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« Libres, mais affamés », clament les manifestants

7e anniversaire de la révolution en Tunisie

« Libres, mais affamés », clament les manifestants

La Tunisie a marqué dimanche le septième anniversaire de sa révolution dans un contexte de vive tension sociale, comme en témoignent de récents troubles, en raison de la persistance des maux -pauvreté, chômage, corruption- à l’origine de la chute de la dictature.

Sur l’avenue Bourguiba dans le centre de Tunis, l’un des lieux emblématiques du soulèvement qui fut le point de départ des révoltes arabes, plusieurs centaines de personnes ont manifesté par groupes séparés à l’appel de partis et de syndicats, pour marquer l’anniversaire de la chute de Zine El Abidine Ben Ali après 23 ans de règne sans partage.

Des membres du collectif citoyen « Manich Msamah » (« Je ne pardonnerai pas ») ont défilé en brandissant les photos de « martyrs » de la révolution. Un peu plus loin, des jeunes manifestaient pour l’emploi, tandis que des membres du parti islamiste Ennahdha se succédaient sur un grand podium.

L’avenue a été placée sous très haute sécurité et les arrivants étaient soumis à des fouilles.

L’ambiance, généralement bon enfant, n’occultait toutefois pas une grogne sociale persistante, qui a récemment refait surface dans l’ultime pays rescapé du Printemps arabe.

Sept ans après le départ de Ben Ali, qui vit en exil en Arabie saoudite, nombre de Tunisiens estiment avoir gagné en liberté mais perdu en niveau de vie.

Malgré le succès relatif de sa transition démocratique, la Tunisie ne parvient en effet pas à s’extirper de la morosité économique et sociale. La semaine dernière, des manifestations pacifiques et des émeutes nocturnes ont secoué plusieurs villes.

« Couffin vide »

Alimentée par un chômage persistant, la grogne a été exacerbée par des hausses d’impôts prévues dans le budget 2018, grignotant un pouvoir d’achat déjà éprouvé par une inflation en hausse (plus de 6% fin 2017).

Les protestataires réclament la révision du budget voté en décembre mais aussi une lutte plus efficace contre la corruption, autre fléau persistant.

Devant le siège du puissant syndicat UGTT, une foule a exprimé ce vif mécontentement, à l’image de Foued El Arbi, brandissant un couffin vide avec la mention « 2018 ».

« Ce couffin vide résume notre situation médiocre sept ans après la révolution », a fustigé ce professeur de philosophie.

« Nous protestons contre cette loi de finances (…) qui détruit le pouvoir d’achat de la majorité des Tunisiens et sert les intérêts des corrompus et des pilleurs », a de son côté dit à l’AFP Hamma Hammami, le porte-parole du Front populaire, qui défilait sur l’avenue Bourguiba.

Cette coalition de partis de gauche a été accusée par le chef du gouvernement Youssef Chahed d’être responsable des derniers troubles, lors desquels quelque 803 personnes soupçonnées de violence, de vol et de pillage ont été arrêtées, selon le ministère de l’Intérieur.

Le président Béji Caïd Essebsi s’est, lui, rendu dans le quartier populaire d’Ettadhamen, en banlieue de Tunis, où des heurts nocturnes ont opposé des jeunes contestataires aux forces de sécurité la semaine passée.

« Cette année nous allons commencer à nous occuper des jeunes », a assuré M. Essebsi en inaugurant un complexe culturel destiné à la jeunesse.

« La révolution de la liberté et de la dignité (…) a essentiellement été menée par les jeunes » et « il faut que nous nous occupions (…) de ce quartier populaire et défavorisé », a-t-il ajouté.

Mais plusieurs habitants venus pour tenter -en vain- de présenter leurs doléances au président ont exprimé leur frustration.

« Je n’ai pas de quoi acheter un yaourt! », s’époumone en larmes Souad, 40 ans, devant une haie de policiers et de gendarmes. « Il dit qu’il va nous aider et puis il repart dans son palais », lance amèrement Mouna, une lycéenne.

La révolution tunisienne avait été déclenchée par l’immolation par le feu le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid -une ville dans l’arrière-pays déshérité- du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, excédé par la pauvreté et les humiliations policières. Sous la pression populaire, Ben Ali avait pris la fuite le 14 janvier. Ce soulèvement a fait 338 morts.

Pour la politologue Olfa Lamloum, les troubles sociaux des derniers jours « révèlent une colère portée par les mêmes (personnes) qui s’étaient mobilisées en 2011 et n’ont rien obtenu ».

« Cela fait sept ans qu’on ne voit rien venir. On a eu la liberté, c’est vrai, mais nous sommes plus affamés qu’avant », a résumé Walid, un chômeur de 38 ans rencontré à Tebourba, près de Tunis, un des fiefs de la contestation actuelle.

Le mouvement social a été lancé début janvier à l’appel de « Fech Nestannew » (« Qu’est-ce qu’on attend? »), dont les instigateurs, issus de la société civile, réclament davantage de justice sociale.

En difficulté financière, notamment après la crise du secteur touristique liée à une série d’attentats jihadistes en 2015, la Tunisie a obtenu un prêt de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans du Fonds monétaire international (FMI). En échange, elle s’est engagée à une réduction de son déficit public et à des réformes économiques.

Le gouvernement a promis un plan d’action social qui doit toucher plus de 120.000 bénéficiaires. Il coûtera plus de 70 millions de dinars (23,5 millions d’euros), selon les autorités.

Il prévoit une aide à l’accès à la propriété pour les familles pauvres, des mesures visant à assurer « une couverture médicale pour tous » et une augmentation de l’allocation sociale en faveur des familles nécessiteuses.

Auteur
AFP

 




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