Au Mali, le Jnim, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans lié à al-Qaïda, a diffusé pendant la nuit de nouvelles images et un nouveau bilan de l’attaque du camp militaire de Boulikessi survenu dimanche 1er juin dans la région de Douentza, dans le centre du pays.
Le Jnim revendique plus de 100 militaires maliens tués lors de l’attaque et 22 capturés et retenus en otage. RFI a pu recouper ces chiffres auprès de sources locales, notamment sécuritaires maliennes. L’armée et les autorités de transition demeurent silencieuses sur le nombre de soldats tombés au combat.
« Le nombre de morts est intolérable, commente une source sécuritaire malienne. La pression n’a jamais été aussi forte. » Cette source confirme le bilan du Jnim, avec plus de 100 militaires tués à Boulikessi. Au lendemain de l’attaque, cette même source évoquait déjà « plus de 90 corps ramassés ». Depuis, d’autres dépouilles ont été retrouvées aux alentours du camp. Des supplétifs russes de Wagner figureraient parmi les victimes, selon plusieurs sources sécuritaires et civiles maliennes. Wagner a habituellement des hommes stationnés à Boulikessi et patrouille régulièrement dans la zone. Aucun corps de mercenaire russe n’a cependant été exhibé dans les publications du Jnim qui a égrené ces derniers jours des vidéos effroyables.
22 soldats capturés
Les jihadistes affirment également détenir 22 soldats maliens capturés dimanche et retenus en otage depuis. Des vidéos montrent ces soldats par petits groupes. Ils s’ajoutent aux autres militaires déjà capturés lors de précédentes attaques dont le nombre précis n’est pas connu. Le Jnim détient aussi, parfois depuis des années, plusieurs dizaines de civils – administrateurs de l’État, humanitaires, professeurs ou encore habitants de villages refusant de conclure des accords locaux. Le groupe jihadiste diffuse enfin des images du butin pléthorique récupéré à Boulikessi : des armes et des munitions notamment mais aussi plusieurs véhicules.
Doctrine du silence
Devant l’ampleur de la tragédie, l’armée malienne avait reconnu dimanche l’attaque de Boulikessi et la mort de soldats ayant « combattu jusqu’à leur dernier souffle » mais sans donner aucun bilan. Quant à l’attaque du camp de Dioura, le 23 mai, qui avait fait une quarantaine de morts, elle n’a jamais été reconnue par les autorités. Officiellement, cette attaque n’existe pas.
Au lendemain de la prise du camp de Boulikessi, lundi 2 juin, le Jnim menait une série d’actions simultanées contre des cibles militaires à Tombouctou. Le Jnim a revendiqué « une dizaine de morts et de blessés » dans ces attaques. L’armée s’est félicitée d’avoir « déjoué une tentative d’infiltration » à Tombouctou et « neutralisé 14 terroristes » sans évoquer le nombre de militaires tués. Le dernier communiqué de l’armée, publié ce mercredi, est consacré aux « lourdes pertes » qui auraient été infligées aux « terroristes » dans le secteur de Diafarabé. Sollicitée par RFI, la communication de l’État-major n’a pas donné suite.
Cette doctrine du silence sur les soldats tombés au combat est clairement assumée. Par le passé, des responsables militaires ou politiques ont déjà expliqué qu’il s’agissait de ne pas faire le jeu de l’ennemi et de ne pas saper le moral des troupes, dans un contexte de guerre antiterroriste.
Transparence et funérailles
Dans la population malienne, certains estiment que les citoyens n’ont effectivement pas à être informés de ces réalités sensibles du terrain et jugent que c’est l’affaire de l’État et de l’armée, à l’œuvre pour la sécurité du pays et la souveraineté nationale.
D’autres jugent que le régime en place cherche uniquement à cacher aux Maliens la réalité de la situation sécuritaire du pays pour se maintenir au pouvoir et réclament plus de transparence. Ces Maliens souhaiteraient également que les militaires tombés au champ d’honneur aient droit à des funérailles officielles et que les familles n’aient pas à attendre parfois plusieurs semaines avant d’apprendre la mort d’un fils ou d’un mari – RFI a reçu plusieurs témoignages en ce sens. Des demandes qui s’expriment moins ouvertement : ceux qui osent évoquer le sujet sont traités d’« apatrides » par les soutiens des militaires au pouvoir et violemment disqualifiés pour leur prétendu « manque de patriotisme ».
RFI