comme particularité, d’être perforée de part en part; de là le nom de Metsk’oub (percé) que lui donnent les Arabes; de là aussi la possibilité d’y passer en bateau, comme il arrive journellement aux petites barques du pays ».

La rade de Béjaïa avait naguère les préférences des marins ; le mouillage de Sidi-Yahia était considéré « comme un des meilleurs de la côte septentrionale d’Afrique […] Pendant la nuit, fait remarquer Louis-Charles Féraud, dans sa monographie de Bougie, les signaux se faisaient avec des feux disposés d’une manière convenue. C’est pour cela que la tour du Chouf er Riadh fut également nommée El Manara, la tour des feux.»

Selon Al Idrissi, au XIIe siècle la ville était florissante, en tant que place marchande. « Au treizième siècle, souligne F. Élie de la Primaudaie, la commune de Pise entretenait avec les princes de la dynastie hafside des relations intimes et suivies. Le roi Abou-Abd-Allah appelait les marchands de cette nation ses amis les plus chers parmi les peuples de la chrétienté. Dans les archives de Pise et de Florence, on a retrouvé un grand nombre de documents relatifs au commerce très avantageux que les Pisans faisaient à cette époque à Bougie; cette ville était leur principal comptoir. Une ogive gracieuse qui s’élève au bord de la mer, à côté du débarcadère actuel, a conservé le nom des riches marchands de l’Arno: on l’appelle encore aujourd’hui porte des Pisans. On sait aussi qu’un négociant de cette ville, nommé Fibonacci, mais plus connu sous le nom de Léonard de Pise, apprit à Bougie où son père était consul, le mode de computation arabe. »

Béjaïa avait cette particularité d’être une passerelle entre les civilisations de la mer et du désert. Des traités sur la navigation et le négoce étaient signés en bonne et due forme avec les cités-Etats de la chrétienté ; jusque même sur les modalités à appliquer en cas de naufrages. Les Espagnols de la Reconquista vont briser cet élan de 1510 à 1555. « Par la suite, la ville ne retrouve plus sa position de métropole régionale et devient une simple base d’hivernage pour la flotte turque de la Régence d’Alger, note Dominique Valérian. C’est la fin d’une longue période durant laquelle Bougie fut l’un des plus grands ports du Maghreb et de la Méditerranée occidentale. La conquête espagnole provoque en effet une rupture brutale qui, en modifiant radicalement la place du port dans les réseaux d’échanges, entraîne son recul durable. »

Mais pourquoi la confusion est-elle entretenue sur l’endroit où se trouvait le port de Bejaïa ? s’est demandé l’historien Zahir Ihaddaden, natif de la région. La réponse est toute simple, c’est à dessein que l’histoire de Béjaia avant 1830 a été occultée ; alors que c’est une cité qui possède un passé prestigieux. « Al Ghobrini, dans son ouvrage, évoque très souvent Bab El Marsa et le distingue nettement de Bab el Bahr, écrit Zahir Ihaddaden. Ce qui signifie qu’au-delà de Bab el Marsa, se trouvait le port et que pour y accéder, il fallait traverser cette porte et qu’en conséquence Bab el Bahr ne débouchait pas sur un port. Celui-ci ne pouvait être que du côté de Bab el Marsa, dans la baie de Sidi Yahia. Or aucun des historiens coloniaux français ne parle de ce port. Ferraud n’y fait jamais allusion ; d’ailleurs, il ne signale jamais l’existence d’une porte appelée Bab el Marsa. »

Le phare d’appoint du Cap Carbon, (Bejaia) 1907

Ce phare a été construit en contre bas du Cap Carbon ,au niveau 0 , les autorités maritimes de l’époque l’ont mis en service la même année pour venir en aide , se met en marche, il prend le relais en cas de panne électrique du Cap Carbon .

 

Le phare du Cap Ras El Afia, Jijel, 1907

Construit à partir de 1867, entré en fonction dans la nuit du lundi 1er mai 1871, le phare se trouve à l’extrémité d’une presqu’île située à l’ouest de Jijel. Appelé Grand phare, il est reconnaissable par sa tour octogonale en maçonnerie lisse, surmontée d’une lanterne peinte en rouge et entourée d’une rambarde circulaire, qui surplombe la pointe Leghrifat du cap Afia. « Edifié par un tailleur de pierres du nom de Charles Salva, aux environs de 1865 (d’autres sources parlent de 1907), cet édifice, a été construit pour signaler aux navires la présence de deux écueils dangereux : «la Salamandre», au nord du phare, et «le banc des Kabyles», beaucoup plus large à l’est. Le premier écueil porte le nom d’un bateau qui a sombré sur le récif, alors que le second doit son appellation, selon une légende locale, aux pèlerins qui partaient de Bougie (l’actuelle Béjaïa) vers Philippeville (Skikda) pour embarquer vers La Mecque.»

Les deux redoutables écueils « la salamandre » et « le banc des kabyles », dont nous prévient ce phare de jalonnement, sont connus localement, selon Mohamed Fouad Toumi, sous l’appellation « Gharkatt Meriem » et « Aïcha ».

Le cap de Ras el-Afia, le cap de feu, doit son nom arabe à une tour de feu, sémaphore antique. « Le cap Afia, roche isolée, d’un rouge de feu, au N-E. de laquelle sont quelques rochers noirs qu’entourent des fonds madréporiques : on y trouve du corail rouge. Entre le cap Afia et Djidjelli s’échancrent deux criques où se réfugient quelquefois les caboteurs. Celle de l’est, dite la Salamandre, est la meilleure : après quoi la côte est formée jusqu’à Djidjelli par un cordon de roches basses. »

 

Auteur
Zinedine Zebar

 




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