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L’Iran vient de faire d’une pierre deux coups stratégiques                                           

DECRYPTAGE

L’Iran vient de faire d’une pierre deux coups stratégiques                                           

Ce n’est pas le ministre du pétrole iranien ou le premier responsable de la compagnie pétrolière Nationale Iranienne Oil Company (NIOC) mais le président Hassan Rohani qui avait annoncé hier le 10 novembre une découverte d’un immense gisement de pétrole qui serait selon ses propres dires susceptible d’augmenter d’un tiers les réserves prouvés de l’Iran.

Bien que relativisé par son ministre du Pétrole quelques heures après en la limitant à une augmentation de 22,2 milliards de barils (3,03 milliards de tonne), le président a préféré lui donner un aspect politique pour viser deux objectifs d’ordre politique. Ce n’est pas la première fois que cela arrive  dans le monde mais de nombreux pays et compagnie pétrolière utilisent les réserves comme tremplin pour atteindre des buts politiques et économiques.

En effet, 16 avril 2008, la compagnie pétrolière nationale du Brésil Petrobras avait annoncé avoir découvert un gisement de pétrole géant dans le bassin de Santos, au large de Sao Paulo. Appelé Carioca, ce gisement pourrait, selon l’Agence nationale du pétrole, contenir 33 milliards de barils d’équivalent pétrole, ce qui représente plus d’un an de consommation mondiale au rythme de 2008. La compagnie avait vu ses actions flamber mais le résultat après prés d’une décennie n’a eu que peu d’influence sur ses réserves globales. Bien avant elle, le 9 janvier 2003, la multinationale Shell déclassait 20 % de ses réserves prouvées de pétrole et de gaz, 3,9 milliards de barils, un scandale inédit éclata le 20 avril de l’année d’après.  Dans la foulée, son président, Philip Watts, et son directeur de l’exploration et de la production, Walter Van de Vijver, démissionnaient. Deux mois plus tard, le nouveau numéro un, Jeroen Van der Veer, tirait un autre trait de plume, cette fois sur 470 millions de barils, et ajournait la publication du rapport annuel dans l’attente des résultats d’un audit complet confié à un consultant privé, Ryder Scott.

Tout récemment, le 3 novembre 2019, le prince Mohamed Ben Salmane (MBS) dans les perspectives de faire rentrer en bourse la NOC Aramco jouait sur les réserves. Lors de sa conférence de presse à l’issue de la réunion des G20, il les estimait à plus de 267 milliards de barils. Le royaume a confirmé cette fin d’année 2019 l’entrée en bourse en grandes pompes du géant pétrolier saoudien qui vise selon ses propres termes d’être la plus importante  affaire du monde. Aramco devrait céder en tout 5 % de son capital, dont 2 % lors de son baptême boursier sur le Tadawul, la bourse nationale saoudienne avaient déclaré début octobre des sources proches du dossier à l’AFP. 

L’aspect technique de la découverte iranienne  

Le gisement s’étend de Bostan à Omidiyeh, deux villes de la province du Khouzestan, dans le sud-ouest de l’Iran, sa surface est 2400 km2 et se situe à peine à une profondeur de 80 m. Cette découverte  vient s’ajouter à un gigantesque gisement de gaz découvert un mois auparavant dans le Fars. Le premier livrerait quelques 538 milliards de  m3  de gaz et le second 53 milliards de barils.

Premier objectif de Rohani : resserrer la cohésion sociale du peuple iranien 

 « C’est un petit cadeau du gouvernement au peuple iranien », n’arrête pas de répéter le président iranien pour obtenir l’adhésion populaire qui commence à fléchir à cause de l’effet des sanctions économiques rétablies contre la République islamique par les Etats-Unis, en lien avec leur retrait de l’accord international sur le nucléaire iranien. Si un mécanisme de troc (Instex), créé début 2019 pour l’Iran par les Européens, est destiné à contourner les sanctions américaines en évitant d’utiliser le dollar, la lenteur de sa mise en œuvre a été soulignée récemment par Poutine. Si cette annonce se confirme, il s’agit là d’une double victoire du peuple iranien qui aspire à plus de réserves pour prendre le leadership de l’OPEP. Selon la dernière édition du «Bilan statistique de l’énergie mondiale» publié chaque année par le groupe pétrolier britannique BP, l’Iran dispose des quatrièmes réserves prouvées de pétrole au monde, derrière le Venezuela, l’Arabie saoudite et le Canada, avec 155,6 milliards de barils Avec cette découverte qui s’ajoute aux manœuvres qu’il est entrain de faire pour s’associer avec l’Irak, cet objectif sera sans aucun doute atteint. 

Deuxième objectif de Rohani : un message fort à Trump

Les annonces d’un tel niveau de réserve ont comme de coutume influencé les prix du baril qui ont clôturé aujourd’hui avant même que les stocks américains soient affichés le mercredi prochain à 61,57, perdant plus de 1,18% du prix de la veille. De nombreux analystes notamment de la presse américaine d’aujourd’hui hostile à Trump  avaient analysé qu’un prix du baril faible reste en faveur des élections américaines pour le reconduire. Or, Trump, est boosté surtout par les capitaux des multinationales et notamment les producteurs de gaz de schiste qui ont tout fait pour sa première élection. Un pétrole tel que annoncé par le président Rohani dont le niveau de production ne dépasse pas 80 m revient beaucoup moins cher à cause d’un coût réduit de l’exploration/ délinéation et surtout son développement  pour permettre aux iraniens de jouer avec les prix et mettre ainsi en difficulté les producteurs de schiste américains. Pourquoi ? L’Arabie Saoudite ne pourra plus rien pour les américains, elle compte se recentrer sur ses difficultés économiques qui s’aggravent de jour en jour avec la guerre dans laquelle elle s’est fourrée.

R. R.                                   

 

Auteur
Rabah Reghis

 




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