Jeudi 4 avril 2019
Mesures à prendre contre les « personnes politiquement exposées » : les propositions de l’AACC
Ali Haddad, ancien président du FCE et patron de l’ETRHB, a été arrêté, en début de semaine, à la frontière algéro-tunisienne.
Un oligarque algérien – et pas n’importe lequel-, a été arrêté dimanche matin très tôt, à un poste frontière terrestre avec la Tunisie. Les conditions dans lesquelles il voulait sortir du pays montrent visiblement qu’il s’agit d’une tentative de fuite qui ne dit pas son nom.
Celui qui il y a quelques jours encore était président tout puissant du FCE a bénéficié depuis de longues années de la manne de la commande publique, et ce, par favoritisme et en violation des lois de la République : lâché de toutes parts, il a fait le très mauvais choix d’échapper à la justice, tellement les griefs contre lui sont certainement très lourds….
Les plus fuûtés des oligarques, des « agents publics » – hauts fonctionnaires et élus notamment-, et de tous leurs proches, encore protégés, avaient pris la poudre d’escampette depuis quelques semaines déjà, voyant que le pouvoir qui les parrainait, notamment dans le sens mafieux du terme, était en train de s’effondrer, et que lors des « vendredis populaires » rassemblant des dizaines de millions d’Algériens depuis le 22 février 2019, les dénonciations de la corruption et de la prédation prenaient de plus en plus d’ampleur.
Tous ces « criminels » et ces délinquants financiers sont malheureusement nombreux : ils font partie de ce que l’on appelle les «Personnes politiquement exposées » (PPE). Cette notion de PPE a été reprise par le GAFI – Organisation intergouvernementale contre le blanchiment d’argent-, dont l’Algérie est membre.
Le GAFI a dressé des « Red flags » ( Indices rouges) pour les PPE originaires de pays à haut risque dont l’Algérie, notre pays étant classé et répertorié par toute la communauté internationale, – et pas uniquement par les ONG-, comme un « pays à profil de risque national », de par : 1. Son niveau de corruption élevé ; 2. Son niveau élevé de crime organisé ; 3. Sa mauvaise gouvernance et sa transparence insuffisante ; et 4. Son système politique basé sur le pouvoir personnel (autocratique), dans lequel les personnes au pouvoir s’enrichissent ou dans lequel de nombreuses nominations se font par népotisme.
Qui peuvent être les PPE dans un pays comme l’Algérie ?
Il est admis maintenant, par toutes les grandes organisations intergouvernementales, les « personnes politiquement exposées » sont des personnes physiques qui occupent ou ont occupé des fonctions publiques importantes, pas nécessairement politiques, liées à un pouvoir de décision significatif. Les personnes considérées comme des personnes connues pour être étroitement associées à un client PPE sont également incluses.
Les fonctions des PPE sont depuis quelques années listées dans nombre de Convention internationales, elles intègrent notamment : chef d’Etat, chef de gouvernement, membre d’un gouvernement national ou d’une organisation internationale ; Membre d’une assemblée parlementaire nationale ; membre d’une Cour suprême, d’une Cour constitutionnelle ou d’une autre haute juridiction dont les décisions ne sont pas, sauf circonstances exceptionnelles, susceptibles de recours ; Membre d’une Cour des comptes ; Dirigeant ou membre de l’organe de direction d’une banque centrale ; ambassadeur, chargé d’affaires, consul général et consul de carrière ; Officier général ou officier supérieur assurant le commandement d’une armée ; chef d’exécutif local ou régional ( wali en Algérie) ; Membre d’un organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise publique ; Chef d’entreprise privée ou actionnaire ; etc.
Appliquée à l’Algérie, la liste pourrait être très longue, et les nombreux scandales de corruption ou de toute autre délinquance économique et financière où seraient mêlés de près ou de loin ces PPE, sont plus ou moins connus ou faciles à identifier tant l’impunité a été la règle pendant des décennies…
Dans le cas des PPE, on assume que le niveau de risque en terme de fraude et de corruption est plus élevé que la moyenne, compte tenu de leur position d’influence.
Les 10 propositions de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC)
Mesures conservatoires à prendre vis-à-vis des PPE algériennes, mesures qui pourraient être prises en charge par un gouvernement de transition issu du « mouvement populaire » en cours.
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Les obligations de vigilance vis-à-vis des PPE
Les PPE exigent un niveau de vigilance élevé adapté au risque de lutte contre le blanchiment d’argent et la fuite des capitaux ;
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L’AACC préconise à l’encontre des PPE une interdiction provisoire de sortie du territoire national, interdiction signifiée par la justice sur la base d’une liste des fonctions énumérées plus haut, liste élaborée par la Cour suprême ou sous son autorité ;
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Blocage provisoire de toutes opérations financières non justifiées : c’est là où la Banque d’Algérie devrait intervenir à la fois en renforçant les contrôles existants et en diffusant une circulaire ferme et intransigeante à tous les opérateurs financiers.
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Le ministère des finances pourrait de toute urgence, accompagné par la Banque d’Algérie, solliciter ses homologues étrangers, notamment les pays principaux fournisseurs et clients de l’Algérie, à l’effet de bloquer les avoirs qui pourraient être détenus à l’étranger par les PPE Algériennes.
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La CTRF (Cellule de traitement du renseignement financier auprès du ministère des finances) pourrait informer ses homologues étrangères et le GAFI des risques actuels élevés de fuite des capitaux à partir de l’Algérie, et demander leur coopération à l’effet de doubler de vigilance afin d’identifier la traçabilité de ces capitaux.
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Une mention particulière en direction du gouvernement suisse : obtenir sa coopération à l’effet d’obtenir un blocage des avoirs des PPE Algériennes, en attendant de statuer juridiquement sur l’origine et la légalité de ces avoirs.
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Faire fonctionner la procédure du « Plaider coupable » pour toutes les PPE Algériennes qui reconnaitraient des malversations, et ce, dans le respect des lois en vigueur, dont la loi du 20 février 2006 de prévention et de lutte contre la corruption et la Convention des Nations unies contre la corruption de 203 ratifiée par l’Algérie.
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L’AACC fait part de sa totale disponibilité à participer d’une manière ou d’une autre à tout ce processus de protection des avoirs du peuple algérien ;
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L’AACC a déjà pris tout récemment un certain nombre de contacts directs avec des organisations étrangères et intergouvernementales sur les questions soulevées plus haut ; l’AACC rendra publique prochainement la teneur de ces contacts ;
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L’AACC est mobilisée, aujourd’hui plus que jamais, à s’associer à toute démarche unitaire pour mettre en place, sans plus tarder, un large « Rassemblement » de lutte contre la corruption.