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Mali : les jihadistes du Jnim annoncent un durcissement du blocus

Bina Diarra, alias Abou Houzeifa Al-Bambari.

Bina Diarra, alias Abou Houzeifa Al-Bambari, JNIM. Crédit photo : DR

Au Mali, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), lié à al-Qaïda, a diffusé mardi 18 novembre dans la soirée de nouvelles vidéos qui traitent notamment de l’embargo décrété début septembre sur les importations de carburant.

Au Mali, le porte-parole du Jnim tente d’abord de décrédibiliser les autorités de Transition, en les accusant de duplicité. Selon Nabi Diarra, alias Abou Houzeifa Al-Bambari, les militaires au pouvoir encouragent des villages à conclure des accords locaux avec le Jnim dans les zones qui échappent au contrôle de l’armée, puis attaquent ces villages en les accusant de collaborer avec les jihadistes.

Ces dernières années, les accords de ce type se sont effectivement multipliés, notamment dans le centre du pays, avec la bénédiction des services maliens de la sécurité d’État. Les opérations militaires et les exactions contre les civils aussi. Dans le même temps, les localités qui refusent de conclure ce type d’accord sont soumises par le Jnim à des blocus – plus rien n’y entre ni n’en sort – pour la plus grande souffrance des habitants.

Le porte-parole du Jnim assure par ailleurs que les autorités négocient pour la libération d’otages étrangers, mais pas pour les soldats maliens détenus. Ces dernières semaines, un otage émirien a été libéré et d’autres otages étrangers avant lui. Plusieurs civils maliens ont également été relâchés, à l’instar du maire de Konna, fin octobre.

La contrainte et la peur

Nabi Diarra tente ensuite de justifier l’embargo décrété début septembre sur les importations de carburant et les contrôles renforcés des routes menant à Bamako, qui pénalisent désormais la capitale et plus seulement les régions maliennes. Le porte-parole du Jnim se félicite ensuite des effets de ce blocus sur les populations : moins de sorties dans les boîtes de nuit, davantage de femmes voilées sur les routes du pays… Ces résultats sont évidemment obtenus par la contrainte et par la peur et ne démontrent en aucun cas une adhésion des populations aux objectifs du Jnim.

Les jihadistes menacent une fois encore les Maliens qui collaborent avec l’armée ou qui les combattent directement de représailles violentes, à commencer par les chasseurs traditionnels dozos. Et de citer l’exemple récent de Loulouni, région de Sikasso, où les jihadistes ont attaqué les dozos qui tentaient de s’opposer à eux. Au début du mois, le Jnim a exécuté publiquement la jeune blogueuse Mariam Cissé, qui affichait son soutien aux militaires maliens dans la région de Tombouctou. Cet assassinat a soulevé un élan d’indignation et de patriotisme dans le pays.

Durcissement du blocus

Le Jnim annonce enfin un durcissement du blocus qui s’étendra désormais à toutes les entreprises transportant du carburant – certaines sont nommément citées et on ignorait qu’elles étaient jusqu’ici épargnées. Quant aux chauffeurs de camions citernes, ils seront désormais traités par le Jnim comme les militaires : il n’y aura plus de prisonniers. Rappelons que depuis début septembre, de nombreux transporteurs ont déjà été tués et d’autres capturés. 

La semaine dernière, les autorités maliennes de Transition ont même annoncé des mesures de soutien : les enfants de routiers assassinés lors des attaques deviendront pupilles de la nation et les transporteurs blessés bénéficieront de soins médicaux gratuits.

« Le Jnim a eu des succès militaires, mais il ne pourra pas aller plus loin sans acquis politiques, analyse une source malienne spécialisée dans la veille sécuritaire. Alors les jihadistes cherchent l’adhésion des populations. Ils veulent donner l’impression que les actions de la Transition, en fin de compte, les renforcent. » « Le Jnim affiche sa détermination à maintenir la pression dans le cadre d’un durcissement du blocus », commente un autre expert malien, qui explique que le groupe jihadiste « a pour projet de faire tomber la junte militaire. »

« Ces déclarations peuvent semer le doute dans l’opinion, juge un opposant prônant le dialogue avec les groupes armés, parce que les Maliens vivent déjà la pénurie de carburant, les coupures d’électricité. Le Jnim met en lumière l’incapacité des autorités à trouver des solutions. » Selon cette personnalité très critique des militaires au pouvoir, « les Maliens distinguent de plus en plus les forces armées, qu’ils respectent, du régime qui les dirige. »

Effet contraire

« Ils veulent que la population lâche les autorités, mais ça ne marchera pas », réagit à l’inverse une source sécuritaire malienne qui estime que « les jihadistes ont commis une grande erreur » : « Le blocus a produit l’effet contraire à celui recherché, poursuit cette source. Les populations en souffrent directement, elles n’apprécient pas du tout et font bloc derrière les autorités. » En clair, les Maliens n’oublieraient pas qui sont les premiers responsables de la pénurie de carburant qui les accablent, à savoir les jihadistes eux-mêmes.

Les autorités de transition n’ont pas commenté officiellement cette dernière sortie du Jnim et les responsables sollicités par RFI n’ont pas donné suite.

RFI

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