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Les raisons de l’oubli et de l’instrumentalisation de l’histoire

Patrimoine et culture Amazighs

Les raisons de l’oubli et de l’instrumentalisation de l’histoire

Dissimuler une vérité historique, c’est vouloir délibérément la mutiler, la tronquer, la dénaturer et la faire disparaître. C’est aussi, consentir à renier aux masses, son évidence par la propagande mensongère. Un mal qui se distingue dans la mentalité algérienne avec une banalité effrayante. Ce mal, souvent, mis en avant et soutenu par les certitudes révélées, les fatwas, les hadiths étriqués et l’aveuglement idéologique d’une flamme religieuse inédite. Le pouvoir n’est pas en reste, par manque de responsabilité et la lâcheté de cautionner, le laisser-faire, sous le prétexte de maintenir l’unité nationale du pays.

Ces hommes qui développent des discours d’exégèse sèment, en réalité la stérilité dans les esprits, partout où ils passent. Gangrènent dans les esprits, l’idée de la modernité et l’innovation féconde, au détriment d’une logique insidieuse, latente et passéiste. Tellement persuadés de détenir la vérité, tellement incapables de supporter la moindre dissonance, le moindre doute, ils ne laissent aucun espace à l’esprit critique et à l’expression contradictoire, pour débattre, pour contester et pour dénoncer. Museler, au nom de la pensée unique, pour effacer, à jamais, de nos mémoires la dynamique culture berbère, pour laisser la place à la culture de la nouvelle religion entachée des revendications politiques venue des Etats arabes du Golfe. Les Arabes vinrent en Afrique du Nord en conquérants, non seulement pour occuper le territoire mais, surtout, pour abattre la pensée locale et la civilisation du peuple berbère. Okba est un fanatique (1), au nom d’Allah. Pour lui, les Berbères sont des sauvages sans foi ni loi. Aujourd’hui, ce réflexe lointain, profondément ancré, à la gloire de l’arabité, a creusé ses sillons, est devenu le slogan quotidien, répété inlassablement, dans l’enceinte de l’école algérienne sans qu’on s’en émeuve. Par un patient et continu travail de sape, ils sont arrivés à travestir notre réalité civilisationnelle. Nos mémoires vidées, phagocytées, effacées avaient chassé et éloigné les souvenirs des élites et héros historiques Berbères qui furent, jadis, la fierté des Imazighene, c’est-à-dire de tous les Algériens. La défiance affichée, le regard indifférent des uns, le cœur gonflé et la larme à l’œil des autres, divisent, entre ceux partisans d’une intégration sociétale de la culture berbère et ceux qui, vent debout, crient haut et fort, sous l’œil bienveillant d’un pouvoir cynique, le maintien du système actuel embrigadé et enrobé par les acquis des thèses salafistes. La priorité de rendre, un peu plus, visible le patrimoine berbère dans la sphère publique ne trouve pas un consensus unanime. Face à une partie de la population hostile, manquant de repère et sensible, depuis fort longtemps, aux concepts empruntés à une influence néfaste issue d’une mouvance salafiste-djihadiste, d’obédience Wahabbite, venue de l’Arabie Saoudite. Menée, tambour battant, à coup de milliards, par le biais d’une campagne tout azimut, fidèle aux préceptes d’un wahabbisme pur jus.

La Kahéna et Koceila : des Imazighen oubliés de l’histoire

L’époque de la résistance des Berbères, conduite par la charismatique reine des Aurès Dahia ; la Kahéna et le roi de Numidie Koceila contre les tentatives de conquête des Arabes, au VIIe siècle apr. J.-C. pour occuper l’Afrique du nord, était depuis belle lurette, volontairement cachée et totalement absente de nos manuels scolaires et les recueils de notre histoire. La Reine berbère Dahya ; La Kahéna et le roi berbère Koceila, pourtant d’authentiques enfants de l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui, méritent notre reconnaissance et les mêmes statuts honorifiques réservés aux combattants de l’insurrection du 1er novembre 1954. Leurs images doivent être réhabilitées. Il convient, désormais, de mettre un terme au silence qui entoure leurs personnages, en rendant justice à leur patriotisme. Ces derniers avaient fait preuve d’un grand courage et avaient sacrifié leurs vies pour la grandeur de la mère patrie ; la nation berbère du Maghreb. Le caractère intrépide avec lequel les peuples berbères de Tamazgha s’opposèrent contre les hordes sauvages des Arabes et leurs razzias, pendant plus de 50 ans (2), pour arrêter l’invasion de leur territoire ; ce passé, ne devrait pas rester caché. Mais, curieusement le passé historique, de Dahya et Koceila, reste méconnu, littéralement banni et oublié, jusqu’à susciter un étonnement incrédule, non feint, juste, à l’évocation de leurs noms. Mais on ne tue jamais un passé et encore moins une pensée. Encourager tout le monde à penser la même chose, c’est tuer la pensée, emprisonner le rêve et ouvrir, encore plus, la voie à l’obscurantisme. Wilson Churchill le résuma si bien : « Oublier son passé, c’est être condamné de le revivre. ».

Nos langues

La conquête arabe du Maghreb a apporté un changement culturel radical. Et depuis, une transformation irréversible s’était opérée dans le Maghreb où les peuples adhérèrent en masse, en cédant leur propre culture, contraints et forcés ou par opportunisme, à la culture arabo-berbère. La religion musulmane est, désormais, partagée par la majorité du peuple Algérien, acceptée et pratiquée sans encombre. En outre, l’appartenance revendiquée, avec force, évidemment, à la ligue arabe n’est un secret pour personne. La berbérité vaincue et écrabouillée, devenue invisible, n’est qu’un lointain vieux souvenir, faisant partie des débris de l’histoire, dont la plupart de nos compatriotes, aussi paradoxal que cela puisse paraître, tournent le dos, tout bonnement, à tout ce qui évoque l’identité berbère. Cependant, une petite minorité d’intellectuels, déterminée et véhémente, continue de se battre pour faire revivre les épopées culturelles de notre civilisation millénaire, et ainsi, préserver le patrimoine Algérien, où de ce qui en reste, pour le transmettre aux générations futures.

La langue berbère, bien qu’elle avait été célébrée  en grande pompe, et promue comme langue officielle et nationale, son devenir connaîtra, au mieux le même sort que le dialecte Irlandais ; le gaélique. Le dialecte gaélique reconnu, certes, langue officielle et régionale, enseignée dans toutes les écoles Irlandaises, n’avait jamais rivalisé avec la forte domination de la langue anglaise. Tamazight connaîtra, au mieux, la même destinée face à la langue arabe. La force de la langue arabe, réside dans sa proximité directe et intime avec l’Islam, ce que n’a pas tamazight, et ça on a souvent tendance à l’oublier. Les islamistes n’ont jamais cessé de revendiquer, à juste titre d’ailleurs : arabisation et islamisation vont de pair, car la langue arabe est intimement liée à la pensée islamique. Les islamistes, et on connaît le poids de leur influence au sein du pouvoir, n’auraient jamais cédé sur l’officialisation de tamazight, s’ils avaient le moindre doute de sa prééminence sur la langue arabe. Nos propos ne se projettent pas dans une optique de négation de la langue arabe. Qui au demeurant, est une langue magnifique, quand on ne l’utilise pas comme véhicule pour masquer la vérité religieuse à des fins politiques. En outre, la langue arabe, autant que la langue française sont des langues importées par des nations qui ont occupées injustement notre pays. Elles doivent contribuer, désormais, l’une et l’autre avec le tamazight, à essayer d’asseoir les bases d’une cohabitation intelligente afin d’enrichir la personnalité Algérienne. De toute façon, nous n’avons plus le choix, cette identité plurielle, avec le temps, s’imposera et s’installera en force comme vecteur central de notre patrimoine culturel commun. Il suffit de laisser le temps au temps.

Notre patrimoine

Notre patrimoine national est menacé. La vision islamique rigoriste, rampante, dominatrice et intolérante, est un danger permanent pour le patrimoine Algérien. Tout ce qui n’est pas issu ou non conforme à la pensée Islamique passéiste doit inexorablement disparaître de l’espace public.

Le peuple algérien acculturé, par cette même logique, ne sachant pas sur quel pied danser, perdu dans les méandres d’une politique insidieuse et perverse, évoluant dans un climat d’incivisme, se morfond et adopte une attitude nonchalante et amorphe. Ces états de fait, résultent d’un échec incommensurable d’une anarchie issue de l’incompétence et de l’inconscience politique de nos dirigeants. Le laisser aller était manifeste et on le voyait à l’œil nu, partout, se répandre dans notre société.

Sur chaque monument historique en Algérie, sur lequel s’était posé notre regard, se dégageait une désolation à couper le souffle d’horreur, qui mettait mal à l’aise et faisait mal à l’esprit. Bousculait les sentiments du visiteur et faisait monter la larme à l’œil au vu de l’abandon, d’un laisser-aller et d’un délabrement des vestiges en souffrance noyés dans un tas de ruines.

Timgad

Timgad, à l’évocation de ses images, j’en éprouve encore une grande souffrance. Monument historique romain, dans la wilaya de Batna, d’une réputation universelle. Le seul monument romain au monde qui garde, encore, ses temples, sa station thermale, son forum, son théâtre et ses toilettes, plus ou moins, intactes. Ces vestiges donnaient une vision affligeante sans que les responsables n’éprouvent une honte quelconque. Cette indifférence à la médiocrité est le résultat d’une approche culturelle de la haine et la négation de l’art et de la construction en dure3 (Binâ), héritée de l’ancienne culture bédouine des arabes. Et là-dessus, je tiens à préciser, pour éviter tout malentendu, avec ceux qui crient au diable en faisant l’amalgame entre la culture bédouine arabe et l’Islam. L’islam a apporté, ailleurs, une architecture avec laquelle on a érigé des chefs-d’œuvre, des monuments, des châteaux et des mosquées universellement reconnus partout dans le monde. Il n’y a qu’à voir, en Andalousie, le magnifique héritage du patrimoine artistique et culturel, laissé par les Omeyyades et les Imazighen, en Espagne où l’Alhambra est l’une des constructions les plus célèbres de toute l’Europe.

Site Romain de Machatt (El-Milia)

Le site Romain de Tanefdour, dans la daïra d’El-Milia, du côté nord-Est de dachra de Machatt, envahit par des herbes sauvages dans une forêt dense, ne laissant poindre que quelques pierres des sommets des vestiges qui avaient échappé à l’enfouissement par le temps. Abandonné, ignoré, délaissé, livré à ciel ouvert, dans une indifférence totale. En somme, pour être bref ; dans un état pitoyable. Les riverains du site ignoraient son importance et probablement même son existence. Les responsables d’El-Milia brillaient par leurs incompétences, leurs inconsciences, leurs aveuglements aux croyances des vieux stéréotypes de charlatanismes d’une époque révolue. Suggérer les recherches archéologiques, c’est prendre le risque d’être traité d’infidèle et quand ils daignent répondre, l’index accusateur, le petit sourire ironique de mépris et la voix qui porte, avec des inepties du type : « Quoi ? ce machin de satan ? qui cherche à déterrer les vestiges des païens ? » Et quand on évoque l’écologie : « C’est Darwin le mécréant qui est derrière ces fourbis. Allez circuler, nous sommes dans un pays musulman ! » C’est triste à pleurer, de se trouver impuissant face à la bêtise humaine. Ces vendeurs des destins de l’au-delà paradisiaque au peuple, pendant qu’eux préfèrent la vie terrestre et veillent assidûment à leurs intérêts personnels, en amassant des fortunes illicites. Ces responsables, aussi tragique que cela puisse paraître, se distinguent par les caresses, à longueur de journée, de leurs moustaches et leurs barbes, biens fournies et induites d’huile d’olive.

La sablière de Oued Zhour

Un désastre écologique qui dépasse l’entendement, se déroule, à ce moment même, sous nos yeux, à oued Zhour. A l’extrême Nord-Est de la daïra d’El-Milia. Une sablière, une dune de sable, réputée par sa curieuse singularité et un contraste des lumières sur fond d’une illusion magique, d’une beauté féerique, qui attire le regard. Cette sablière donne l’impression d’une partie du désert, incrusté dans une région vierge, entourée par des montagnes généreuses de verdures et une mer d’une eau pure, turquoise et non, encore, souillée par les activités de l’homme. Cette sablière à 600 mètres de la plage, qu’on venait de très loin pour apprécier la beauté de l’image et le jeu de lumière qu’elle offre et profiter, en même temps, de la plage encore sauvage. Un décor paradisiaque et unique en Algérie. La sérénité de ce décor, certes fragile, était une aubaine touristique pour les habitants de la région. Si l’esprit maléfique, cupide et sans conscience des hommes, n’était pas entré en action pour perturber et mettre en danger un système écologique rare et naturel, et son écosystème. En somme, une entreprise semble exploiter, en toute impunité, cette sablière, en mettant à rudes épreuves et sans scrupule cette sablière que la nature avait mis des siècles à façonner. Selon certaines rumeurs provenant des chauffeurs de camion et les dires rapportés, par le gérant de la société, se targuant, à qui voulait l’entendre, d’avoir des relations directes et les protections, d’un général jouissant d’une position au sommet du pouvoir, dont les enfants sont les vrais bénéficiaires de l’exploitation du sable de la sablière. Le gérant de l’entreprise n’était, en fait, qu’un homme de paille. L’information reste supposée, vraie ou arnaque de l’entreprise pour intimider les riverains, nous ne pouvons, donc, pas la confirmer avec certitude. Mais le doute subsiste. L’APC d’El-Milia, ne bénéficie d’aucune subvention, mais s’interdit de protester et laisse faire, par crainte ou par complicité, allez savoir pourquoi ? . Les bulldozers et les pelleteuses, avec un bruit assourdissant, défigurent avec violence la beauté du site, en creusant et chargeant des camions, par centaines, de marque Shacman de 15 et 20 tonnes. Par ballets incessants, ces camions remplis de sable sillonnent tous les jours la route, réduite en une piste poussiéreuse et dangereuse pour les camions. L’impact sur l’environnement est considérable, visible à l’œil nu, à travers les arbres fruitiers et les oliviers devenus pesants, chargés d’une poussière blanche qui couvre les feuilles et tous les champs avoisinants. Des paysans impuissants et sans défense vivent chaque jour le calvaire de voir leurs champs transformés et disparaître sous la poussière. Les drames collatéraux endurés quotidiennement par la population mitoyenne, par l’exploitation de la sablière ne sont qu’à leurs prémices. Il est donc urgent d’agir pour mettre un terme à l’exploitation abusive de la sablière de Oued Zhour.

Le palais de Koceila : Tahouda

Le palais de Koceila (Aksil, en tamazight) est situé dans la wilaya de Biskra. La mosquée Okba ibn Naffi, aussi. La différence est frappante entre la mosquée Okba ibn Naffi et le palais Tahouda de Koceila et Kahéna. La différence est saisissante, sur l’entretien des ravages du temps et l’innovation qui permet d’assurer la pérennité des lieux. La mosquée d’Okba, qui abrite le tombeau de ce dernier, brille de tous ses éclats, avec ses belles dalles de sol en marbre, achetées à l’étranger à coût de milliards, financées par l’Arabie Saoudite. Cette mosquée bien entretenue est devenue un lieu de pèlerinage. A peine 10 km de là. Tahouda, le palais, communément appelé le palais de Koceila, est, à ce moment même, dans un état de délabrement avancé, laissé libre à lui-même à ciel ouvert. On en a fait des toilettes, on y défèque, à l’intérieur, tout est détruit, bref, il ne reste plus grand-chose. Il est, donc, urgent de prendre conscience de la richesse historique du site, et d’intervenir, au plus vite, pour sauver ce qui reste encore, et arrêter l’érosion du temps sur ce patrimoine national, que nous devons considérer comme une bénédiction venue de loin jusqu’à nous.  

Dihya la Kahéna : Une femme reine en Algérie

Quand Dihya observait tant de beauté par les yeux, par le nez, par les pores de la peau, et faisait corps avec les montagnes et les plaines des Aurès, avec le ciel bleu du printemps et verdure luxuriante de la Numidie. C’était le sentiment berbère, authentique et singulier, commun aux berbères des montagnes, qui surgissait, en elle, avec une plénitude exacerbée de bien être qui parcourait son âme. Dihya, reine des berbères des Aurès, avait aimé son royaume et défendu les intérêts de son peuple amazighe. Dahya dit Kahéna avait caressé l’espoir de fonder, avec un autre grand roi berbère de Numidie ; Koceila, la nation amazighe dans tout le Maghreb. Ils avaient défendu conjointement, cette terre chère à leurs cœurs, avec acharnement et bravoure, pendant 52 ans face aux tentatives répétées d’occupation du Maghreb par les Arabes au VII siècle avant J.-C..

« Ecrire est un acte d’amour, s’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture » disait Jean Cocteau. Oui, j’en conviens. Et je vais écrire avec amour, en rendant hommage à la Kahéna, ma compatriote, et essayer peut-être de la sortir de l’injustice de l’anonymat qui s’était abattue sur elle avec une chape de plomb. La Dihya devrait être le symbole du courage de la femme berbère, donc l’Algérienne. Bien que la ville de Khechela  avait érigé sa statue dans la place publique, il est plus juste d’attribuer son nom à un important Aéroport ou une grande université, avec la mention : Dihya dite la Kahéna reine des Imazighens.

A. B.

Notes

  1. La Kahéna reine d’Ifrikia, de Didier Nebot, édition Anne Carrière, page 26, 27

  2. De 647 à 700 apr. J.-C. La Kahina de gisèle Halimi, édition Pocket de 2006.

  3. Discours sur l’histoire universelle (Al-Muqqaddima), D’Ibn Khaldoun, Tome 1, pages 295, 296. Edition Collection Unesco d’œuvres représentatives. Traduction par Vincent Monteil supervisée par la commission Internationale, pour la traduction des chefs d’œuvres à Beyrouth en 1967.

 

Auteur
Abdelaziz Boucherit

 




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