Samedi 9 janvier 2021
Lounis Aït Menguellet revisité : « A kwen-yexdeε rebbi », que le diable vous emporte !
Après le titre fleuve « Avriḍ temzi », c’est un album aux textes des plus virulents à l’adresse des marionnettes du pouvoir que nous offre maître Lounis deux années plus tard, en 1992.
Même si le thème contestataire reste plus que jamais d’actualité, deux ans après la chute d’une partie du clan Bouteflika, Aït Menguellet en avait ciselé les contours trois décennies auparavant.
Il faut dire que les turbulences qui avaient suivi l’ouverture démocratique et la radicalisation des « FLiN-toxo-FIS-tons » ne pouvaient qu’inspirer maître Lounis. Qui d’autre pouvait se permettre un solennel « A kwen-yexdeε rebbi » à l’adresse de ces chenapans qui nous servent de gouvernants ?
À cet égard l’on peut dire, sans faire preuve de quelconque ardeur mal placée, qu’à lui seul, notre barde constitue un Hirak monumental et singulier.
Contrairement au fait que le Hirak d’il y a deux ans n’était pas homogène, les uns défendant la démocratie d’autres manipulés braillant à tout va une Dewla Islamya pire que la Saoudienne, le message de Lounis est celui de la liberté dans son sens le plus absolu. Quand son inspiration coule, rien ne peut l’arrêter !
Tous les slogans du Hirak rassemblés ne peuvent rivaliser avec la quantité de souffle et de vérité que maître Lounis nous inocule depuis plus de 50 ans.
Mot à mot « A kwen-yexdeε ṛebbi » signifie à notre sens « Dieu vous maudisse », mais pour reproduire, au mieux, l’intensité de l’interjection, nous lui avons préféré « que le diable vous emporte ».
« A kwen-yexdeε ṛebbi », que le diable vous emporte !
Évoquons ceux qui ont trépassé
Pour l’honneur du pays ils se sont sacrifiés
Ils n’entendent plus ses lamentations
Du jour au lendemain ils ont tous disparu
Ah mes frères si on pouvait vous montrer
Ce cher pays qui vous a laminé
Vous verriez comment ils l’ont transformé
Même les arbres en sont remués
Le premier mammouth l’a brisé
Le deuxième l’a achevé
Par le dernier il sera enterré
Personne ne peut les réfréner
Moult vices ne cessent d’être créés
N’est-ce pas vous qui les engendrez
On croit entrevoir le bout du tunnel
Mais le présent est pire que le passé
Le pays que vous avez détruit et pleuré
Ne s’en remettra ni ne guérira
Peut-être lui a-t-on jeté un sort
Contre vous il se retournera un jour
Un jour par les vents déchaînés
Vous serez emportés
Vous disparus tout finira par s’épurer
Et que le diable vous emporte
Le jour où tout a commencé
Volontaires des hommes se sont portés
Croyant que c’était pour la liberté
Mais pour vous tout était arrangé
L’objectif c’était le pouvoir et non le français
Dès que vous en avez pris possession
À nous l’indigence
À vous l’opulence
C’est ce que vous appelez Révolution
Que le diable vous emporte
Sur son passage le brasier n’a laissé
Que veuves orphelins préjudices et sanglots
Ceux qui ont combattu en toute innocence
Ont laissé leurs toits rempli de néant
Vous êtes les seuls survivants
Le peuple vous l’avez muselé
Celui qui ne vous suit pas
Vous le privez de ses droits
C’est ce que vous appelez Indépendance
Que le diable vous emporte
Le pays vous en avez hérité
À votre guise vous en abusez
Vous vous le répartissez
Vous obtenez ce que vous voulez
Personne n’ose vous contester
Face à l’impuissance du peuple fatigué
Le pays vous en avez fait votre propriété
Quand on s’insurge vous dites c’est ainsi
C’est ce que vous appelez Socialisme
Que le diable vous emporte
Pour assoir votre pouvoir
Le pays vous l’avez divisé
En Est et en Ouest
Nos inimités se sont amplifiées
Vous en attisez les brasiers
Pendant qu’à l’ombre vous vous protégez
Entre nous c’est la méfiance
Nos rixes vous les provoquez
Vous nous dites « c’est ainsi les Alliances »
Que le diable vous emporte
Aujourd’hui même si le pouvoir est chancelant
Même si nous sommes toujours en privation
Nous avons gagné de furtives attentions
Même si le brasier d’antan s’est épuisé
Les blessures ne disparaitront jamais
Si vous êtes encore là
Nous le peuple insignifiant
Ce qui nous arrive nous le méritons
Puisqu’en tout temps nous vous acclamons
Que le diable Nous emporte