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L’indépendance nationale : l’œuvre majeure dans l’histoire algérienne

Congrès de la Soummam
Le congrès de la Soummam a donné une organisation, une profondeur politique et un cadre rigoureux de lutte pour l’indépendance.

Dans l’histoire contemporaine du mouvement national algérien, la date du 1er Novembre marque un tournant radical. En déclenchant l’insurrection armée qui aboutira sept ans et demi après, à la proclamation de la souveraineté de l’Algérie, le Front de libération nationale (FLN) porte la lutte pour la libération et l’indépendance à un niveau qualitativement supérieur.

Dans cette lutte de longue haleine, le peuple algérien, dans ses différentes composantes sociale, syndicale et politique, s’engagera progressivement sous la direction du FLN, et mènera une lutte multiforme dont les répercussions seront importantes au plan national et international. Il inspirera essentiellement l’OLP et l’ANC dans le combat pour la libération de leurs peuples. Face à la puissance militaire et économique de l’impérialisme français, le peuple algérien écrira au cours de cette guerre à la fois héroïque et sanglante l’une des plus belles et des plus grandioses pages de sa lutte séculaire pour l’indépendance nationale.

Dès 1830, le colonialisme français s’était distingué foncièrement par le génocide des populations algériennes autochtones. Tout un système fut mis en place par l’impérialisme français pour ensauvager le peuple algérien et bloquer ainsi l’évolution politique de la société algérienne : les bombardements collectifs de la période 1954-1962, les tortures, les exécutions, les assignations à résidence surveillée et l’exode.

Les opérations de Massu, de Bigeard, de Challe ont continué en réalité les razzias, la destruction des champs, les expropriations, les enfumages et le gazage des populations, celles pratiquées par Lamoricière, du duc d’Aumale, de Bugeaud et plus tard les massacres du mai 1945.

L’ordre colonial a bouleversé et détruit en profondeur les structures socio-économiques algériennes. Il a semé la terreur, la famine et la misère. Cette œuvre coloniale, l’impérialisme français l’a accomplie avec une sauvagerie et un cynisme inouïs et avec ses méthodes les plus barbares en agissant conformément à sa propre nature impérialiste.

Partout où le peuple algérien a tendu à exprimer son identité, et à affirmer l’existence de sa patrie, de sa religion et de son passé millénaire, la colonisation s’est efforcée de le priver des éléments constitutifs de sa personnalité nationale. Elle a mis au secret son histoire millénaire et l’a remplacée par l’histoire de la France. Elle a tout fait pour empêcher notre peuple de se forger les éléments d’unité et de conscience adéquats aux exigences des temps modernes, pour nier à l’Algérie le droit d’accéder à la modernité et de s’intégrer avec toute son originalité propre au mouvement de la civilisation mondiale.

Les premières ripostes algériennes furent d’abord des résistances essentiellement paysannes de tout XIXe et du début du XX siècle, et ensuite le processus de la formation du mouvement ouvrier et des partis politiques dans ses différents courants. Ce fut un long cheminement qui a eu ses moments fort où les masses furent entrainées dans la lutte anticoloniale.

Le premier mouvement réclamant l’indépendance nationale apparait en 1926 : l’Etoile nord- africaine (ENA), fondée dans l’orbite des communistes français. Cette conscience nationale ancrée dans une vision globale est à la source de la décolonisation de notre pays. Les fondateurs de ce mouvement révolutionnaire ne partirent pas du néant. Ils avaient hérité d’un capital de résistance, de valeurs sociales et d’une appréciable expérience au cours d’une longue série de tentatives et d’échecs.

L’Etoile Nord-Africaine était composée de fils d’un peuple profondément enraciné dans la terre de ses ancêtres et qui a tout le temps farouchement défendu son pays, sa liberté et lutté pour l’indépendance de l’Algérie. Les fondateurs de l’ENA ouvrent la voie à l’affirmation rapide d’une conscience nationale moderne et se veulent ainsi, les continuateurs les plus conséquents d’Abdelkader, Fatma N’Soumer, El Mokrani et de tant d’autres résistants authentiques qui ont contredit sur le terrain militaire, l’image d’un pays pacifié par l’ordre colonial.

Incontestablement, l’Etoile Nord-Africaine et son continuateur le PPA/MTLD constituent, en effet, le fer de lance de la dynamique indépendantiste algérienne. Il n’en demeure pas moins, en revanche, qu’à l’étude de la rétrospective historique et qui renvoie à la place et au rôle de la classe politique dans ses multiples expressions, force est de reconnaitre que le PCA, l’UDMA, les Ouléma et enfin le mouvement social ont à leur tour contribué à la formation de la conscience nationale.

Certes, à des degrés divers et avec des résultats et des succès inégaux et ce, à travers les luttes politiques et sociales qu’ils ont organisées et menées. Mais au cours de la décennie 1945-1954, ces partis réformateurs par leur lutte intense ont poussé sous des formes diverses au développement des contradictions contenues dans l’impérialisme français et préparer ainsi le terrain fertile à l’ultime combat.

Ce rôle de mobilisateur et rassembleur, tous les partis politiques algériens l’ont joué. Tous ont contribué, ainsi, à éveiller le peuple, à l’aguerrir, à l’organiser et à le préparer pour le moment décisif. Que ces formations politiques aient été davantage portés vers le nationalisme radical ou vers le réformisme, ces dans les luttes multiformes que le peuple algérien a pris progressivement conscience de son identité et qu’il s’est forgé une conscience nationale.

Qui peut contester le rôle du militantisme social qui a conduit à l’Etoile nord-africaine dans l’émigration en France ou occulter le rôle majeur des instituteurs algériens « indigènes » dans l’éducation, la transmission du savoir et la préservation du patrimoine national ? Ce sont les syndicats des instituteurs et ceux de la CGTU au début des années 1920 qui ont fait entrer dans les actions de masses les travailleurs algériens particulièrement les embauchés à la tâche et les auxiliaires aux cotés dans agents dans les postes, les chemins de fer et les traminots.

En effet, dès 1922, M. Lechani et S. Faci, créent la revue « La Voix des humbles », périodique mensuel d’éducation socio-éducatif des instituteurs d’origine algérienne qui revendiquaient à la fois l’égalité des droits civiques, la suppression de l’indigénat ainsi que la réforme des institutions avec la fusion des enseignements et l’abrogation de tous les régimes spéciaux avant qu’elle ne soit  interdite en 1939 par le gouvernement de Vichy.

Par ailleurs, à la dissolution de l’ENA devenue la Glorieuse Etoile Nord-Africaine, ce sont les dockers et les marins de la CGTU qui acheminaient à partir de Marseille le journal  « El Oumma » pour le distribuer clandestinement en Algérie. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, à laquelle la population algérienne a largement contribué, les dockers montraient déjà un haut de niveau de mobilisation et d’endurance : ce sont eux et les mineurs algériens qui faisaient les grèves plus longues et les plus nombreuses.

La contribution du mouvement ouvrier dans la question nationale et particulièrement dans son apport au passage du social au politique et qui a généré des prises de conscience politiques à l’échelle nationale dans la diversité des ancrages culturels spécifiques des différentes catégories sociales n’est pas suffisamment mise en lumière par les historiens.

Il faut préciser que, contrairement à cette liberté prise avec l’histoire, ce parti-pris délibéré de certains historiens qui minimisent l’apport des courants réformistes et du mouvement ouvrier dans la formation de la conscience nationale, le PCA, les Oulémas, le mouvement social et plus tard l’UDMA dans leur lutte pour des réformes immédiates, ont toujours gardé à l’horizon le principe et l’objectif de l’indépendance nationale.

Sinon comment comprendre que K. Belkaim, secrétaire du PCA ensuite M. Douar, traminot, syndicaliste de la CGT et enfin A. Kehal membre du comité central du PPA, tous venus d’horizons politiques différents ont subi l’arbitraire et sont morts dans les prisons coloniales entre 1939 et 1943. Ces militants au-delà de leurs différentes appartenances politiques, ils vouaient un amour inconditionnel pour la patrie algérienne et militaient pour le même objectif : l’indépendance nationale.

Mais il revient incontestablement à l’Organisation spéciale(OS) le rôle d’Avant-garde et d’avoir frayé le premier et avec le plus de ténacité, le chemin à cette rupture en la réalisant par la lutte armée. Ce moment fondateur fut la conséquence de la scission du PPA/MTLD.

Cette implosion que certains commentateurs historiques et politiques réduisent à des postures de personnes entre les partisans d’une direction collégiale d’un coté, et d’une direction unique et charismatique incarnée par Messali de l’autre coté, masque dans la réalité la profondeur de la crise latente issue du Congrès national qui s’était tenu en février 1947 et qui s’était accentué lors de la rencontre du comité central élargi de Zeddine : le compromis fragile entre les partisans de la ligne légaliste et ceux de la lutte armée.

Les conclusions du comité central du PPA/MTLD de la réunion de Zedine étaient contradictoires. D’une part, le MTLD, continuait à être parti politique légaliste en participant aux élections et, d’autre part, il entreprenait la volonté de mener une lutte armée sur une ligne politico-militaire. Cela prouvait qu’au sein du MTLD de ces années 1947-1950 la décantation entre action et parole ne s’était pas encore opérée  au niveau de la direction politique.

Ainsi, les membres de l’Organisation spéciale (OS), partisans de la lutte armée et dégoutés par l’action politique légaliste prennent l’initiative historique de mettre l’Algérie sur l’orbite révolutionnaire dans des conditions périlleuses. Ce sont ces activistes avec le projet de l’indépendance qui déclenchent l’insurrection le 1er Novembre, donnant en même temps naissance au FLN et à l’ALN.

Une année et demie après l’insurrection nationale, l’esprit soummamien servira  de fondement à la réflexion politico-idéologique de la Glorieuse guerre de libération nationale. Le congrès de la Soummam constituera  l’une des principales avancées de la révolution de novembre et incarnera incontestablement un tournant majeur dans la formation de la pensée nationale moderne algérienne fondée sur la conception de l’Etat-nation fortement inspirée par la réflexion du tandem  Abane-Ben M’hidi.

Le 1er Novembre incarne la phase terminale de l’accumulation historique algérienne. La rupture avec l’ordre colonial s’était opérée sur plusieurs étapes. L’appartenance au sentiment national fut l’acte fondateur et l’Etoile Nord-Africaine fut la pionnière en la matière. La deuxième étape consistait à créer les conditions politiques et matérielles permettant une meilleure préparation de la machine de guerre en prévision de la lutte armée. Et enfin, la troisième et la plus déterminante de notre point de vue est celle qui contribue au passage à l’action armée.

Si Djalali, M. Djeffel, R. Moussaoui, Bachir Hadj Ali, A. Ben Badis, Ferhat Abbas, Mohamed Belouizdad, A. Laimeche, H. Asselah,  Rachid Amara et M. Benmiloud incarnent en effet cet engagement militants qui s’était étalé sur de différentes étapes historiques qui ont permis la convergence nationale et la cristallisation des forces politiques autour de l’objectif de l’indépendance algérienne. Ces étapes ont connu certes des moments d’évolution et de régression qu’il faudrait analyser en tenant compte à la fois de facteurs endogènes et exogènes,  mais la mission principale que fut de libérer le pays de l’ordre colonial était au cœur de leurs combat, de leurs engagements et de leurs sacrifice.

Soixante ans de souveraineté nationale, l’analyse de phases dans la construction d’un Etat démocratique moderne et social se pose avec acuité. Pour mieux comprendre l’évolution nationale et les mutations internationales, il est impératif de marquer une halte et procéder ainsi à un inventaire politique, économique et social de l’Algérie.

Les résultats de cet état de lieux approfondis détermineront véritablement la nature de l’étape présente et fixerons inévitablement les principales tâches politiques, sociales et culturelles de l’élite  algérienne dans ses différentes strates.

Mustapha Hadni

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