À la veille de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, le 25/8/2022, au quartier Beaulieu (Oued-Smar) on baptise et débaptise en un laps de temps une école primaire. Le nom du moudjahid Rabie Mekidech (21/3/1933-24/6/2018) a bien dérangé un manipulateur de la page Facebook du quartier tentant de mettre à feu et à sang une paisible population.
Manipuler par une infernale mouche électronique, le signataire de l’offense à la mémoire du révolutionnaire a réussi à drainer le maire FLN, pourtant fils de chahid, à annuler le port du nom de Rabie Mekidech sur l’enceinte d’entrée de l’école en question. Face à cette inadmissible ignorance, celui qui a milité au MTLD et rejoint les rangs de la cellule révolutionnaire de Mohamed Sahraoui en 1956, tombera dans l’oubli en un geste digne des années de l’épuration fasciste.
Le moudjahid Rabie Mekidech fut le premier Algérien à hisser la bannière nationale dans son quartier de Saint-Eugène à Alger le 5 juin 1962, bien avant l’entrée du GPRA sur le sol national. Sous le commandement du commandant Azzedine, il mena à terme sa guérilla populaire contre les hordes fascistes de l’OAS. Il a bien tenu tête aux tortionnaires Bigeard et Le Pen dans les centres de tortures des Deux-Moulins et de Sidi-Chahmi d’Oran.
Il résista et organisa toute une résistance dans les deux camps d’internement du Bossuet (Sidi-Bel-Abbès) et aujourd’hui, on le remercia ainsi que sa veuve toujours vivante par l’ornière d’une ignominie. D’autres noms, dans le proche entourage du militant Rabie Mekidech, attendent d’être réhabilités, à savoir le chahid Nouri Mohamed et le moudjahid Hamou Benakroum, celui qui fut le pilote de l’air de confiance du colonel Boumediene.
Une visite sous le sceau de « casting politique »
C’est dans ce lourd instant d’errements de « l’Algérie nouvelle » que le pays reçoit en grandes pompes protocolaires, le président français dont le « casting d’une densité politique de la très large délégation » a attiré Le Monde du 27/8/2022.
Laissant derrière lui et pour 72 heures, un pays bien soucieux de ses 6,8 % d’inflation au mois de juillet dernier, le « gamin », selon les propos du président de Biélorussie Loukachenko, a choisi une petite relaxation estivale entre Alger et Oran chez ceux qui « sont sensibles à la qualité d’une délégation officielle » (Le Monde, 27/8/2022), le même canard qui, une année auparavant, tirait à boulets rouges au-dessus de l’espace aérien d’Alger dans un hérétique éditorial.
Sur un plan protocolaire, il n’y a rien à vouloir envier à cette « fête au village » du temps du Gouvernement général d’Algérie. Si le chef de l’Etat algérien s’est tenu à la lecture de son exposé aux contours politiques tracés et proportionnés, Emmanuel Macron semble monter sur une estrade de classe et récitant une leçon de la veille.
L’hommage rendu aux victimes algériennes des derniers incendies de forêts, tombe dans un comparatisme bien déplaisant avec ceux de La Gironde qui ont été contenus par le savoir-faire français.
Dans ce « pays verrouillé » et à « l’apparence immuable », selon Le Monde du 5/6/2021, le petit détour sur la question historique était, quant à lui, très mal venu puisqu’il rappel bien le discours d’innombrables documents des gouvernements généraux d’Algérie sur « la question nord-africaine » afin de contourner la question progressiste de la nationale et de la coloniale.
En ce 25 août 2022, l’esprit de la commémoration du 25/8/1944 n’est pas loin. Paris libéré après l’encerclement des forces US et un baroud d’honneur de la part de quelques résistants, il est temps que le Gouvernement provisoire de la libération de la France, de quitter son QG algérois pour le pays de la paysanne Marianne.
C’est dans le même esprit de son discours du 20/9/2021 adressé aux harkis de l’armée française, que Macron expose à Alger dans la tradition des commissions des colonies et dans le style du député de Constantine d’antan, Emile Morinaud, le bien-fondé de décréter une officielle écriture de la mémoire coloniale.
Cinq ou six historiens suffiront à décrypter et dissiper l’embrouille parisienne avec « un système politico-militaire qui s’est construit sur une rente mémorielle ». Les 132 années de colonisation de population traitées par six « chirurgiens spécialisés » de l’Histoire demanderaient en moyenne 4 années de visas pour les intervenants des deux-rives !
Ce qui a été banalisé par le citoyen Macron dans cette « récitation de cours », c’est le taux d’approvisionnement en gaz algérien. Les 8 % ne peuvent réellement combler le vide des 17 % du géant russe. On évoque et dans une manière bien hautaine, une autosuffisance française en énergie vis-à-vis du gaz saharien. A se demander ce que la patronne de Total-Engie est-elle venue proposer à Alger comme offre de service après le passage du bulldozer italien qui a raflé la mise avec les 4 milliards de dollars en poche ?
Le sponsor américain y veille
Dans un style bien américain de la description, le Washington Post du 25/8/2022 et de la plume de Sylvie Cochet, la visite de Macron à Alger tente de « dynamiser les relations économiques futures et panser les plaies de l’ère coloniale ». Sur les 90 personnes de « la smala » française, seuls les ministres de la Défense et des Affaires étrangères intéressent le quotidien yankee, puisqu’ils sont à Alger pour «discuter de la paix et de la stabilité de la région » tant que Paris «maintient toujours des troupes dans la région élargie du Sahel et que le cœur de l’opération s’étant déplacé au Niger ». Ce dernier a bien connu un premier déploiement de militaires américains dans un coude-à-coude avec les « éclaireurs » de la société Wagner dans le grand désert africain.
Sous le signe de la Vierge et celle de la journée mondiale du spécisme contre la discrimination entre les animaux, Emmanuel Macron se rend dans un climat festif à El-Bahia, laissant à Catherine MacGregor le soin de négocier le prolongement de l’approvisionnement stratégique en gaz saharien jusqu’en 2024.
Si le « dessablage » des relations entre Alger et Paris est conçu au rythme d’une musique à trois notes alors, il fallait faire ce détour par Boualem Disco-Maghreb qui a fait le bonheur du Chadlisme d’une Algérie qui a été sous l’œil « bienveillante » d’un François Mitterrand du siècle dernier. Entre la rue Ben Sennoussi et celle des Frères Chemloul de la Résidence Yves Saint-Laurent, la cathédrale du Sacré-Cœur d’Oran du « maire-prophète » du fascisme oranais, l’abbé Lambert, est toujours là pour rappeler à chaque hôte le colonialisme européen en Algérie avait bien nourri la haine de la race humaine et des religions de toutes confessions.
A Oran, cette étape dite « privée » avait brillé par la tradition bien ancrée dans la rencontre des gouverneurs d’Algérie qui aimaient s’entourer des délégations financières locales et des « petits yaouleds » pour le décor. Du haut de la Santa Cruz qui culmine en direction du port qui a vu sa vierge emportée à Nîmes par de fanatiques Pieds Noirs, Macron aurait dû faire un petit saut au souvenir de la tombe du pétainiste Amiral Darlan qui a été exécuté par le militant algérien Fernand Bonuier de La Chapelle dont son héroïsme a certainement initié le martyr algérien Ahmed Zahana , dit Zabana.
Mohamed-Karim Assouane, universitaire