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MBS en Algérie: à quelle fraternité et justice le communiqué du MAE fait-il référence ?

POLEMIQUE

MBS en Algérie: à quelle fraternité et justice le communiqué du MAE fait-il référence ?

Le prince héritier Mohamed Ben Salmane (MBS) a attendu le feu vert du président Donald Trump pour entamer son périple de réhabilitation dans le monde.

Le 21 novembre dernier, le rapport de la CIA lui accordait le bénéfice du doute qui fait dire au président américain dans un de ses Tweet « nous nous saurons sans doute jamais si le prince est au courant ou pas dans son implication dans l’assassinat du journaliste Khashoggi ». Et d’ajouter cinglant : « Peut-être, peut-être pas ». Voilà comment on plie une affaire si gravissime soit-elle !

Le lendemain, un communiqué du cabinet du royaume livre un programme de visite du jeune prince pour six pays puis une participation au G20. Les visites sont évidemment prévues auprès de six pays arabes : les Émirats arabes unis, Bahreïn, la Tunisie, l’Égypte, l’Algérie et la Mauritanie, mais pas le Maroc, seul pays d’Afrique du nord manifestement boudé par MBS.

Pourquoi ? A cause du Qatar ? Si son allié dans sa guerre au Yémen lui a déroulé le tapis rouge, il n’est pas le bienvenu au pays du Maghreb où les sociétés civiles, syndicats, certains partis politique dont l’islamiste algérien lui réserve un accueil humiliant. Réagissant à la campagne médiatico-politique ayant visé Mohammed ben Salmane en particulier et le royaume saoudien en général suite au crime odieux du journaliste Khashouggi, le ministère des Affaires étrangères algérien (MAE) a souligné par le biais de son porte-parole, que « l’Algérie, qui est liée à l’Arabie Saoudite par des relations étroites de «fraternité », de coopération et qui partage avec elle un destin commun, exprime sa conviction que la « justice » saoudienne saura faire toute la lumière sur ce meurtre ». Sic !!

Il se trouve que ce communiqué politiquement correct ne retrace pas les réalités des relations diplomatiques entre les deux pays sur au moins les deux plans cités dans ce communiqué :

1- De la relation fraternelle en question

Historiquement, les relations entre Alger et Riyad n’ont jamais été au beau fixe jusqu’à l’arrivée de Bouteflika en 1999. Au temps de Boumediene, les Saoudiens qualifiaient le peuple algérien de peuple athée. Les années 80, leur offensive pour diminuer les prix du baril du pétrole devait faire un ravage aux pays dont les économies étaient fortement dépendantes des recettes pétrolières.

Pour contrecarrer l’apparition des marchés spots (fixation libre du prix au jour le jour) des prix qui dépassent les prix officiels et qui est une conséquence directe du 2e choc pétrolier lié à la révolution iranienne et de la crainte de pénurie de pétrole brut, est instauré en 1985 le principe de la marge fixe par baril vendu aux raffineurs (netback policy), principe pervers qui conduira à l’effondrement des prix; c’est le contre-choc pétrolier de 1986, qui a mis l’Algérie en particulier à genoux.

Le prix du baril était descendu en dessous de 10 dollars, au point où Kasdi Merbah, Premier ministre de l’époque, a appelé les autorités saoudiennes pour les rappeler «qu’elles étaient en train de nous enlever le pain de la bouche».

Plus tard, ce qui était connu concernant le financement du terrorisme en Algérie, en Syrie et ailleurs par certains pays du Moyen-Orient fait l’objet de témoignages de plus en plus nombreux et de preuves tout aussi irréfutables. Cette fois, c’est l’ancien directeur des services de renseignements internes français, Bernard Squarcini, qui témoigne sur le rôle du Qatar et de l’Arabie Saoudite dans le financement du terrorisme.

Selon lui, les groupes djihadistes qui ont prêté allégeance à Al Qaïda sont financés principalement par le prince saoudien Bandar Ben Sultan (secrétaire général du Conseil de sécurité nationale et chef des renseignements généraux d’Arabie Saoudite) qui adopte une politique régionale indépendante de ses frères et ses cousins. Ce chef des renseignements saoudiens est derrière le financement des groupes djihadistes en Afghanistan, en Syrie, au Liban, en Egypte, au nord de l’Afrique.

Il a noté en outre dans ce livre que le Qatar, grand partenaire commercial et politique de la France, est impliqué par le financement, voire l’armement des groupes islamistes combattant en Afrique contre l’armée française. Pour camoufler et faire passer le soutien logistique et entraîner les groupes djihadistes. L’Arabie Saoudite a un rôle dans le financement et l’entraînement des groupes extrémistes, particulièrement au nord de l’Afrique, voire en Algérie. Anna-Marie Lisa, présidente honoraire du Sénat belge, accuse, quant à elle, ouvertement l’Arabie saoudite «d’œuvrer à déstabiliser volontairement les frontières sud de l’Algérie à travers, notamment, le financement des salafistes et djihadistes». « L’Algérie, et par le rapt de ses diplomates à Gao, paye pour avoir combattu le terrorisme durant les années 1990 », selon elle. «Les auteurs du rapt se sont, en particulier, attaqués au symbole de l’Algérie, en la personne des diplomates enlevés », explique-t-elle.

Eric Denussy, directeur du Centre français de recherches sur le terrorisme et ancien officier des services secrets, tire la sonnette d’alarme : «La situation est très grave. L’Algérie est considérée par le Qatar et l’Arabie Saoudite et par l’alliance entre les USA et les Frères musulmans, comme le domino qui n’est pas tombé et qui doit tomber, coûte que coûte ». Il accuse l’Otan d’avoir reconfiguré le terrorisme dans la région du Sahel, avec l’intervention militaire engagée dans ce pays.

En 2014, le royaume a mené une guerre des prix, pour dit-on récupérer ses parts de marchés conquises par les producteurs américains de schiste en inondant le marché de brut sans penser aux dommages collatéraux qu’il a laissés dans les économies fortement dépendantes des recettes pétrolières comme le Venezuela et l’Algérie dont on connaît la situation difficile dans laquelle il se trouvent actuellement    

2- De la justice auquelle l’Algérie fait confiance

Il n’y a ni constitution ni code pénal dans ce pays mais uniquement l’application du Coran et de la jurisprudence islamique (interprétation, sunna, hadith et Essira etc.).

Dans l’application de cet arsenal juridique, les avocats ne plaident pas mais s’attaquent les uns aux autres à coup de fatwas. Une police composée de chouyoukhs surveillant le comportement des citoyens dans leur vie quotidienne et dénonce leur moindre déviation de la ligne religieuse sunnite. Sur le plan de l’application de la charia, de nombreux analystes et observateurs ont relevé une certaine dureté de son application par rapport à Daech.

En trois mois, de janvier à mars, le royaume wahhabite a exécuté 70 personnes, dont 47 en une seule journée, le 2 janvier dernier.

Parmi ces condamnés à mort, le plus souvent décapités au sabre sans aucun respect de leur corps et à l’insu de leurs familles, des criminels de droit commun, mais aussi des opposants politiques, comme le chiite Nimr al-Nimr.

En 2015, l’Arabie saoudite a exécuté 153 personnes, contre 87 en 2014.

Entre janvier 1985 et juin 2015, au moins 2 208 personnes ont été victimes de la peine de mort, parmi lesquelles plus d’un millier d’étrangers, des mineurs et des handicapés mentaux. En somme, même si on est attardé mental dans ce pays, on reste tout de même responsable de ses actes.                                                              

Auteur
Rabah Reghis

 




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