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Les relations algéro-françaises otages de surenchères intérieures

Macron Tebboune

Chercheur et enseignant en géopolitique, spécialiste notamment des relations franco-algériennes, Adlene Mohammedi aborde les tensions croissantes entre l’Algérie et la France, exacerbées par la récente reconnaissance par Paris de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

Cette sortie française a sonné les autorités algériennes. Surtout qu’elle vient après celles de l’Espagne et des Etats-Unis. Le chercheur enseignant en géopolitique, Adlène Mohammedi, rappelle les signes de dégradation dans les relations bilatérales, illustrés par le rappel de l’ambassadeur algérien en France. Mohammedi souligne que cette prise de position française ne constitue pas une rupture majeure dans sa politique étrangère envers la région, car un soutien à Rabat était déjà observable.

Cependant, cette clarification, autrement dit le soutien français au plan marocain sur l’autonomie du Sahara occidental, a été particulièrement mal accueillie par les autorités algériennes. Surtout quand on sait que la question sahraouie est un de ses piliers diplomatiques au côté de la question palestinienne, le tout sans qu’elle soit à même à aucun moment de son histoire d’influer favorablement pour résoudre ces deux crises.

Le chercheur évoque les récentes accusations d’Abdelmadjid Tebboune, qui a accusé la France de génocide durant la période coloniale, et analyse ces propos comme une escalade verbale, souvent utilisée à des fins de politique intérieure. Pour ceux qui connaissent Tebboune, cette sortie relève d’un effet de manches et de rien d’autre. N’a-t-il pas rappelé l’ambassadeur d’Algérie à Madrid suite à la reconnaissance du plan marocain sur le Sahara occidental ? Après cela, Tebboune ravale sa colère et renvoir un ambassadeur à Madrid sans contrepartie.

En France, cette instrumentalisation vise à séduire des électeurs de droite et d’extrême droite, tandis qu’en Algérie, elle sert à flatter le nationalisme local.

Mohammedi aborde également l’accord franco-algérien de 1968, récemment critiqué par Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur. Cet accord, selon lui, est devenu un symbole pour l’extrême droite française, qui le perçoit comme un avantage indû pour les ressortissants algériens. Pourtant, il argue que dans les faits, cet accord ne favorise pas les Algériens, surtout en ce qui concerne l’accès aux droits de séjour en France, rendant les étudiants algériens moins bien lotis que d’autres.

La nouvelle position française sur le Sahara occidental, qui marque un changement par rapport à l’ouverture d’Emmanuel Macron envers l’Algérie, est également discutée. Mohammedi note qu’il y a quelques mois, les relations entre la France et le Maroc étaient tendues, mais la dynamique semble aujourd’hui en faveur de Rabat. Cette situation est préoccupante, car elle donne l’impression d’une nécessité de choix entre Alger et Rabat, alors que d’autres pays, comme les États-Unis et la Russie, maintiennent de bonnes relations avec les deux.

Mohammedi conclut en soulignant que la déclaration française en faveur du plan marocain, au détriment des négociations onusiennes, constitue un choix clair qui trouble la diplomatie algérienne. Il interpelle sur le timing de cette déclaration, effectuée à un moment où le gouvernement français était dans une phase transitoire.

Il rappelle que bien que le Sahara occidental soit un point de friction diplomatique majeur entre le Maroc et l’Algérie, il est possible d’adopter une approche diplomatique plus équilibrée, qui favoriserait un dialogue constructif entre les deux nations. Cela serait bénéfique non seulement pour l’Algérie et le Maroc, mais également pour les intérêts de la France dans la région. Mais il n’en est pas ainsi. En France, comme en Algérie tout est surenchère politicienne et mémorielle.

Si la droite française agite régulièrement les accords de 1968, voire les bienfaits de la colonisation pour chatouiller l’orgueil de son électorat, en Algérie ce n’est pas mieux. La première attaque de Tebboune est bâtie essentiellement sur la question de la colonisation et ses massacres, des arguments qu’il avait pourtant soigneusement éludés quand il tressait des lauriers à Emmanuel Macron.

En vrai depuis 4 ans, les relations entre Alger et Paris jouent au yo-yo. Jamais les deux pays n’ont connu une année de relations apaisée. La roublardise d’Emmanuel Macron n’arrange pas la nervosité, voire l’absence de toute vision diplomatique de Tebboune et ses parrains. C’est dire que nous ne sommes pas près de voir Tebboune à Paris.

La rédaction

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