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Ministre de la Justice : Il n’y a pas de « prisonniers d’opinion » en Algérie !

Le ministre de la Justice, Lotfi Boujemaa, n’a pas froid aux yeux. Il a affirmé, mardi, qu’il n’hésitera pas à appliquer la loi contre toute personne exploitant les réseaux sociaux pour nuire à l’État algérien ou à ses institutions. Dire qu’il y a quelque 240 Algériennes et Algériens détenus arbitrairement serait donc nuire à l’Etat algérien ou à l’oligarchie qui le dirige ?

Plus c’est gros mieux ça passe ! Répondant aux « préoccupations » des députés au Parlement, il a insisté sur le fait que l’Algérie ne s’est pas construite sur « des insultes et des calomnies », mettant en garde contre toute atteinte aux institutions sous couvert de liberté d’expression.

Il a dénoncé la propagation de contenus diffamatoires sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, affirmant que l’honneur des citoyens est régulièrement bafoué en ligne. Face à ces actes, le ministre promet une application stricte de la loi, sans « place pour la tolérance ». 

Le ministre Boudjemaa est dans son rôle, il défend son rond de cuire et ses privilèges. Il mélange sciemment tout : la vérité et l’insulte, les prisonniers politiques et les délinquants que Tebboune libère en milliers à chaque occasion. Et les ONG de défense des droits humains, les partis et la presse sont aussi dans le leur. Celui de pointer les dépassements et les lieux où s’exerce l’arbitraire. Voire l’innommable.

Un discours officiel en contradiction avec les critiques des défenseurs des droits humains

Cependant, ces déclarations interviennent dans un contexte où de nombreuses organisations de défense des droits humains et l’opposition dénoncent une répression accrue contre les voix critiques en Algérie. Malgré les affirmations du ministre, Amnesty International, Human Right Watch, Riposte Internationale et plusieurs partis politiques d’opposition estiment que la liberté d’expression est de plus en plus restreinte dans le pays, et que des activistes, journalistes et opposants politiques sont poursuivis sous des accusations fallacieuses. Des dossiers vides.

Lotfi Boujemaa a nié catégoriquement l’existence de « prisonniers d’opinion » en Algérie, affirmant que la justice traite chaque dossier selon la loi en vigueur. Irrité, il a qualifié d’« allégations mensongères » les critiques faisant état d’une répression judiciaire ciblant des militants et des journalistes.

Selon ce ministre grand chevalier de la justice intransigeante, ces accusations sont propagées par des « ennemis de la nation » cherchant à ternir l’image du pays. Ne lui en déplaise, il y a bien quelque 240 prisonniers d’opinion. Et un nombre difficile à déterminer de citoyens victimes d’interdictions de quitter le territoire national sans jugement.

Or, plusieurs affaires récentes mettent en doute cette version officielle. Des militants du Hirak, des journalistes et des figures de l’opposition ont été arrêtés et condamnés pour des publications sur les réseaux sociaux ou pour des déclarations publiques critiques envers le gouvernement. Et rien d’autres. Ils ont juste émis des opinions qui tranchent avec la propagande officielle.

Pour les organisations internationales, ces poursuites sont une violation du droit fondamental à la liberté d’expression et vont à l’encontre des engagements de l’Algérie en matière de droits humains.

Liberté d’expression : un droit garanti, mais sous conditions

Le ministre a réaffirmé que la liberté d’expression est garantie en Algérie, mais a précisé qu’elle doit respecter des « limites morales ». Il a insisté sur le fait que la législation protège les citoyens sans restreindre leurs libertés. Cependant, l’opposition politique et la société civile autonome dénoncent l’ambiguïté de ces « limites morales », qui seraient utilisées pour justifier des restrictions arbitraires et des poursuites sélectives.

Dans un pays où les manifestations et les discours critiques sont régulièrement réprimés, de nombreux observateurs considèrent que l’appel du ministre à un « débat public respectueux » masque en réalité un contrôle renforcé de l’expression politique et médiatique.

Samia Naït Iqbal

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