Site icon Le Matin d'Algérie

Lettre à la Licra* Pour une condamnation de l’État algérien pour racisme et antisémitisme

TRIBUNE

Lettre à la Licra* Pour une condamnation de l’État algérien pour racisme et antisémitisme

Étant votre noble combat depuis presque un siècle contre le racisme et l’antisémitisme, j’ai l’honneur de m’adresser à votre ligue afin de vous exposer les faits suivants, des faits dont vous êtes certainement au courant.

Depuis le 22 février 2019, les Algériens manifestent contre le régime militaire qui gouverne le pays depuis son indépendance en 1962. La contestation qui a commencé à Kherrata, une ville kabyle de l’Est algérien le 16 février pour refuser une cinquième mandature du président putschiste Abdelaziz Bouteflika, est devenue une révolution pacifique drainant des millions d’Algériens chaque vendredi pour réclamer « le départ du système ».

L’idéologie arabo-islamiste, soubassement du régime algérien, a fait que la Kabylie, ainsi que tous les Amazighes d’Algérie, soient victime d’ostracisme et de déni identitaire.

En 2001, la police algérienne a abattu 128 manifestants Kabyles qui réclamaient un État démocratique et la reconnaissance de l’identité amazighe (berbère), identité autochtone du pays et de toute l’Afrique du Nord. En 2003, des jeunes manifestants chaouis de Tkout dans les Aurès ont subi des sévices corporels par les forces de l’ordre algériennes et en 2014, la population mozabite dans le sud algérien a subi une répression sauvage et des militants mozabites sont encore en prison.

Le docteur Kameleddine Fekhar, porte-parole de cette contestation est mort en prison le 28 mai 2019 suite à une grève de faim et au refus de soins de la part des autorités pénitentiaires selon son épouse. Il a fallu 18 ans, après le Printemps noir de Kabylie pour que les Algériens comprennent le message de la Kabylie.

Aujourd’hui et depuis 6 mois, ce sont des millions à réclamer la démocratie et l’instauration d’un régime politique civil démocratiquement élu. Et comme à l’accoutumé, la junte d’Alger répond par la répression et la manipulation. Plus de 50 manifestants sont arrêtés, des vétérans de la guerre d’indépendance, des militants démocrates et des étudiants sont jetés en prison. Les manifestants ayant brandi le drapeau amazighe pendant les manifestations sont particulièrement visés suite à un ordre du chef de l’État major de l’armée algerienne interdisant les couleurs amazighes. Un médecin (Khaled Chouiter), en grève de la faim, une jeune élue locale (Samira Messouci) et d’autres militants associatifs arrêtés sont en attente d’un procès. Et pourtant, après des années de lutte, la constitution algérienne reconnaît tamazight (la langue berbère) comme langue nationale et officielle.

Le fait amazighe et la langue sont enseignés depuis une dizaine d’années et des documents officiels de l’État algérien sont rédigés en amazighe. Suite aux grandioses manifestations qui ont poussé l’ancien président Bouteflika à la démission, c’est l’État major de l’armée qui a repris les règnes du pouvoir. Afin d’isoler la Kabylie, très active dans cette contestation, des barrages militaires sont dressés chaque jour de manifestation à l’entrée de la capitale algérienne pour y interdire l’accès aux citoyens venant de Tizi-Ouzou, de Bougie et de Tuvirets, les villes principales kabyles.

Des milices qui se revendiquent comme étant « arabes », sous instigation du régime algérien, seraient en gestation pour attaquer les Kabyles et provoquer une guerre civile. Les vidéos diffusées sur internet parlent d’opération « zéro kabyle ». Issad Rebrab, patron du groupe industriel Cevital, premier groupe agroalimentaire africain et âgé de 70 ans est également arrêté pour avoir manifesté dans la rue aux côtés des citoyens pour revendiquer la démocratie et l’alternance au pouvoir. Il y a 2 ans, un blogueur kabyle, Marzouk Touati, a été arrêté et condamné à 10 ans de prison pour avoir réalisé et diffusé une interview avec un diplomate israélien.

Le diplomate a confirmé que Israël ne s’implique pas dans la situation politique en Algérie et qu’elle entretient de bons rapports avec les pays de la région. Nonobstant, le jeune universitaire a été accusé de complot avec une puissance étrangère et d’espionnage.

Son réel tort est d’être né Kabyle. Deux ans de mobilisation citoyenne ont été nécessaires pour sa libération. Les premiers procès contre les porteurs de drapeau amazighe auront lieu les prochains jours. Le procureur de la République a requis des peines allant de 3 à 10 ans sous l’accusation d’atteinte à l’unité du pays.

Par la présente, et en tant que président de Akal-terre, association 1901, je tiens à solliciter votre ligue afin de porter cette question devant l’opinion internationale et surtout de condamner l’État algérien comme étant un État raciste et anti-sémite. Veuillez agréer, l’expression de no sincères salutations. Paris, le 06 septembre 2019 *Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.

P/Akal-terre

Le président Ahviv Mekdam

* Licra : Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme

 




Quitter la version mobile