Mercredi 28 juillet 2021
L’honneur de la presse indépendante
El Watan est en passe de disparaître. C’est évidemment un symbole qui est atteint. La cause en est en apparence financière. El Watan, comme d’autres titres jadis, est étranglé financièrement du fait de privation des annonces publicitaires publiques.
On sait que ces dernières peuvent déterminer la vie ou la mort d’un titre. Raison pour laquelle le pouvoir utilise ce levier pour apprivoiser la presse par l’usage de la carotte ou la sanctionner par celui du bâton.
En un mot, on n’aime ou pas El Watan, on est ou pas d’accord avec sa ligne, mais on ne peut nier que c’est un grand journal emblématique de cette expérience inédite de la presse indépendante algérienne. Le quotidien a acquis sur le plan national tout comme international une réputation de sérieux.
Au début de la présidence d’Abdelmadjid Tebboune, on a eu l’impression qu’El Watan avait viré sa cuti pour se rapprocher du pouvoir de la « Nouvelle Algérie ». La présence de Tayeb Belghiche, le directeur qui avait succédé à Omar Belhouchet, à la première conférence de presse du nouveau président, ainsi que les compliments reçus de ce dernier, pouvaient laisser entendre que le quotidien indépendant était rentré dans le rang, ce qui valait sans doute son pesant de dividendes publicitaires. Mais, visiblement, l’union n’a pas duré. Ce serait un signe d’indicible affliction que cet acquis d’octobre 1988 disparaisse en conséquence d’une punition.
D’autres titres ont rendu l’âme dont Le Matin qui a eu le funeste privilège d’être médiatisé dans le sillage de l’insupportable condamnation à deux ans de prison de son directeur, Mohamed Benchicou.
L’autre disparition passée malheureusement inaperçue, est celle d’Alger Républicain, le plus ancien journal algérien. Avoir été l’enjeu de luttes intestines à l’intérieur de la gauche algérienne a précipité sa chute, au grand bonheur du pouvoir. Quels que soient les désaccords que l’on ait pu avoir avec Alger Républicain, ce n’est certes pas à la gloire de la gauche algérienne, et de la presse indépendante de façon générale, de l’avoir laissé agoniser alors qu’il pouvait encore être sauvé.
C’est un peu pareil pour El Watan aujourd’hui. Au-delà des rancœurs de nature politique ou personnelle, des blessures d’ego, de la concurrence, l’extinction d’une voix comme El Watan est une abdication au silence des cimetières. S’il disparaissait du fait de n’avoir pas bénéficié de la solidarité des siens d’abord, le camp démocratique et républicain, la presse indépendante, on ne s’étonnera pas que les autres titres suivent, et qu’on revienne gaillardement au temps d’El Moudjahid unique.
Et comme le disait le pasteur Martin Niemöller : « Quand les Nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux- démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
Ben Mohamed (poète), Omar Bouraba (chef d’entreprise), Arezki Metref (journaliste), Mahieddine Ouferhat (Directeur d’un organisme de formation), Omar Tibourtine (médecin spécialiste)