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Madagascar : les attentes autour de la commission sur la colonisation de Macron

Galliéni à Madagascar

Le général Gallieni à Madagascar

Entre Madagascar et la France, depuis fin janvier, un réseau d’une dizaine d’historiens issus des deux pays s’est spontanément formé avec un espoir commun : voir le président Emmanuel Macron annoncer lors de son passage dans la capitale malgache la création d’une commission mixte chargée de se pencher sur la période coloniale de l’île.

Cela avait été le cas au Cameroun et en Algérie. C’est désormais chose faite à Madagascar. Le chef de l’État français l’a déclaré jeudi 24 avril, à la fin de sa visite. La future commission, dont on ignore encore la composition, doit rassembler des historiens français et malgaches. Celle-ci se concentrera sur l’insurrection de 1947, réprimée dans le sang.

Une telle commission annonce des mois d’introspection sur l’un des épisodes les plus douloureux de la colonisation de l’île. Le 29 mars 1947, deux foyers de révoltes naissent simultanément à Moramanga, dans le centre du pays, puis à Manakara à l’Est. Des centaines d’insurgés malgaches prennent les armes contre les colons français. La révolte se diffuse les semaines suivantes le long de la côte orientale de l’île, portée par des paysans et des membres affiliés au MDRM, parti politique créé en 1946 qui prône l’autonomie de Madagascar au sein de l’Union française. Il s’agit de l’une des premières révoltes contre l’administration coloniale française, affaiblie par la Seconde Guerre mondiale.

Un tremplin pour une nouvelle génération de chercheurs

Pour concrétiser cet effort de vérité sur 1947, il faudra ouvrir les archives classifiées par la France mais aussi traiter celles déjà accessibles, encore inexploitées faute de moyens. Samuel Sanchez, historien français spécialiste de Madagascar, maître de conférences à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, espère que la future commission servira de tremplin à une nouvelle génération de chercheurs prêts à s’emparer des pans encore méconnus de 1947 : « La recherche s’est focalisée sur la comptabilité du nombre de morts qui a été énorme. Je pense qu’il convient de dépasser ça pour comprendre d’autres aspects, comme l’impact économique à long terme par exemple. Tout l’Est de Madagascar a subi une grave crise agricole. Cela a été un vrai séisme. À travers ce type d’éléments, notre vocation d’historien, c’est de sortir du mythe, de l’inconnu. »

Apaiser une mémoire restée à vif

Pour l’historien malgache Denis Alexandre Lahiniriko, spécialiste de la période coloniale et post-coloniale de l’île, le temps est venu de « faire le bilan » de 1947. Seule condition, dit-il pour apaiser une mémoire restée à vif à Madagascar : celle de 21 mois de répression aveugle marqués par des épisodes de violence inouïe : « Il y a eu l’épisode des bombes humaines. On a mis dans un avion des insurgés et on les a jetés du haut d’un avion pour marquer les esprits du reste des insurgés. Il faut vraiment qu’on arrivé à évaluer l’impact (de cette violence), quelque part dépasser cette période coloniale là et prendre en main notre destin. »

Pour ce spécialiste, cet effort de vérité doit aussi permettre de reconnaître 1947 comme une crise politique interne à Madagascar. La révolte a profondément divisé les Malgaches eux-mêmes, dont les intérêts divergent à l’époque entre les régions proches du pouvoir colonial français et les zones insurgées. Une réalité occultée du récit national imposé par les régimes successifs depuis l’indépendance de l’île.

RFI

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