Samedi 24 mars 2018
Les prédictions de Chris Hedges
En mai 2003, alors que le gouvernement de Georges Bush junior venait tout juste de s’engager dans l’aventure désastreuse de la seconde invasion de l’Irak de Saddam Hussein, Chris Hedges, un chroniqueur au New York Times fut hué à Rockford College, en Illinois, lors du « commencement speech » (discours donné traditionnellement aux post-gradués des universités américaines).
Pour cause, le journaliste, alors âgé de 47 ans, auréolé du fameux « prix Paul Pultizer » et ayant déjà mené des reportages de guerre en Salvador, en Israël et en Bosnie, aurait ouvertement marqué sa dissidence avec l’establishment des néoconservateurs de la maison blanche sur l’option systématique de la guerre dans son agenda à l’international.
D’ailleurs, en 2002 déjà, il avait publié un essai très remarquable sur la nature profonde et destructrice de la guerre, intitulé « War is a force that gives us meaning » (La guerre est une force qui nous octroie du sens), qui lui a attiré l’hostilité aussi bien des républicains au pouvoir que des démocrates.
Bref, devant cet auditoire composé d’étudiants et de parents réunis à l’occasion pour la remise des diplômes, Hedges aurait dressé un réquisitoire sans concession contre l’intervention américaine. « Nous nous embarquerons maintenant, affirmait-il, dans une occupation militaire qui, si l’histoire nous est un quelconque guide, sera aussi dommageable à notre âme qu’à notre prestige, à notre puissance, à notre sécurité ». Avant d’expliquer que la guerre de « libération de l’Irak » sera tout d’abord une « guerre de libération des Irakiens de l’occupation américaine ».
Chose qui pouvait bien se vérifier, selon lui, sur le terrain, malgré le vide de la couverture médiatique occidentale de ce qui s’y passait.
Ainsi a-t-il prédit les attaques menées par les commandos terroristes, les meurtres des leaders chiites dans les mosquées, les assassinats en série dans la rue des jeunes soldats américains et même la naissance de la nébuleuse Daech qui sera célèbre, d’après lui, grâce à une forte propagande internationale.
« Nous devrons payer pour tout cela », avait-il conclu, et ce sont malheureusement les enfants pauvres du Mississippi, de l’Alabama, ou du Texas qui, incapables de se trouver un emploi décent ou d’obtenir une assurance-maladie, allaient s’enrôler dans l’armée et être exposés aux affres de la guerre.
En gros, ce terrorisme-là allait devenir un mode de vie pour des populations américaines désœuvrées.
Ce qui alimentera, de surcroît, la spirale de la violence à chaque fois que les USA, les Etats occidentaux ou leurs alliés vont s’immiscer dans un conflit ou une crise internationale, au Moyen-Orient en particulier. Il est, à vrai dire, difficile aujourd’hui de se mettre à lire ces lignes, plutôt ces prédictions-là de Chris Hedges sans songer aux graves conséquences de la guerre de l’Irak sur la stabilité de toute la région, la montée fulgurante de l’hydre de Daech au Moyen-Orient et au pouvoir d’attraction de la propagande djihadiste auprès de la jeunesse musulmane marginalisée en occident.