Et de deux en un mois. Le 26 juillet, une junte militaire a pris le pouvoir au Niger, après avoir renversé le président Bazoum. Mercredi 30 août, des membres de la garde républicaine (GR), la garde prétorienne de la présidence gabonaise annonce l’annulation de la présidentielle et la dissolution de toutes les institutions de l’Etat.
Paul Biya verrouille l’armée
La succession des coups d’Etat fait craindre le pire dans les autres autocraties africaines. La première est le Cameroun de Paul Biya (90 ans dont 40 ans à la tête du pays). Grabataire et malade, l’autocrate dirige le pays d’une main de fer. A l’annonce du putsch du Gabon, il prend une série de décrets pour remanier l’état-major de son armée. La confiance règne. Ces nominations concernent, entre autres, les services centraux du ministère de la Défense, les écoles de formation, des bureaux de logistique, de transmission et d’informatique de l’armée de terre, de l’air et la marine nationale.
Dur réveil au clan des Bongo aux affaires du pays depuis près de 60 ans. Ali Bongo n’a pas vu le gros malaise dans la société gabonaise et au sein de l’institution militaire. L’annonce des résultats de la présidentielle du 26 août donnant Ali Bongo gagnant a été l’électrochoc qui poussé les militaires à prendre le pouvoir. La population lassée par le règne interminable et prédateur des Bongo sort dans la rue pour exprimer sa joie.
L’Erythrée est dirigé d’une main de fer par le président-dictateur Isaias Afwerki, depuis 30 ans. « Dictature d’un seul homme […], l’Erythrée n’a pas de corps législatif, pas d’organisations de la société civile ou de médias indépendants et pas de système judiciaire indépendant », affirme l’ONG Human Rights Watch (HRW). Les médias indépendants sont interdits depuis 2001 dans le pays, classé au 174e rang (sur 180) au classement 2023 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF). Le dictateur Afwerki règne sans partage sur ce petit pays. Tout Erythréen à même de porter les armes est mobilisé. C’est un pays au service de l’armée. Des centaines de milliers d’Erythréens ont quitté leur pays, fuyant les persécutions religieuses, les arrestations arbitraires et le service national à durée illimitée, assimilé à du travail forcé par les organisations de défense des droits humains. Alors ces putschs doivent donner bien des sueurs froides au sanguinaire au pouvoir.
La Guinée Equatoriale est un petit pays mis en coupes réglées par le clan Obiang. Le président dictateur Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 81 ans, détient le record mondial de longévité à la tête d’un Etat pour un dirigeant encore vivant, hors monarchies. Il avait remporté une supercherie appelée élection du 20 novembre 2022 avec près de 95 % des suffrages. Il dirige d’une main de fer, depuis près de 44 ans, ce petit d’Afrique centrale riche en hydrocarbures. En Guinée Equatoriale, il veut mieux ne pas ne frotter au pouvoir des Obiang. De nombreux membres de la famille présidentielle de Guinée équatoriale avaient des comptes alimentés par des fonds publics et des salaires dans des banques européennes. Alors ces autocrates prédateurs subiront-ils le sort des Bongo ? Les armées de ces pays voudront-elles laver l’affront et prendre le pouvoir ?
Ali Bongo au mépris des réalités gabonaises
C’est un dirigeant et son clan qui vivaient dans le faste pendant que tout le pays pataugeait dans la misère. Ali Bongo doit se mordre aujourd’hui les doigts. L’annonce de ce coup de force est intervenue peu après la publication des résultats officiels de l’élection présidentielle de samedi, qui a vu le président sortant Ali Bongo Ondimba, au pouvoir depuis 14 ans, décrocher un troisième mandat avec 64,27 % des suffrages. Il briguait un troisième mandat, réduit de 7 à 5 ans, aux élections de samedi qui regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux, tous sur un seul tour.
Âgé de 64 ans, Ali Bongo a été élu en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait dirigé pendant plus de 41 ans ce petit État d’Afrique centrale riche de son pétrole. L’opposition a régulièrement dénoncé la perpétuation d’une « dynastie Bongo » de plus de 55 ans à ce jour.
Au Niger, c’est Mohamed Bazoum, un président en exercice, qui a été « putsché » sous le prétexte d’insécurité. Depuis l’annonce du coup de force à Libreville, les médias ont oublié un peu ce qui se passe à Niamey. Pourtant rien n’y est réglé. La France a refusé de rapatrier son ambassadeur comme l’exigeait la junte militaire. Même l’ultimatum donné par cette dernière n’a rien changé. Du coup, la junte, déjà sous la menace d’une intervention militaire de la Cédéao ronge son frein pour le moment. Pour l’heure, c’est la veillée d’arme à Niamey surtout que les putschistes auront fort à faire à maintenir le pays en état de fonctionnement. Car, il ne suffit pas de dégager un chef d’Etat, il reste à assurer à la population la stabilité, les produits alimentaires. Un enjeu autrement plus cruciale surtout si l’on sait que les pays de la Cédéao ont instauré un blocus sur le pays.
Cette démocratisation des coups de forces en Afrique doit inquiéter l’Union africaine dont les limites sont plus que jamais atteintes puisqu’elle s’avère incapable d’endiguer ce phénomène. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a annoncé ce jeudi la suspension avec effet immédiat du Gabon, où des militaires ont renversé mercredi le président Ali Bongo Ondimba.
L’organisation continentale « condamne fermement la prise de pouvoir par les militaires en République du Gabon » et « décide de suspendre immédiatement la participation du Gabon de toutes les activités de l’UA, de ses organes et institutions », a annoncé l’Union africaine dans un communiqué publié sur le réseau social X.
Yacine K.