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L’UGTA : de l’engagement pour l’indépendance à la soumission au pouvoir

UGTA
L’UGTA qui a soutenu Bouteflika soutient maintenant Tebboune.

L’UGTA qui vient de célébrer ce 23 février le double anniversaire de sa création et de la nationalisation des hydrocarbures (24 février 1971) en communion avec les autorités a donné la preuve qu’il reste toujours dans le giron du pouvoir politique. Une position conforme à la ligne qui lui a été tracée par Ben Bella et le FLN, lors du congrès de 1963. 

Le 28 janvier, lorsque,  dans un  meeting organisé sur l’esplanade  de la Maison du peuple à la mémoire du défunt Abdelhak Benhamouda, ses principaux dirigeants haussaient le ton contre les deux projets de loi relatifs à l’exercice du droit syndical et à la prévention des conflits en milieu du travail et à l’exercice du droit de grève, on croyait l’Ugta revenue à l’exercice de l’action syndicale autonome. On se souvient que l’Ugta avait joint sa voix à celle des syndicats autonomes pour dénoncer les deux projets de loi dont la nature répressive,  avaient estimé de nombreux observateurs, risquent de mettre entre parenthèses l’avenir de l’activité syndicale au sein des organismes et entreprises publiques et privées, voire même des libertés publiques.

Le ton était même donné par le secrétariat national de la centrale syndicale dont les éléments de langage qui ont parcouru sa déclaration rappellent le radicalisme jusque-là oublié,  depuis des lustres, dans son discours.

Un syndicat organique

«Les deux projets de loi ne consacrent pas la promotion des droits syndicaux et des libertés en Algérie (…) Les articles des deux projets de lois ne sont pas conformes aux conventions internationales que l’Algérie a ratifiées. Certains articles des deux projets de loi ne sont pas non plus conformes à la Constitution algérienne, en ce qui concerne les droits civiques et politiques. Ils  ne consacrent pas la promotion des droits syndicaux et des libertés en Algérie», proclamait l’instance exécutive de l’UGTA qui à l’occasion, a sonné la mobilisation de toutes ses unions de wilayas et de ses fédérations nationales pour organiser la riposte contre les deux projets de loi en préparation au niveau de la chambre basse du parlement.

Un mois plus tard, l’Ugta qui s’est associée aux autorités pour célébrer le double anniversaire de sa création et de la privatisation des hydrocarbures a montré  qu’elle est fidèle à son statut de potiche et d’organisation soumise et satellite du pouvoir.

Et le recueillement, le 28 janvier, à la mémoire  de son ex-leader, A. Benhamouda, proclamée journée de la colère et de la contestation, ne fût qu’une tempête dans un verre d’eau.

Une démonstration qui constitue la preuve que l’UGTA ne peut échapper à son rôle d’organisation au service du pouvoir qui de fait tourne le dos au monde ouvrier.

Une organisation servile

« Créée à Alger le 24 février 1956, sous l’égide du FLN, l’UGTA mit au service de la lutte pour l’indépendance nationale un important capital humain et une expérience politique et syndicale bien affirmées (Stora, 1985 ; Gallissot, 1998). En effet, parmi ses responsables et adhérents, nombreux sont passés par le militantisme politique – Mouvement national – et l’activisme syndical – les centrales syndicales françaises, notamment la Confédération Générale du Travail (CGT), « matrice originelle de l’UGTA » comme l’écrit Anissa Bouayed (1990, 106) dans un article publié  dans le site du Crasc.

Dès les premiers mois de l’indépendance, l’UGTA qui « était la plus importante des organisations de masse du FLN, s’affirmait naturellement comme un des acteurs politiques majeurs de l’Algérie qui  entra, alors,  dans une  phase de  recomposition politique », poursuit la même  source.

Une démarche qui emprunta la voie de la confrontation, parfois, celle de la violence armée, qui opposa les forces politiques et militaires, issues du Front de libération nationale (FLN) et de l’Armée de libération nationale (ALN) pour le contrôle du pouvoir.

De fait, l’UGTA ne put échapper au processus de normalisation engagé contre les forces sociales et politiques. Les éléments de l’armée des frontières qui s’imposeront par les armes contre leurs frères d’armes de l’intérieur pour la plus part, ne pouvaient tolérer une organisation ouvriériste auréolée d’un  prestige révolutionnaire et aussi forte que l’UGTA qui était capable de mobiliser les foules et de s’opposer à leur projet politico-idéologique.

« Le temps au FLN, en juillet 1962, n’était plus à l’unisson mais à l’affirmation d’un leadership, celui d’Ahmed Ben Bella et de ses partisans regroupés dans une alliance conjoncturelle et atypique : le groupe de Tlemcen (…) Pour la centrale syndicale, la survie politique passait désormais par une réelle autonomie de son organisation vis-à-vis des différentes forces politiques et militaires qui revendiquaient le pouvoir »,  note encore l’article du Crasc.

La  position des dirigeants de l’UGTA qui considéraient que « le  nouveau rôle du syndicat dans l’Algérie indépendante n’était plus d’être un appendice du parti ou du pouvoir » fût attaquée par Ben Bella et le bureau politique du FLN dont la conviction était tranchée : « l’Ugta devait faire allégeance au BP FLN, seule autorité politique du pays ».

Dès lors, le sort de l’Ugta fût scellé. Sa normalisation fut actée après la neutralisation des éléments qui militaient pour l’autonomie et l’indépendance de l’organisation, lors de son premier congrès de 1963, selon l’auteur de l’article.

« Le congrès de l’UGTA qui devait constituer un premier test pour les Algériens, se transforma en foire d’empoigne. Les dirigeants de la centrale syndicale n’avaient plus aucune autorité sur le congrès. Le BPFLN venait de faire imploser l’UGTA. Sorti vaincu de ce conflit, où les moyens utilisés n’avaient pas toujours été loyaux, Boualem Bourouiba fit une ultime déclaration qui ressembla à une oraison funèbre : « L’UGTA, syndicat libre et autonome, n’a pu vivre que l’espace de quelques mois dans l’Algérie indépendante » (Alger républicain, 20 et 21 janvier 1963 », lit-on encore dans de l’article du Crasc. Tout l’histoire qui découla de cette première séquence est une suite de compromissions avec le pouvoir en place. L’UGTA est depuis l’indépendance un appareil au service du pouvoir. Rien d’autre.

Samia Naït Iqbal

(*) Les citations sont puisées dans « L’union générale des travailleurs algériens(Ugta)  dans le processus de transition (1962-1963 » (article du Ceasc)

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