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Lettre à  Boualem Sansal, mon ami, mon frère et mon compatriote

Boualem Sansal

Boualem Sansal placé en détention depuis le 16 novembre dernier

Boualem, comme à chaque fois qu’un innocent est martyrisé je prends la plume pour lui parler. Pour toi je personnalise le propos car pour les 240 autres ma rage exprimée ne peut être que collective. Il ne s’agit pas de différenciation par la notoriété médiatique mais une impossibilité de le faire pour chacun des autres.

Je les joins dans ma discussion avec toi, tous en égalité de conversation.

Et toujours je demande pardon à des victimes de l’immonde. Un pardon à être totalement démuni pour vous sortir, toi et les autres, des griffes de ceux qui sont des marionnettes de leurs maîtres, le parquet et les juges.

Ce sont des lâches car ils n’osent pas affronter ce qu’ils savent très bien être leur déshonneur, camouflé derrière de intérêts de gloire et financiers sous le couvert des lois qu’ils n’appliquent qu’aux autres.

Je suis totalement dépourvu de la possibilité de te rendre justice et de te ramener vers la liberté qui est le seul endroit où tu devrais être avec les autres.

Mon âge ne peut plus rien et je regrette que lors de notre rentrée en Algérie j’avais choisi la plume et l’engagement politique plutôt que les armes. Mais les armes, faut-il encore avoir le pouvoir mental de les prendre car la mort n’est pas de notre humanité.

Pardonne-moi et du fond de ta situation soit sûr qu’à l’extérieur vous êtes tous des martyrs de la liberté pour avoir eu ce courage. Certains disent que c’était de l’inconscience d’être rentré, je ne suis pas loin de le penser. Mais le moment n’est vraiment pas de disserter sur cette question.

Mon cher Boualem, je ne te connais qu’à travers les médias et même pas à travers tes livres. Je dois avouer que j’ai été très sévère, non pas pour tes postions mais pour ta stratégie médiatique, comme celle de Kamel Daoud.

Aucune de tes positions politiques ne diverge avec les miennes, absolument aucune. Et même si cela avait été le contraire, tu as la liberté absolue de les avoir et de les clamer. Aucune d’entre elles n’est à sanctionner et encore moins ne justifie le réquisitoire d’un procureur sans dignité.

Aujourd’hui, je pense à toi et aux quelque 240 autres qui sont les victimes d’une barbarie humaine. Ma solidarité n’est pas grand-chose mais elle s’additionne avec celle des dizaines de milliers d’autres.

Elles pourront avoir un jour la force de combattre cette peste qui s’est abattue sur notre pays. Alors il faudra laisser la place des geôles à tant d’autres qui doivent vous remplacer. Et pour eux, ce sera le lieu qui convient le plus aux ténèbres de leur inhumanité.

Un jour nous nous rencontrerons peut-être pour échanger notre accord sur la liberté et la si belle littérature qui est au service de la justice, de l’éducation, du rêve, du plaisir intellectuel et de la liberté.

Tu es mon frère, mon ami et mon compatriote. Justice te sera rendue, j’en suis certain car ces lâches ne plient que face à la force.

Courage, tu vaincras, avec les autres !

Boumediene Sid Lakhdar

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