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Marche du 26 Avril : Sorry ! sorry sorry, Gaïd Salah

DISSIDENCE CITOYENNE

Marche du 26 Avril : Sorry ! sorry sorry, Gaïd Salah

Ce vendredi  ne ressemble pas aux autres. Le ciel est d’un bleu azur, le soleil inonde les rues d’Alger de sa généreuse lumière, et la température est douce et conciliante. C’est une belle journée de printemps à Alger.

C’est durant ces journées que la capitale laisse entrevoir ses charmes, qu’elle attise la curiosité des passants et les pousse à la découvrir. Elle fait un avec les marcheurs : elle les envoûte. 

Aujourd’hui, ils sont moins bruyants, plus calmes, plus imaginatifs et plus politiques. Les barrages filtrants à l’entrée d’Alger, installés depuis jeudi 25 avril, ont fait leur effet. La circulation est aisée. A quelque chose malheur est bon. La traditionnelle marche se transforme en une véritable promenade. La présence policière est discrète. Le tunnel des facultés est fermé des deux côtés. Qu’à cela ne tienne. Les manifestants, font des allers retours le long de la rue Didouche-Mourad. Les plus jeunes s’engouffrent dans la perpendiculaire de la rue Emile Zola à proximité du lycée Delacroix, s’installent sur les escaliers et apprécient leur fête du vendredi.

Les autres ont tout le loisir de s’exprimer et de dire leurs messages : ils ne sont ni étouffés ni bousculés comme à l’accoutumée. Les slogans s’articulent quelques grands axes : on évite de se disperser. On entonne en cœur l’hymne national, ou Djazairouna ya bilad el djoudoud à l’aide de porte-voix. Un jeune homme muni d’un micro interprète Min Djibalouna d’une voix de rossignol. On hurle en cœur :

Ya chahid ya Abane sarkou lebled elkhian   Hé martyr Hé Abane les traîtres ont volé le pays

Ya Ben M’hidi ya amin khasrou lebled belcocain  Hé Ben Mhidi Hé le fiable ils ont infesté le pays de cocaïne

Ya Omar ya saghir khouatek ymoutou filbir  Hé Omar Hé petit tes frères meurent dans les puits

Ya Hassiba Ben Bouali li yahkem fina harki  Hé Hassiba Ben Bouali celui qui nous commande est un Harki

Ya Chabani ya meghdour lablad redjhouha koubour  Hé Chabani le trahi ils ont transformé le pays en tombe

Ya Didouche ya chahid habou yredj3ouna 3abid   Hé Didouche Hé martyr ils veulent nous transformer en esclaves

Ya Amirouche  ya Lhaoues hakmouna ouled la SAS  Hé Amirouche Hé Lhaoues ont est pris au piège par les enfants de la SAS

Ya chahid ya Zighout echabab klah lhout Hé martyr  Hé Zighout le peuple est dévoré par les poissons

Ya Boudiaf ya watani ba3ou lablad 3inani  Hé Boudiaf Hé nationaliste ils ont vendu le pays au vu au su de tout le monde

Ya Chouhada ya abrar ouladkoum oulaou ahrar  Hé martyrs Hé innocents vos enfants se sont libérés

Les marcheurs restent concentrés sur leur principale revendication : le dégagement du système. Sur une banderole portant la photo de El Hadj el Anka on peut lire : mab9at hata hachra, arfad sabatak ouamchi (le divorce est prononcé : prends tes chaussures et tire-toi). Ou encore on ne lâchera rien jusqu’à la victoire ; 3a9adna el 3azma an nouharira el Djazair (nous avons fait le serment de libérer l’Algérie), pour paraphraser une strophe de l’hymne nationale ; en arabe on distingue : votre crédit est épuisé, arrêtez de mener des réformes et partez. Toutes les déclinaisons du célèbre article 2019 : Oh oh goulna yatnahaw ga3, Hé viva l’Algérie yatnahaw ga3, yetnahaw ga3 dégage ! (qu’ils partent tous)

Le vieux chef d’état-major occupe tous les esprits tout le long de la rue Didouche-Mourad. Au niveau de la montée du cinéma ABC, on se regroupe, et des jeunes déroulent une immense banderole d’environ 10×20 m, représentant la célèbre caricature de l’auteur du plus populaire des slogans, allument des fumigènes, et chantent à l’unisson ce refrain qui se répétera durant toute la marche de Didouche-Mourad à la Grande Poste : « sorry ! sorry, sorry Gaid Salah oua echaab hada machi djaieh, goulna yatnahaw ga3 (sorry sorry Gaid Salah », ce peuple n’est pas dupe et on a dit : qu’ils partent tous).

Il est appuyé le long du convoi, par des refrains comme Gaid salah ya baba houa zaim el 3isaba ( Gaid Salah  ya baba c’est lui le leader de la bande), ou encore dégage El Gaid, dégage.

Sur les pancartes on peut lire Gaid prends ta révérence, ou repose toi, pars Gaid. Sur une affiche imprimée, on voit la photo de Gaid Salah saluant le prince émirati, Macron, le leader libyen d’un côté et les colonels Chaabani et Mohamed Salah Yahiaoui en plein discours de l’autre côté ; au-dessus est écrit : Gaid Salah la main étrangère c’est la puissance coloniale et le petit état des émirats : il faut suspendre les relations avec les Emirati et maintenir au minimum les relations diplomatiques avec la France. En script sur une affichette porté par une jeune dame on lit : Gaid Salah, ta justice de cow-boy n’est pas une réponse politique.

Sur des feuilles de papier en format A3,  imprimés et distribués on perçoit la photo de Said Bouteflka et au-dessus : sergent Garcia au service des 4B, des Bouteflika et du système de la cocaïne : Hana fhamna dourka (nous avons compris maintenant).

Un poème qui rime, composé en arabe et reproduit sur une affiche  dit :

Ya el gaid rana chebe3nak tefchach  Hé Gaid, on t’a assez gâté

Koul 3ouhoudek hadja manha machafnach  Nous n’avons vu aucun de tes engagements se réaliser

A3la ramdan rahou mabqach  Il ne reste plus de temps pour le Ramadhan

Mala ghir matkalaknach  Alors n’essaye pas de nous duper

Oub3at el 3isaba el habs El Harrach  Et envoie le gang en prison à El Harrach

Si le vieux Général-major a volé la vedette durant cet épisode, Ouyahia et Saïd Bouteflika n’ont pas été de reste. Sur une banderole, accrochée le long d’un mur, portant la photo de Ben Boulaïd  sur la moitié supérieure on peut lire en arabe, il a vendu ses bus pour le pays et sur la moitié inférieure montrant le visage d’Ouyahia il est écrit, il a vendu le pays pour des bus. C’est probablement la conséquence des liaisons dangereuses, qu’il n’a cessé d’entretenir avec l’homme d’affaires Tahkout.

Tout le long de la procession, on reprend une chansonnette inventée par les détenus de la prison d’El Harrach, à l’adresse de leur ex-Premier ministre et diffusée sur le web : Ouyahia fel Harrach djibouh djibouh (Ouyahia à El Harrach, ramenez le, ramenez le). On chante aussi sans arrêt : Echaab yourid i3dam Essaid (le peuple veut l’exécution de Saîd).

On se rappelle les personnes décédées lors de l’effondrement d’un immeuble à la Casbah, on leur fait un dernier hommage en fredonnant Casbah, Bab el oued ezawali met (Casbah, Bab El Oued le démuni est mort).

Les marcheurs répondent avec leurs mots et de leur manière, comme chaque vendredi à ce qu’ils ont vécu, entendu et vu durant la semaine. Ils chantent à l’unisson : Sorry ! sorry sorry Gaid Salah.

Auteur
Djalal Larabi

 




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