Michał Zichlarz, auteur d’un récit sur le parcours de Stefan Żywotko, nous a accordé un entretien dans lequel il revient sur ce formidable technicien du football qui a rendu beaucoup de services à la JSK.
Michał Zichlarz est journaliste sportif polonais depuis 1998. En 2010, il a écrit son premier livre « Afryka gola! »(le gol africain) qui porte sur le football africain. Je l’ai recontré pour la première fois le 21 juin 2019 à Szeczin, en Pologne, à l’occasion d’un entretien que j’avais fait avec l’ancien entraîneur de la JS Kabylie Stefan Żywotko. Ce jour-là, Zichlarz m’a informé qu’il était entrain de travailler sur un long récit sur la vie et la biographie de Żywotko. Je lui ai promis de l’interviewer dès que son livre soit prêt. En octobre 2021, soit deux ans plus tard, Zichlarz m’a filé la nouvelle de la parution de son livre « Stefan Żywotko, de Lviv au championnat d’Afrique », qui était déjà disponible dans les librairies en Pologne. Ce récit qu’il avait commencé depuis plus de 15 ans, est son quatrième livre. Dans cet entretien, Zichlarz revient sur ses premières rencontres avec Stefan Żywotko, ses motivations pour écrire sa biographie et ses rencontres avec les anciens joueurs de la JSK en Algérie.
Le Matin d’Algérie: Comment l’idée vous est venue pour écrire un livre sur Stefan Żywotko ?
Michał Zichlarz: Cela remonte à preque 17 ans, quand j’ai assisté à la Coupe d’Afrique des nations en 2004, en Tunisie. À ce moment-là, l’équipe d’Algérie séjournait dans la ville de Sousse où elle jouait ses matchs. J’ai alors rencontré plusieurs journalistes algériens qui étaient venus couvrir la compétition et j’ai beaucoup échangé avec eux. C’était donc le début! J’ai appris beaucoup de choses sur la JS Kabylie, l’équipe nationale d’Algérie et davantage de détails sur le forum du foot dans votre pays. Cela m’a motivé à m’intéresser de plus en plus au sport africain et assister à trois autres coupes d’Afrique de nations. Par la suite, j’ai pu visiter l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Nigeria et d’autres pays.
En 2012, j’ai assisté à la finale de la ligue des champions de la CAF en Egypte et j’ai pu rencontrer de nouvelles personnes et journalistes. À vrai dire, je partage avec Żywotko l’amour de l’Afrique et des peuples africains. Ça fait partie de sa vie et tout cela avait commencé en Kabylie, en Algérie, un pays qu’il porte à jamais dans son cœur.
Quand j’ai commencé à rédiger mon livre en 2017, j’ai dû me déplacer deux fois à la ville de Czeczine, où réside Stefan Żywotko, pour l’interviewer et lui demander davantage d’informations sur son parcours. Cette ville se trouve à presque 500 kilomètres de mon lieu de résidence. Lors de mes visites, j’ai parlé non seulement avec Stefan mais aussi avec les membres de sa famille dont certains étaient des anciens footballeurs à Czeczine.
Je souligne que Żywotko est aussi considéré comme légende à Szczecin, grâce à sa contribution à la qualification de deux clubs de football: Arkonia Szczecin en 1961 et Pogon Szczecin, puis Arka Gdynia en 1976, un autre club évoluant dans le nord de la Pologne. L’ancienne génération se souvient bien de lui, mais je dirais que ce n’est pas au même titre qu’en Kabylie. La situation sanitaire reliée au covid-19 a retardé les procédures de trouver un éditeur pour publier mon livre, et j’avoue que ça n’a pas été facile. Enfin, je suis content d’avoir pu trouver un éditeur à Czeczine qui était intéressé par le contenu de mon livre et a décidé de le publier en août 2021. Mon livre est maintenant disponible dans les bibliothèques en Pologne.
Le Matin d’Algérie: Vous avez mentionné votre visite en Algérie. Pouvez-vous nous parler un peu de cette visite ?
Michał Zichlarz: (en souriant) Au début, j’avoue que c’était difficile notamment quand on m’a refusé ma première demande de visa. J’ai dû acheter un autre billet et refaire ma demande. Enfin, j’ai eu mon visa et pu aller en Algérie en avril 2018. J’y ai passé une semaine et reçu de l’aide de certains amis journalistes algériens que j’avais rencontrés pour la première fois en 2014. Grâce à eux, nous avons pu rencontrer plusieurs anciens joueurs algériens comme Rabah Madjer, Djamel Menad.
De plus, j’ai pu assister à une rencontre à Tizi Ouzou dans le cadre d’un match de championnat entre la JSK et le Mouloudia d’Alger. C’était vraiment un sentiment exceptionnel de visiter la Kabylie, la région où Żywotko avait vécu. Et pour l’anecdote, quand je suis revenu en Pologne, j’ai raconté à Żywotko que j’avais vu un match contre le mouloudia d’Alger, il était bouleversé et plongeait toute de suite dans ses souvenirs. À vrai dire, il n’a jamais oublié les derbies contre le Mouloudia, un club qu’il considère comme le plus grand adversaire pendant la fin des années 1970s et les années 1980s. Pour cela, j’étais très content d’avoir pu assister à ce match, même s’il y avait malheureusement beaucoup de joueurs blessés. C’était une rencontre intense mais importante pour moi, car elle m’a permis de ressentir ce que Żywotko avait senti il y a trente ans.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les principaux chapitres que vous avez évoqués dans votre livre ?
Michał Zichlarz: Il y a trois chapitres dans mon livre. Dans le premier j’ai raconté l’enfance de Żywotko (né en 1920) dans la ville de Lviv qui faisait partie à l’époque de la Pologne (aujourd’hui, elle fait partie de l’Ukraine). Lviv était une ville très dynamique et pleine de clubs de football. Żywotko a commencé sa carrière footballistique comme joueur dans un petit club de LKS Zniesienczanks Zniesienie, puis, comme entraîneur de Czarni Lwów. C’était une belle période pour Żywotko et nostalgique, mais enveloppée par les souvenirs de la seconde guerre mondiale.
Il avait perdu beaucoup d’amis footballeurs lors de cette guerre, tués soit par l’armée soviétique ou l’armée allemande. Le deuxième chapitre dans le livre raconte la vie de Żywotko dans la ville de Czeczine après la deuxième guerre mondiale. Le troisième et le dernier chapitre est le plus important pour moi car il retrace le parcours de Żywotko en Algérie tout au long des quatorze ans qu’il avait passés à Tizi Ouzou. C’était un parcours plein de succès: deux coupes d’Afrique, septs championnats, des coupes d’Algérie et une super coupe. Avec un tel palmarès si riche, Żywotko est considéré aujourd’hui comme l’ entraîneur polonais le plus titré hors de la Pologne (entraînement des clubs). Pour tout cela donc que j’ai jugé très important d’immortaliser le parcours de Żywotko pour qu’il soit connu même ici en Pologne.
Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous vécu vos rencontres avec Żywotko lors de la préparation de votre récit ?
Michał Zichlarz: Aujourd’hui Żywotko se sent complètement lié non seulement à la famille de la JSK mais plutôt à toute la Kabylie. Je peux vous confirmer cela en sachant que ses anciens joueurs sont en toujours contact avec lui, et pour ne citer que Mourad Amara, Bouiche Nacer et Djamel Menad qui le téléphone souvent pour demander de ses nouvelles, notamment avec l’avancement de son âge son état de santé. Żywotko va avoir 102 ans en janvier 2022 et c’est vraiment génial.
J’ajoute que que Żywotko a pu rester en Algérie toutes ces années grâce à son amour de la région, l’amour de ses citoyens, et des traditions en Kabylie. Il était amoureux de tout cet ensemble et cet accueil, et c’est cela qui l’avait encouragé à y rester longtemps. Il faut dire que c’est vraiment rare d’entraîner un club pendant quatorze ans. Après avoir quitté la JSK en 1991, il est resté fidèle au club en suivant ses résultats. Il voyait souvent la télévision algérienne et suivait son actualité, les nouvelles de ses anciens joueurs et n’hésitait pas à émettre des commentaires sur ce qu’il entend de son ancien club. En le côtoyant, en passant du temps avec lui, j’avoue que j’étais impressionné et j’ai appris beaucoup de choses sur la JSK.
À chaque fois qu’il me raconte sur un événement, je vérifie les informations et essaye toujours de revivre ses souvenirs à travers mon récit.
Le Matin d’Algérie: Maintenant que votre livre est prêt. Estimez-vous que c’est nécessaire qu’il soit aussi lu par le public algérien ?
Michał Zichlarz: C’est une question pertinente ! En effet, le public algérien est important pour moi mais il faut aussi soulever le problème de la langue. Mon livre a besoin d’être traduit en français pour qu’il soit lu par les Algériens et tous ceux qui aiment Żywotko. Par exemple, c’est coûteux de traduire un livre du polonais en français. J’ai même demandé un devis auprès d’une agence de traduction et on m’a informé ça coûterait cinq mille euros environ. Ce serait quand même un bon projet à l’avenir pour immortaliser ce grand entraîneur, car les lecteurs vont découvrir des choses intéressantes et inconnues sur son parcours, non seulement en Algérie mais aussi en Pologne. J’espère vraiment pouvoir réaliser ce rêve un jour.
Le Matin d’Algérie : un dernier mot pour les fans de Żywotko en Algérie.
Michał Zichlarz : Pendant mes conversation téléphoniques et mes rencontres avec Żywotko chez lui, à Czeczine, il me demandait souvent des nouvelles sur l’actualité de la JSK et comment les choses se passent dans ce club. Il était un peu déçu que la dynamique du club n’a pas été la même pendant les dernières années, notamment avec le recul des résultats. Son message aux supporters était toujours celui-ci: « Rester fidèles au club ». Il croyait toujours à la JSK et était optimiste quant à son avenir. Je dirais donc la même chose à tous les supporteurs de la JSK.
Entretien réalisé par Hamza Amarouche