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Marseille et le Hirak

L’OEIL DE ZINA

Marseille et le Hirak

Dimanche 16h, croisement Réformés Canebière. Marseille.

Une trentaine de personnes sont réunies. Des drapeaux algériens au pluriel (national et kabyle). Des pancartes, des slogans anti-système et une moyenne d’âge élevée.

On pourrait croire qu’il s’agit d’une réunion associative mais non…c’est la manifestation du Hirak à Marseille.

Avec deux tiers de sa population en dessous de 30 ans, l’Algérie a beaucoup à offrir. La jeunesse, la fougue, les mouvements étudiants, les mouvements corporatistes, les associations civiles, médicales, d’avocats, d’intellectuels…. Ces 21 dernières semaines l’ont prouvées : l’Algérie est forte. Mais pas à Marseille où l’apprentissage démocratique est encore plus laborieux qu’ailleurs.

Après avoir écouté les plaintes redondantes dominicales et lancinantes des habitués du dimanche après-midi, on a tenté de proposer une idée d’action concrète. Impossible d’aller jusqu’au bout. Interrompue par les conseils de procédure (« il faut valider ça en assemblée, argue-t-on »), les disputes intestines (« ça fait 20 ans qu’on le connaît lui ») et l’éternel fatalisme (« Marseille est une poubelle, la seule chose à faire ici c’est de partir »). Comme au pays, Marseille souffre de clientélisme, de corruption et de chaos. Certes. En Algérie, cela a-t-il empêché les gens de sortir dans la rue ?

Pas une once d’énergie positive. Toujours les mêmes discussions avec les mêmes sigles : FFS, RND, FLN…dont ma génération n’a que faire. L’Algérie de demain, il faut la construire maintenant et avec nous. J’ai conscience que la décennie noire a été dure, j’ai conscience de la situation des familles immigrées ou du contexte économique de la grande ville la plus pauvre de France. Mais se plaindre ne suffit pas. Une fois le constat posé, il faut avancer.

Plutôt que de les traiter de « Jayhin », d’ordures ou de poubelles, de dire qu’ils ne sont pas politisés, pas concernés. Demandez-vous pourquoi vos enfants ici en France préfèrent mettre leur énergie à fêter le ballon. Je ne dis pas cela pour excuser leur absence de conscience politique mais la responsabilité est partagée. Il faut accepter de laisser le passé et aller de l’avant.

J’avais rendez-vous avec des amis pour voir le match. Ma bonne humeur m’a quittée. Je ne dénigre pas le foot ou son aspect fédérateur. Je comprends le besoin de victoire et la soif d’exister. Je serais ravie que les Fennecs gagnent la CAN. Mais quid d’une victoire dans un pays où le chaos continue de régner ? Pire : la perspective d’une victoire qui vient asseoir la notoriété de Gaïd Salah et terminer ainsi le vol de notre souveraineté ?

A cette idée mon sang s’est glacé. En haut de la colline Saint-Charles, les fumées des feux d’artifice se mélangent au son tonitruant des klaxons et des cris. Le ciel a des airs apocalyptiques. Je ne suis pas allée voir le match, je n’avais plus le coeur à la fête. La prochaine échéance c’est vendredi et je ne parle pas de foot.

Auteur
Zina Mebkhout

 




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