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Mali : les militaires putschistes isolés

SAHEL

Mali : les militaires putschistes isolés

Le colonel Assimi Goïta, l’homme fort de Bamako, a indiqué mardi avoir écarté le président et le Premier ministre de transition, dans ce qu’il y a lieu d’appeler un deuxième putsch en neuf mois, suscitant une vaste réprobation internationale et la menace de premières sanctions.

Le sort du président malien Bah N’Daw et de son Premier ministre Moctar Ouane est-il scellé ? Les deux hommes ont été conduits ce lundi 24 mai 2021 au camp de Kati, près de Bamako, par des militaires proches du comité national pour le salut du peuple, à l’origine du coup d’État du 18 août 2020. Le colonel Assimi Goïta, vice-président de la transition, et homme fort du CNSP a fait lire à la télévision un communiqué dans lequel il déclare avoir placé les deux hommes « hors de leur prérogatives ».

Pour « préserver la charte de la transition et défendre la République », c’est la raison donnée par les militaires du CNSP, la junte qui avait pourtant été officiellement dissoute, d’arrêter et de détenir le président de la République et son Premier ministre. C’est en tout cas ce qu’explique Assimi Goïta, chef de la junte et vice-président de la transition, qui accuse le gouvernement de Moctar Ouane de ne pas avoir gagné la confiance des partenaires sociaux et d’être donc responsable de la grève illimitée actuellement en cours.

Surtout, il reproche au Premier ministre d’avoir constitué la liste de son nouveau gouvernement, « en accord avec le président de transition » mais « sans concertation avec le vice-président », c’est-à-dire lui-même. 

Instabilité

L’arrestation, lundi, des deux dirigeants et de plusieurs hauts personnages de l’Etat dans ce pays crucial pour la stabilité du Sahel en proie à la propagation jihadiste a provoqué une multitude de condamnations à l’encontre des militaires.

Le président français Emmanuel Macron, dont le pays engage plus de 5.000 soldats contre les jihadistes au Sahel, a parlé de « coup d’État dans le coup d’Etat inacceptable ». Assimi Goïta et d’autres colonels maliens avaient déjà renversé le président élu Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 avant d’installer des autorités de transition demeurées sous leur contrôle.

Les dirigeants de l’Union européenne sont « prêts, dans les prochaines heures, si la situation n’était pas clarifiée, à prendre des sanctions ciblées » contre les protagonistes, a affirmé M. Macron à l’issue d’un sommet européen.

La France a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU.

Les appels à la libération immédiate des personnes arrêtées et à un retour à la transition politique devant ramener les civils au pouvoir se sont succédé de la part de la mission de l’Onu au Mali (Minusma), de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), de l’Union africaine (UA), des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou encore de l’Allemagne.

Le médiateur de la Cédéao, Goodluck Jonathan, est arrivé mardi après-midi à Bamako. Il a dit aux journalistes venir parce que la Cédéao est « un peu inquiète ». Il rencontrera les militaires, des représentants de la société civile et des dirigeants, a-t-il indiqué sans faire plus de commentaire à un moment critique.

Quelques heures auparavant, le colonel Goïta a rompu son silence dans une déclaration de reprise en main lue par un collaborateur en uniforme sur la télévision nationale, sortie de sa grève pour la circonstance.

Le colonel Goïta reproche au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d’avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, bien qu’il soit vice-président en charge de la défense et de la sécurité, domaine cruciaux dans le pays en pleine tourmente.

Une telle démarche témoigne de leur part « d’une intention avérée de sabotage de la transition », dit-il. Il s’est vu « dans l’obligation d’agir » et de « placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».

L’ambiguïté de la formulation suscite des interrogations sur l’éventualité que le vice-président aurait démis de leurs fonctions le président et le Premier ministre faute d’avoir obtenu leur démission sous la contrainte.

Elections « courant 2022 »

Les évènements soulèvent aussi des questions sur le respect du calendrier de retour des civils au pouvoir.

Les autorités de transition avaient annoncé l’organisation en février-mars 2022 d’élections présidentielle et législatives. Le colonel Goïta, plus vague, dit que les élections se tiendront « courant 2022 ».

Le colonel Goïta avait conduit en 2020 le putsch contre le président Keïta après des mois de contestation populaire. La junte avait ensuite installé des autorités de transition, dont Bah Ndaw, militaire à la retraite, et Moctar Ouane, diplomate.

Les militaires s’étaient engagés, sous pression internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois. Ils conservaient cependant la main sur les leviers du pouvoir.

Lundi, les militaires ont fait arrêter le président, le Premier ministre, le nouveau ministre de la Défense et de hauts collaborateurs, quelques heures à peine après la présentation d’un nouveau gouvernement à la suite de la démission du précédent, confronté à une contestation grandissante.

Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l’appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, où l’ancien président Keïta avait dû annoncer sa démission.

Ils sont « sains et saufs », a indiqué un haut responsable militaire sous le couvert de l’anonymat.

« Conséquence logique »

Les colonels ont mal pris que deux des leurs aient été écartés des portefeuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité dans le nouveau gouvernement, disent les analystes.

Bien que prévisible, cet énième soubresaut a plongé les Maliens dans la consternation.

Malgré la prolifération du hashtag #wuli (« debout » en bambara) sur les réseaux sociaux, des appels à se rassembler à Bamako pour protester n’ont guère trouvé d’écho.

Le sociologue Bréma Ely Dicko voyait dans ces évènements le prolongement du putsch de 2020. « Ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui est une conséquence logique des tares du début de la transition », quand les colonels ont tenu à l’écart les partis et les organisations de la société civile qui avaient mené pendant des mois la contestation contre l’ancien pouvoir, dit-il.

Auteur
Avec AFP

 




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