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Les rêveries de l’ambition et le train de la mort de Bouknadel

EMMANUEL MACRON ET LE MAROC

Les rêveries de l’ambition et le train de la mort de Bouknadel

Après moult péripéties, Emmanuel Macron se rendra bien au Maroc le 15 novembre, comme nous l’avions annoncé en août. Dernier obstacle au voyage, le cas de Thomas Gallay, incarcéré au Maroc pour terrorisme, a été réglé le 16 octobre avec l’annonce de son transfèrement en France. Mais aussitôt ce problème réglé, le thème du voyage a dû être revu in extremis.

Au départ, Emmanuel Macron devait inaugurer le train à grande vitesse (TGV) Tanger-Casablanca au côté de Mohammed VI. Mais la catastrophe ferroviaire de Bouknadel (sept morts et plus de 80 blessés), le 16 octobre, a poussé le Palais à annuler.

D’autant que le chantier du TGV est accusé de phagocyter le budget qui devrait servir à l’entretien des lignes classiques… Macron – qui devrait être accompagné du nouveau ministre de l’intérieur Christophe Castaner – devrait donc plutôt s’exprimer sur la Méditerranée, avec l’aide de sa conseillère pour la francophonie Leïla Slimani. (1)

L’écrivaine qui a rejoint l’armée des vassaux de Jupiter, devrait relire et dans une opération à reluire, avant le voyage, son ode énamourée au TGV marocain, intitulée Le train de l’espoir, publiée en janvier 2017 sur le site d’information Le360.ma, mais qui en réalité est juste un gouffre qui engraisse les entreprises françaises.

Extrait qui fait réfléchir sur l’accident de Bouknadel (2) :

« Le TGV au Maroc, il y a de quoi me faire rêver ! Si tout se passe comme prévu, à la mi 2018, il sera possible de faire Rabat-Tanger en deux heures, contre presque cinq heures aujourd’hui. Oubliés les compartiments surchargés, les trains retardés, les arrêts interminables en rase campagne… D’autant que, si l’on en croit les deux patrons des cheminots, le TGV marocain ne sera pas un train de luxe mais sera au contraire abordable pour les classes moyennes. »

Justement, les compartiments surchargés, les trains retardés, les arrêts interminables en rase campagne… parlons-en Madame et sans polémique aucune !

Vous est-il passé par l’esprit que la priorité devrait d’abord être portée à la sécurité des passagers qui payent un service pour se rendre au travail ou pour affaire pour qu’au final ils assurent leurs vies ou leurs survies, avant de vanter l’objectivation de vos rêves, et faire passer de l’état de vos délices intérieurs à celui d’une réalité extérieure qui est loin d’être partagée et susceptible de servir objectivement le maximum de personnes et à un coût raisonnable ?

Vous est-il passé par la tête que les vœux d’infrastructures gigantesques coûteraient presque 12 fois le coût kilométrique (9 millions d’euros au KM) que le plus cher kilométrage TGV en France (19,7 millions d’euros pour LGV Méditerranée comparable à la ligne Tanger-Casa) ?

Mais, peut-être pour vous la devise de Paulo Coelho est une hygiène de vie, qui dit que « le monde est de deux sortes : Celui dont nous rêvons, et celui qui est réel. » ?

Le journal le DESK écrit « le drame de Bouknadel fait remonter à la surface des dysfonctionnements structurels de l’ONCF. Alors que des témoignages abondent pour décrire une situation alarmante de la maintenance des trains et des rails, c’est toute la stratégie de l’Office focalisée sur le projet pharaonique de la LGV qui est mise en accusation. […] Nombre très élevé de trains journaliers ont accusé des retards ces derniers mois » (3)

Et il poursuit « la stratégie de l’ONCF qui s’est lancé malgré un endettement conséquent dans des projets de construction de la ligne et des grandes gares LGV dotées d’installations commerciales, alors que ni la qualité des infrastructures de base, ni le service aux passagers ne sont au rendez-vous. »

Votre ode pleine de rêves avait-elle inspiré votre démarche pour en toucher un mot à Jupiter sur le mal que la France fait à votre pays de naissance, même si je ne peux vous reprocher la forfaiture de la gouvernance de l’Office?

Et enfin, vous choisissez la voie, autant le dire, qui vous déroule des tapies et qui dérailles les parcours de précaires réinventant leur survie tous les matins. Vous en avez le droit !

Vous avez écrit « Le train est depuis toujours l’allié des écrivains, un lieu propice à la rêverie ou aux rencontres fortuites. En France, je passe énormément de temps dans les gares et sur les lignes de TGV pour rejoindre les librairies de province où j’ai la joie d’être invitée. Au Maroc aussi, je préfère toujours le train à la voiture. Un moyen d’éviter les désagréments de la route, la peur des chauffards et de m’adonner tranquillement à la lecture ou au travail. »

Des choix de vies qui ne profitent pas à tout le monde. Votre vie est une chance, saisis-la. Disait Mère Teresa. Ce n’est pas le cas de tous.

M.B.

Renvois

(1) © Copyright Maghreb Confidentiel.

(2)https://www.huffpostmaghreb.com/entry/ce-que-lon-sait-sur-laccident-ferroviaire-de-bouknadel_mg_5bc5ea12e4b0d38b5871c5c3

http://fr.le360.ma/blog/le-train-de-lespoir-102589

(3) https://ledesk.ma/2018/10/17/accident-de-bouknadel-lgv-et-mafias-du-rail-pointes-du-doigt/

Auteur
Mohamed Bentahar

 




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