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L’État algérien : trop de poids, trop de pouvoirs

Conseil des ministres

L’Algérie est prise dans un paradoxe pesant : un État obèse, centralisé et accaparant tout, face à une société chétive, fatiguée et dépendante. La question des réformes est sur toutes les lèvres, mais une interrogation persiste : faut-il alléger cet État omniprésent pour permettre à la société de respirer, ou renforcer la société pour qu’elle prenne enfin le relais ?

Dans une économie rentière dominée par la rente pétrolière, l’Algérie n’a jamais musclé son tissu économique et social. Tout repose sur un État omnipotent, devenu acteur principal et distributeur de privilèges. Résultat : une bureaucratie pléthorique, une corruption institutionnalisée, et une société civile affaiblie, incapable de se structurer librement.

Un État obèse, une société affaiblie

L’État algérien, tentaculaire et inefficace, étouffe toute tentative d’autonomie sociale ou économique. Alimenté par les richesses pétrolières, il privilégie la distribution clientéliste au lieu d’investissements structurants. Pendant ce temps, les citoyens subissent le chômage, les inégalités et les opportunités réduites.

Ce poids s’accompagne d’une concentration excessive du pouvoir, où l’État, seul maître du jeu, bloque toute initiative d’innovation ou d’autonomie. Cette centralisation n’a fait qu’alimenter un statu quo paralysant, comparable à l’émergence d’un secteur privé ou d’une société civile dynamique.

Des maux multiples, des mots creux

À force de vouloir tout contrôler, l’État a accumulé les échecs : chômage de masse, services publics défaillants, corruption galopante. Ces dysfonctionnements ne sont pas des accidents, mais les symptômes d’un système incapable d’évoluer.

Et pourtant, les discours abondent : promesses de réformes, plans de redressement, appels à l’innovation. Mais derrière les mots séduisants – « diversification », « transparence » – se cache une absence de volonté réelle. Ce vide alimente le cynisme d’une population oscillant entre colère et résignation.

Quelle voie pour l’avenir ?

Pour sortir de l’impasse, l’Algérie doit réduire le poids de l’État sans en négliger ses fonctions essentielles. Ce dernier doit devenir plus agile et efficace, recentré sur la sécurité, les droits fondamentaux et des services publics de qualité.

En parallèle, il est urgent de muscler la société en soutenant l’éducation, l’entrepreneuriat et la créativité des jeunes. Ces derniers, malgré un système étouffant, innovent et rêvent d’autre chose. Leur potentiel est immense, mais faute de soutien, beaucoup s’exilent, privant le pays de son avenir.

Une opportunité historique

Changer de cap ne se fera pas sans résistance. Les élites, habituées au statu quo, résistantes, et la société devront se libérer de sa dépendance à l’État. Mais cette transformation est indispensable, car le modèle actuel est insoutenable.

L’Algérie possède toutes les ressources pour réussir : une jeunesse brillante, une histoire riche, et des richesses naturelles. Ce qui manque, c’est la volonté collective de tourner la page et de construire un futur où État et société avance enfin main dans la main.

« Quand l’État pèse trop et la société trop peu, le progrès reste à terre : il faut alléger l’un pour libérer l’autre, et les muscler ensemble pour avancer. »

En effet, il faut deux pieds pour avancer : l’un à droite, l’autre à gauche, et un cerveau pour les guider. L’Algérie, aujourd’hui, semble piégée dans une marche bancaire. Un pied – l’État – est hypertrophié et lourd, tandis que l’autre – la société – reste trop chétif pour porter son poids. Et le cerveau, qui devrait ressembler aux deux, semble parfois hésiter, pris dans les méandres d’un système figé.

La marche de l’Algérie est entravée par ce déséquilibre fondamental. Un État qui a concentré tous les moyens, accaparé tout l’espace, mais qui s’embourbe sous son propre poids, incapable de progresser. Et une société civile qui, trop longtemps appuyée sur cet État omniprésent, n’a jamais été véritablement encouragée à s’émanciper.

Pour retrouver son équilibre, il ne suffit pas de muscler le pied gauche ou d’alléger le droit ; il faut aussi rétablir la coordination. Le cerveau – symbole de la vision politique et de la gouvernance – doit cesser d’agir dans un mode autoritaire unilatéral et commencer à fédérer, écouter et guider avec clairvoyance.

L’Algérie ne peut avancer qu’à condition de reconnaître que ni l’État, ni la société ne peuvent marcher seuls. Ensemble, ils doivent trouver le rythme juste : un État agile, recentré sur ses missions essentielles, et une société dynamique, autonome, capable de générer sa propre énergie. Mais cela suppose de libérer la créativité, de sortir des schémas étouffants de dépendance et d’inventer une nouvelle coordination entre ces deux jambes essentielles au mouvement.

Et comme pour tout organisme vivant, le cerveau devra incarner une vision à long terme. Non plus un cerveau enfermé dans une tour d’ivoire, mais un organe au service des deux pieds : pragmatique, stratégique et capable d’anticiper les obstacles sur le chemin.

L’Algérie est à un moment décisif. Elle peut continuer à tituber, coincée dans ce déséquilibre pesant, ou choisir de se rééquilibrer sûr pour avancer d’un pas. Cela nécessitera du courage, de la volonté et une capacité à dépasser les égoïsmes qui immobilisent le pays. Mais, comme on dit, « là où il y a une volonté, il ya un chemin ».

Dr A. Boumezrag

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