Mardi 17 septembre 2019
L’Etat contre la société
Manifestations à Alger contre le régime et la présidentielle. Crédit photo : Zinedine Zebar.
Aussi incongru que cela puisse paraître, le titre du présent article reflète pourtant la réalité politique de l’Algérie indépendante. Le fait que les manifestants algériens scandent toutes les semaines: « Nous voulons l’indépendance » en dit long sur la façon dans l’Algérie a été gouvernée depuis l’indépendance.
Ainsi, les slogans des manifestants ne sont ni plus ni moins que l’expression d’une indépendance confisquée par une élite militaro-politique. Une fois passées les années de la fanfaronnade idéologique d’un nationalisme stérile, les résultats en termes du bien être social et des droits politiques sont catastrophiques.
La liste est longue pour établir les méfaits de tous les gouvernants qui ont mis à terre l’Algérie. Comme s’il y avait une malédiction qui poursuit la population, force est de constater que rien absolument rien ne fonctionne correctement. Les hôpitaux sont des mouroirs, les routes sont presque toutes défoncées, toutes les plages sont polluées, la coupure d’eau et de l’électricité est très fréquente, une pénurie du logements et un chômage endémique qui ne permettent même pas aux jeunes d’avoir un projet si ce n’est de fuir le pays au risque de leur vie dans des embarcations de fortune.
Avec un tel résultat, les responsables de la catastrophe osent encore dire qu’ils travaillent pour le bien de la population. A la lettre, les mots employés par la population algérienne sont d’une telle justesse qu’on se demande parfois à quoi ça sert de se gargariser dans des analyses théoriques du système politique algérien.
A toute épreuve, le commun des mortels sait bien que rien en fonctionne comme il faut le plus normalement du monde.
Les choses vont tellement mal qu’il est difficile pour régler un problème banal du quotidien sans recourir au clientélisme. Il faut surmonter une série d’obstacles bureaucratiques qui forcément accentuent la dépendance du citoyen vis à vis de l’autorité de l’administration étatique. En effet, c’est la subordination des citoyens à un système bureaucratique tentaculaire qui empêche l’émergence d’un société ouverte.
Si la vie quotidienne des gens est étroitement conditionnée par les décisions de l’Etat, le champ politique est tellement verrouillé qu’il est quasiment impossible de se sentir libre dans son propre pays et à plus forte raison d’exprimer ses idées. On sent la pesanteur de la force coercitive qui pénètre dans le moindre détail le foyer des Algériens. Parmi cette force coercitive,il faut signaler le poids idéologique de médias officiels et semi-officiels qui orchestrent à bon escient, la propagande du pouvoir.
La télévision est une des armes redoutables qui infestent les foyers domestiques. Elle diffuse des images d’une Algérie sans problème comme si le Hirak n’existe pas. A cet effet, des journalistes ont été appréhendés lorsqu’ils étaient en train de filmer un vendredi matin des rues désertes en vue de la diffusion d’une réalité travestie.
Comme à l’accoutumée, le nouveau maître de l’Algérie instrumentalise tous les moyens à sa disposition pour mener une opération contre-révolutionnaire de grandeur envergure contre son propre peuple. Il utilise lui et sa bande aussi bien les forces de sécurité pour mater la contestation que la dissuasion en emprisonnant les contestataires ou le plus humble des marcheurs du vendredi. En l’occurrence, les mots ne suffisent pas pour décrire la machine de guerre de Gaïd Salah et ses sbires.
Face à cette machinerie contre-révolutionnaire, les animateurs du Hirak doivent impérativement réfléchir à une nouvelle stratégie de lutte pour mener à bon port la révolution pacifique. Ils ne peuvent plus agir en ayant le visage découvert. Et comme le mouvement sans meneurs déclarés se veut circulaire, il est temps peut-être d’envisager une organisation tourbillonnaire avec un noyau dilaté et diffus pour empêcher les arrestations arbitraires que subissent un certain nombre de militants.
En lieu et place d’une organisation de base préconisée par le cercle des démocrates et face à la guerre contre le peuple que mène le pouvoir, il y aurait à envisager une double structure à hélices; l’une connue du grand public qui s’adresse aux médias et l’autre carrément clandestine qui ne s’occupe que de l’organisation du mouvement.