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Mme Lila Somé : « Aux jeunes qui doutent, il n’est jamais trop tard pour rebondir »

Mme Lila Somé,

À l’occasion du Festival Vivacité, grand rendez-vous marseillais dédié à la vie associative et citoyenne, nous avons rencontré Mme Lila Somé, la directrice de l’École de la Deuxième Chance (E2C) de Marseille et son équipe. Cet festival a permis de mettre en lumière des initiatives porteuses d’espoir pour la jeunesse.

L’E2C Marseille, véritable tremplin pour les jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, leur offre une seconde chance d’apprendre, de se former et de s’insérer dans le monde professionnel. Rencontre avec Mme Lila Somé.

Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous présenter l’E2C Marseille et ses missions principales ?

Mme Lila Somé : L’École de la 2e Chance (E2C) Marseille est un dispositif innovant d’insertion socio-professionnelle qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification. Notre mission principale est de les accompagner dans la construction de leur projet professionnel, et de les aider à accéder à un emploi ou à une formation qualifiante. L’E2C repose sur une pédagogie individualisée, basée sur l’approche par compétences et le lien avec le monde de l’entreprise.

Le Matin d’Algérie : Depuis combien de temps l’E2C existe-t-elle à Marseille et quels ont été ses principaux succès ?

Mme Lila Somé : L’E2C Marseille a été créée en 1998, 1er établissement amené à fédérer un réseau comptant désormais 146 sites-écoles répartis dans toute la France et les territoires d’outre-mer. Depuis plus de 25 ans, nous avons accompagné des milliers de jeunes vers une insertion sociale et professionnelle durable. Nos principaux succès, ce sont avant tout les parcours réussis de nos anciens participants : aujourd’hui près de 60 % d’entre eux accèdent à l’emploi ou à une formation qualifiante à l’issue de leur passage chez nous. Nous sommes aussi fiers des partenariats solides que nous avons construits avec les entreprises locales. En 2019, forts de ces succès, nous avons ouvert un 2ème site sur Marseille afin de mener notre action plus efficacement dans les quartiers sud de la ville.

Le Matin d’Algérie : Quels profils de jeunes peuvent bénéficier de votre programme et comment les sélectionnez-vous ?

Mme Lila Somé : Notre programme s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, sans diplôme ou qualification, sortis du système scolaire ou professionnel et en cumul de vulnérabilités. Il faut également que le jeune ait un justificatif d’identité en cours de validité. La sélection se fait essentiellement sur la base de la motivation. Après une réunion d’information collective, chaque jeune bénéficie d’un entretien individuel afin de préciser son projet et ses attentes. Ce que nous recherchons, c’est une envie de s’en sortir et de construire un projet même s’il n’est pas encore clairement défini.

Le Matin d’Algérie : En quoi consiste exactement la formation tremplin proposée par l’E2C ?

Mme Lila Somé : La formation tremplin de l’E2C est un parcours individualisé d’environ 6 mois (en fonction du besoin du jeune), qui alterne des périodes en centre de formation et des stages en entreprise. Le dispositif est gratuit et rémunéré grâce au soutien de la Région SUD. L’objectif est de permettre au jeune de définir un projet professionnel réaliste, d’acquérir des compétences de base et de développer son savoir-être en entreprise. Chaque parcours est unique, construit en fonction des besoins et des objectifs du jeune.

Le Matin d’Algérie : Comment accompagnez-vous les jeunes dans la définition et la réalisation de leur projet professionnel ?

Mme Lila Somé : Chaque jeune est suivi par un formateur-référent qui l’accompagne tout au long du parcours. Ensemble, ils travaillent à identifier les centres d’intérêt, les compétences, et les opportunités professionnelles possibles. Les stages en entreprise permettent d’explorer plusieurs métiers. Des ateliers de coaching, des rencontres avec des professionnels, et des immersions aident aussi à affiner et valider le projet professionnel.

Le Matin d’Algérie : Quels types de stages ou d’alternances sont proposés aux participants et comment sont-ils choisis ?

Mme Lila Somé : Les stages sont choisis en fonction du projet professionnel du jeune, ou parfois pour lui faire découvrir un secteur qu’il ou elle ne connaît pas encore. Nous avons des partenariats dans des domaines très variés : commerce, bâtiment, restauration, aide à la personne, numérique, etc. Les jeunes que nous accueillons ont le statut de stagiaire de la formation professionnelle et ont donc vocation à développer leurs compétences sur le terrain, en entreprise. Nous préparons les jeunes à cela.

Le Matin d’Algérie : Comment l’E2C prépare-t-elle les jeunes à monter en compétences dans leur domaine choisi ?

Mme Lila Somé : Nous travaillons sur les compétences fondamentales (français, mathématiques, numérique), mais aussi sur les compétences transversales : ponctualité, communication, esprit d’équipe, confiance en soi… Le jeune peut aussi suivre des modules spécifiques à son projet (prépa métiers, certifications, ateliers techniques…). Le contact avec l’entreprise est central, car c’est en situation réelle que les compétences prennent tout leur sens.

Le Matin d’Algérie : Quels soutiens ou encadrements sont proposés tout au long du parcours pour assurer la réussite des participants ?

Mme Lila Somé : Chaque jeune bénéficie d’un accompagnement individualisé avec un formateur référent, mais aussi d’un encadrement global : accompagnement social, aide à la mobilité, soutien psychologique si besoin, mise à disposition d’outils numériques. Notre équipe pluridisciplinaire est très engagée. Nous travaillons également avec un réseau de partenaires pour lever certains freins périphériques à l’insertion.

Le Matin d’Algérie : Quels sont les principaux débouchés pour les jeunes après leur passage à l’E2C Marseille ?

Mme Lila Somé : À la sortie, les jeunes peuvent intégrer une formation qualifiante (21% en 2024) ou accéder directement à un emploi (20% en 2024). Certains créent même leur propre activité. L’important, c’est que chacun sorte avec un projet solide et réaliste, adapté à ses envies et à son potentiel. Nous assurons également un suivi post-parcours pendant plusieurs mois pour sécuriser les suites.

Le Matin d’Algérie : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux lecteurs du Matin d’Algérie, notamment aux jeunes qui hésitent encore à rejoindre votre programme ?

Mme Lila Somé : À tous les jeunes qui doutent, je voudrais dire ceci : il n’est jamais trop tard pour rebondir. L’E2C Marseille est un lieu où vous êtes accueillis sans jugement, où on croit en vous mêmes si vous avez décroché. Vous n’êtes pas seuls. Si vous avez envie de vous construire un avenir, même sans diplôme, vous êtes les bienvenus. Osez faire le premier pas, le reste, on le construira ensemble.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

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