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« L’Iliade » et « L’Odyssée » : Homère et l’explication du monde

Conseil de lecture aux jeunes

« L’Iliade » et « L’Odyssée » : Homère et l’explication du monde

Même personnage mais ici dans son texte original rédigé par Homère. Dans ce cas, il n’est point question de snobisme littéraire mais d’une gigantesque œuvre qui a laissé ses traces indélébiles dans les civilisations. Conseil est donné aux jeunes lecteurs de ne surtout pas éviter cette œuvre, considérée comme faussement difficile et qui pourrait les effrayer.

L’idée m’est venue de prendre le contre-pied absolu de mon conseil précédent. Je vous avais mis en garde contre une arnaque de la littérature mondiale, Ulysse de James Joyce, pour lequel des « experts » vous diront toujours que si vous n’avez rien compris c’est que vous n’êtes pas armés intellectuellement pour le comprendre. Alors qu’il n’y a rien à comprendre qu’un délire que personne ne peut supporter au-delà de quelques dizaines de pages.

Dans cette seconde partie, l’œuvre dont il est question ne présente absolument pas le même piège alors que tout le monde vous dira qu’il faut de sacrées références pour l’aborder.

Commençons par la présenter avant que j’argumente par le contraire.

L’Iliade et l’Odyssée d’Homère est un chef d’œuvre de la littérature mondiale, aussi vieux que la civilisation grecque, mère de toutes les racines européennes du point de vue de la pensée.

C’est en fait un chant, écrit en vers, que déclame le poète Homère et qui raconte le périple d’Ulysse à travers un voyage qui met en scène toute la mythologie grecque. Rassurez-vous, le texte proposé est en prose, celui que lisent la plupart des lycéens dans le monde.

Attention, contrairement à une croyance tenace, Homère n’est pas celui qui a reproduit la mythologie dans sa globalité, loin s’en faut. C’est Hésiode, dans son écrit « Théogonie » qui est la source théorique de la mythologie grecque, dans le sens d’une connaissance générale des Dieux et des mythes grecs.

Vous connaissez tous les troubadours et les crieurs publics qui racontent les histoires mythiques des peuples, des villes, des rois et des familles. Vous en avez la version pour touristes, plus folklorique, si vous allez à Marrakech. Homère est de ceux là.

Mais Homère sera le premier à donner à cette histoire mythologique un souffle qui marquera à jamais la culture mondiale. Rien, absolument rien dans cette culture à travers les siècles, ne sera éloigné du récit d’Homère dans ses références lorsqu’il s’agit d’imager ou de nommer un personnage, une situation, un phénomène.

Homère et son œuvre sont des références absolues qu’un être humain ne peut éviter, au moins une fois dans sa vie au risque d’avoir raté beaucoup du sens de l’histoire et des cultures humaines, en tout cas européennes, ce qui fut le monde connu de notre Méditerranée.

Voilà la raison de fond de mon conseil, venons-en à la forme.

Je vous l’ai dit, si vous lisez Ulysse, autant prendre l’original que la version incompréhensible de James Joyce.

Mais il faut deux précautions pour aborder cette œuvre magistrale.

La première est de rechercher un court résumé de l’histoire, sur n’importe quel site Internet. Le conseil à mes étudiants pour choisir un document : «Je pige, je prends », «je pige rien, j’écarte ». Et en général on trouve un résumé simple de quelques lignes, une dizaine, pas plus.

La seconde précaution consiste à rédiger et dessiner sur une feuille les relations entre les personnages en mettant Ulysse au centre du schéma, relié par des flèches à son entourage, annotées par des indications (ami, fiancée, roi de tel lieu, etc.). Une précaution indispensable pour ne pas se perdre dans les noms et leurs liens. En fait quatre ou cinq suffisent, ceux pris dans le résumé trouvé dans votre première étape.

Avec ces deux précautions, vous pouvez y aller sans difficultés. Mais lorsque vous aborderez les premières dizaines de pages, vous verrez que ce n’est pas la continuité de l’histoire, ni toutes les références que vous devez suivre, seulement l’ambiance du récit.

Et là, vous comprendrez pourquoi cette œuvre est l’une des matrices de la civilisation européenne. Rien ne lui échappe quant à ses retombées, elle est la référence en histoire, en sciences, en philosophie, en littérature et en religion.

Homère vous raconte tout simplement l’explication de la création du monde terrestre. C’est une « explication du monde et des hommes » au travers des croyances de l’époque. Et c’est en cela que l’écrit de Homère aura une influence capitale dans les civilisations suivantes car elles essaieront, toutes, de s’en accrocher tout en allant de l’avant et, au final, ne retenir que l’image, le symbole.

De page en page, c’est une succession de tragédies, de guerres et de sang, de mythes et de légendes qui sont censées être le reflet de l’explication du monde et de son évolution.

Qu’importe si vous ne suivez pas entièrement le fil, perdu forcément par les méandres du récit. Peu importe si vous n’avez pas les références mythologiques en tête. Peu importe tout cela, L’Iliade et l’Odyssée est un récit, pas un roman, et ce qui importe est de vous imprégner de l’image que se faisaient les anciens de l’explication du monde.

C’est pour cela que vous serez armés pour affronter votre foi ou votre non foi car il s’agit de culture et d’histoire. Et lorsque vous en avez un panorama moins dogmatique mais plus élargi sur les sources de la pensée humaine, rien ne peut altérer votre esprit critique.

Les êtres humains ont essayé d’expliquer le monde avec les moyens et connaissances qu’ils avaient et de calmer leurs craintes, rien de plus. Et là, peut-être, vous comprendrez que tous les textes relevant de croyances, qu’ils soient épiques ou dogmatiques, sont toujours des textes circonstanciés à une époque.

Vous vous rendrez compte qu’il est débile de les prendre comme une réalité mais seulement comme le reflet d’une tentative de réflexion de l’époque.

Alors, si vous atteignez cette lucidité, vous pourrez l’appliquer à tous les textes suivants qui ne sont, ni plus ni moins, des textes circonstanciés. Vous avez très bien compris ce que je veux dire.

Pour terminer, un conseil fréquent que je donne pour ce type de livres, vous pouvez le prendre par chapitre, même dans le désordre parfois. Les péripéties s’enchaînent et, finalement, se ressemblent car la tentative de l’explication du monde repose sur les ressorts de l’être humain qu’ont toujours été la jalousie, l’amour, la vanité, l’esprit de vengeance, de conquête et d’héroïsme.

C’est à votre tour d’ouvrir ces deux tomes (parfois l’œuvre est éditée en un seul) si vous ne les avez jamais lus. Croire ou ne pas croire, il faut en tout cas toujours avoir une attitude de rationalité dans sa recherche et compulser l’histoire de la pensée humaine.

Cette chronique comme les prochaines sont publiées suite à l’aimable proposition de l’auteur. Elles sont également publiées par le Quotidien d’Oran

Auteur
Sid Lakhdar Boumédiene, enseignant

 




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