Jeudi 25 janvier 2018
Luiz Inacio Lula da Silva : la chute d’un populiste ?
Celui qu’on appelle le « président des pauvres » au Brésil a écopé de 12 ans de prison.
L’ancien président charismatique du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, vient de voir sa peine s’alourdir en appel puisqu’elle est dorénavant de 12 ans contre 9 années infligées en première instance. Depuis la chute du régime militaire en 1985, le Brésil n’a jamais réussi a retrouver un équilibre politique et social, comme une espèce de malédiction qui s’abat éternellement sur ces pays qu’on classait auparavant dans le « tiers monde » et dont faisait partie l’Algérie.
Le pétrole brésilien, par la tentaculaire société brésilienne Petrobras, comme pour notre Sonatrach, n’a jamais pu dissimuler la terrible fatalité de ce pays malgré les milliards déversés dans l’économie et vaporisés en dépenses somptuaires et en corruption.
Dans cette situation qui a vu deux Présidents de la république, l’un après l’autre, être condamnés pour des actes de grande délinquance, nous n’en sommes pas à vérifier la véracité des fait reprochés par le parquet général brésilien et validé par trois juges à l’unanimité.
Car les faits incriminés lors des deux présidences sont toujours enrobés par des combats politiques douteux qui ne permettent pas de distinguer le vrai du faux, dans une justice apaisée. Comme pour la Présidente précédente, Lula fut poursuivi par un procureur qui ne semblait pas apprécier le personnage et ne le cachait absolument pas dans ses déclarations.
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Le Président en exercice de l’époque aurait reçu la propriété d’un bien immobilier contre une promesse de marché public accordé à la société pétrolière Petrobras. L’avocat de l’ex-Président, Cristiano Zanin Martins, dénie le fait que Lula en soit propriétaire et affirme qu’il n’en a jamais reçu les clés ni n’aurait jamais passé une seule nuit dans le triplex dont il est question. La propriété serait détenue par l’organisme OAS.
C’est tout de même invraisemblable d’imaginer que dans ce grand pays, pourtant avancé dans son système cadastral, on ne puisse réellement prouver la propriété d’un bien. Il y a donc là matière permanente à suspicion dans ce type de système politique enraciné en permanence dans un état de collusion avec une manne pétrolière tentante et omniprésente.
Comme pour les articles portant sur la condamnation de Dilma Roussef, dans ces mêmes colonnes, il faut donc s’éloigner des argumentaires juridiques des uns et des autres lorsque le système politique et judiciaire est profondément gangrené par une alliance des plus douteuses et opaques.
Le Président Lula a affirmé qu’il se maintenait dans la course présidentielle dont il est l’un des favoris et avait rejoint, après le verdict, ses partisans qui, par dizaines de milliers, lui ont apporté leur soutien dans une manifestation impressionnante.
C’est que le Président Lula fait partie de ces hommes politiques qui ont choisi le populisme comme voix d’expression et la « sainte parole » pour galvaniser les foules alors que nos pays du Sud ont besoin d’un discours de compétence, apaisé et résolument tourné vers une construction démocratique.
Le Président Lula reste le grand favori des populations pauvres et c’est ce qui pourrait nous faire croire qu’il y a une légitimité automatique à construire un programme de promesses alors que les institutions de l’État ne peuvent les mettre à exécution.
Lula aime le pouvoir, il veut y retourner et ne semble pas déterminé à lâcher un seul pouce de cet excitation qu’ont les populistes à brandir le micro devant des foules qui hurlent pour son sacre. N’importe quel autre démocrate ne mettrait pas en jeu la démocratie de son pays pour un retour au pouvoir dans ces conditions, en tout cas pas pour cette seule raison.
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Les juges ont affirmé que Lula ne serait pas incarcéré tant que tous ses recours judiciaires ne seraient pas terminés. La dignité d’un démocrate est de se battre politiquement et médiatiquement pour retrouver son honneur s’il a été injustement bafoué. Manifestement, Lula a compris que dans son pays, dont il avait eu pourtant la mission de transformer, on efface les accusations de ses ennemis que par la charge suprême de la Présidence.
C’est cela qui est gênant dans cette posture populiste et nous serions bien mal inspirés de nous mêler de la bonne foi d’une justice ou de celle d’un homme politique qui a plongé dans un système corrompu sans en avoir extirpé le mal.
Le parallèle est absolument identique en Algérie. Nous avons eu des tonnes de populistes au pouvoir, nous les avons encore et personne ne prendrait le risque de se mêler des affaires judiciaires lorsqu’elles sont manifestement le produit d’une bataille de clan, ce qui est toujours le cas.
Lula a préféré la posture du populiste et a approché de près les réseaux mafieux dans une gestion de l’État qui, au final, n’avait rien à envier à l’éternel Brésil. Il ne s’est pas engagé à affronter résolument la peste mais à composer avec elle en jouant avec les foules par un discours populiste incompatible avec un État sérieux et moderne.
Nous avons eu notre Boumédiene qui faisait verser une larme aux paysans en distribuant des terres, entouré d’une multitude de décorum et de caméras de télévision. Nous savons combien il en a coûté de larmes, de torture et de sang aux Algériens qui se sont laissés avoir par ce type de populisme.
Au lieu de modifier profondément les mœurs politiques, Lula a vidé les caisses du Brésil avec une coupe du monde et des jeux olympiques. Franchement, si cela n’est pas du populisme, dans un pays où le droit n’existe que très partiellement et les différences sociales immenses, qu’est-ce que c’est donc d’autre ?
Et pourtant, il a théoriquement toutes les chances de revenir au pouvoir, d’où le prudent point d’interrogation du titre de cet article.