Forte de 2,6 millions de personnes, dont 815 000 inscrits sur les listes électorales, la diaspora algérienne en France est perçue comme la tête de pont du régime algérien dans sa stratégie d’influence menée dans le contexte de crise et des relations diplomatiques avec Paris en constante dégradation.
L’arrestation des influenceurs algériens en France continue à faire des vagues. Tout indique que cette affaire n’est que l’arbre qui cache la forêt de la volonté du régime algérien à manipuler la diaspora algérienne en France pour en faire un instrument d’influence au service de son agenda politique en interne et dans le cadre de ses relations avec l’ancien colonisateur.
Dans un article daté du 26 janvier 2025 signe par la journaliste Victor-Issac Anne, Le Journal du dimanche, (JDD) révèle que le régime algérien a modifié son approche de la diaspora, passant d’un simple maintien des liens avec des nationaux expatriés à une utilisation active de ces derniers comme instrument pour consolider son pouvoir et exercer une influence sur les politiques françaises et pourquoi pas lancer des manoeuvres de déstabiliser de l’ancien pays colonisateur.
Un « hard power » version Tebboune
Selon une note récente de la Direction nationale du renseignement territorial (DNRT), consultée par le Journal du dimanche, cette stratégie déployée depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelmadjid Tebboune en 2019, s’est articulée sur une méthodologie bien rodée.
Loin de se limiter à des actions sporadiques, il s’agit d’une entreprise methodisue et savamment élaborée, selon cet hebdomadaire de la droite dure.
Des relais d’influences mobilisés
Pour la mise en route de cette stratégie, des relais d’influence ont été recrutés et mobilisés, explique le JDD.
C’est ainsi que l’Observatoire national de la société civile (ONSC) appendice de la matrice algérienne dirigée par un apparatchik du FLN, l’ancien chef des Scouts musulmans, Benbraham a été créé, en 2021.
« Ce machin » créé en Algérie pour donner l’illusion de l »existence d’une base sociale au soutien de Tebboune a essayé de fédérer des relais politiques et médiatiques pour porter la voix de Tebboune auprès des Algériens de France. Le but du jeu est de structurer et de donner corps à une démarche qui se manifeste de plusieurs manières.
Tout d’abord, par l’action de ces représentants informels du régime en France, qui ont pour mission d’agiter certains thèmes tels que la reconnaissance par la France de la « marocanité » du Sahara occidental. Le sujet est instrumentalisé pour mobiliser la diaspora et entretenir un sentiment d’injustice.
« En pointe sur ce sujet, le Mouvement dynamique des Algériens de France (Moudaf ), dont le fondateur Nasser Khabat est lui-même membre de l’ONSC, organise ponctuellement des opérations en faveur des indé pendantistes sahraouis », écrit le JDD.
Ensuite, le contrôle des institutions : des tentatives sont observées pour infiltrer les mairies, (comme le montre le cas de Rachid A., un médecin du travail à la mairie de Paris qui intervient régulièrement dans les médias algériens), les conseils de l’ordre et même la Grande Mosquée de Paris, afin d’orienter les décisions politiques et sociales en faveur de l’Algérie.
La mobilisation des médias et réseaux sociaux est un élément important : des influenceurs algériens, souvent issus du milieu médical ou associatif, sont mis à contribution pour diffuser la propagande du régime et influencer l’opinion publique française.
Enfin, il y a l’implication de certaines institutions cultuelles, telles que la Grande Mosquée de Paris, qui a nommé son recteur, Chems-Eddine Mohamed Hafiz, coordonnateur en France de la campagne de Tebboune lors de l’élection présidentielle de septembre 2024. Chems-eddine Hafiz a d’ailleurs reconnu dans un entretien accordé à une télévision algérienne, qu’il a pris son agenda auprès une rencontre avec Abdelmadjid Tebboune.
Des élus locaux ou nationaux en France se sont aussi mobilisés pendant la campagne présidentielle en faveur d’Abdelmadjid Tebboune.
Autre sujet régulièrement instrumentalisé par Alger : la restitution d’objets ayant appartenu à l’émir Abdelkader. « Une telle démarche est de nature à renforcer l’entre-soi dans un pays [la France, NDLR] qui peine à intégrer sa population étrangère ou issue de l’immigration, notamment algérienne, sur fond de rancœur alimentée par la rente mémorielle », souligne Le JDD citant la note du du DNRT.
Cependant, il faudra relativiser. En vrai, les relais du pouvoir en France ne sont d’aucune influence sérieuse sur la communauté algérienne. Ils relèvent de l’écume, de l’agitation avec la bénédiction d’une presse algérienne toute acquise au régime.
Le comble du paradoxe : cette crise entre Alger et Paris avec toutes les polémiques qu’elle soulève est du pain béni pour l’extrême droite qui se nourrit de la haine de l’Algérie.
La question algérienne pourrait être porteuse électoralement parlant en cette période de droitisation des électorats en Europe. D’où l’empressement à souffler sur les braises auquel s’emploie avec cynisme et zèle la droite et l’extrême droite française.
Samia Naït Iqbal
*DNRT : Direction nationale du renseignement territorial