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Mettre en concurrence Tamazight et El Qods est une faute politique

Lettre ouverte à Abdelmadjid Menasra, président du M.S.P

Mettre en concurrence Tamazight et El Qods est une faute politique

Brahim Tazaghart, militant du mouvement culturel amazigh, écrit au président du Mouvement de la société pour la paix (MSP).

Monsieur le président

Il y a fort longtemps, au milieu des années soixante-dix, un malencontreux malentendu à placé le courant islamiste algérien contre la cause du Mouvement Culturel Amazigh.

Manipulations des sphères occultes du régime ou opposition consciente et réelle du courant islamiste à la réhabilitation et à la promotion de la langue et de la culture amazighs ?

Contradiction inconciliable entre une lecture du message coranique et la demande identitaire et linguistique amazighe ou glissement vers les thèses baathistes négatrices de la diversité ?

Idylle de résurrection de l’empire arabo-islamique dont beaucoup ont oublié qu’il était arabo-berbèro-islamique ?

Rêve total, pour ne pas dire totalitaire de façonner le peuple algérien, avec réduction de sa diversité culturelle et linguistique à une culture hedjazienne et à un arabe livresque ?

Confusion inconsciente du mouvement amazigh entre la légitime renaissance de l’amazighité sur son sol et la négation du produit très amazigh de plusieurs siècles d’usage de la langue arabe ?

Francophonie, pour ne pas dire francophilie, sous couvert de la défense de la langue amazighe comme se mettent à nous accuser parfois nos adversaires les plus virulents ?

Les historiens, les plus légitimes à le faire, mettront un jour au clair les motivations, les causes et les effets de ce face à face qui a malheureusement tourné, à plusieurs reprises, à l’affrontement physique comme en 1976 avec les étudiants proches de Kateb Yacine, en 1980 avec la prise en tenaille des militants de l’amazighité à Alger dans une répression policière féroce renforcée par les islamistes et les groupes baathistes, ou encore en novembre 1982 lorsque Kamel Amzal a payé de sa vie, par un bras islamiste, son engagement pour l’Algérie plurielle.

Je passe pour la suite des événements dans lesquels les algériennes et algériens n’ont jamais pu voir converger nos deux courants ne serait-ce que pour la nécessité de la sauvegarde de la nation des périls qui la menacent, de la corruption, de la construction d’un Etat de droit, du combat pacifique et non violent. Les rares tentatives ont subis des échecs rapides.

Il y a eu pourtant des moments exceptionnels dans l’Histoire de notre chère Algérie à retenir où, en 2002, les députés du courant islamiste ont voté comme un seul homme au côté de ceux du pouvoir, le statut national pour la langue autochtone et ancestrale qui est Tamazight.

Tout récemment, le 26 novembre à l’APN, vous avez refait preuve de la même lucidité en votant pour l’amendement déposé par Mme. Chouitem, députée du PT, en faveur de la généralisation et de l’obligation de l’enseignement de la langue Tamazight.

Hélas Monsieur le président, le message clair et responsable de votre parti a été lourdement parasité par de regrettables faits les 11, 12, 13 décembre à Bouira.

Des étudiants de l’UGEL, une organisation proche de votre parti et membre de votre courant a prêté main forte aux organisations satellites du régime contre des étudiantes et des étudiants qui exprimaient pacifiquement leur colère quant au rejet de l’amendement que vous avez, vous même, soutenu à l’APN !

Il fallait de la conviction et de la prévision pour soutenir une démarche qui va dans le sens de l’algérianité et qui se détache des calcules étroits.

Mettre en concurrence deux causes légitimes, l’une démocratique (Tamazight), l’autre de décolonisation (El Qods), n’est pas seulement une erreur, mais une faute politique de la part de l’UGEL. Une faute qui peut renforcer la démarche des séparatistes en interne, et des artisans du chaos mondial en externe.

Cette situation grave risque d’installer, dans une ville cosmopolite jusqu’ici model de vivre ensemble, un malaise propice à toutes les manipulations de la part d’un régime à l’agonie et d’aventuriers voués à la stratégie du pire.

Elle peut se propager ailleurs avec toutes les conséquences néfastes que vous pouvez imaginer.

A votre corps défendant, votre responsabilité est entièrement engagée et les citoyens de la wilaya de Bouira, comme ceux de toute l’Algérie attendent de vous une décision qui va dans le sens de l’apaisement.

Dans l’espoir de voir mon message de paix entendu, agréer Monsieur le président ma parfaite considération.

 

Auteur
Brahim Tazaghart

 




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