À ceux qui disent que l’Algérie ne peut se rassembler autour d’un homme (*), qu’ils se remémorent les six mois d’osmose entre les Algériens et Boudiaf. Oui, l’Algérie peut se rassembler autour d’un homme, si tant est que cet homme soit issu du peuple auquel il s’identifierait en protecteur bienveillant et non en ennemi intolérant !
L’Algérie est encore une fois dans une impasse. Une période de glaciation inédite. Trouver un Boudiaf, s’il en existe encore, et lui confier notre destin est l’unique espoir qui reste à l’Algérie.
En à peine six mois, ce véritable révolutionnaire a su s’imposer comme un dirigeant en lequel le pays tout entier se reconnaissait. Mais Boudiaf gênait les intérêts de la machine à piller !
Trente ans ! Trente ans déjà depuis cet instant maudit où une crapule embusquée aux ordres de ses maîtres, ces lâches qui écrivent l’histoire à l’encre rouge sang, a mis fin à ta vie, emportant, dans ce geste ignoble, tant de rêves et d’espoirs qu’en quelques mois tu as su redonner à ton peuple désabusé par des charognards aux commandes depuis 1962.
Trente ans que, nous tous, tes enfants, sommes orphelins et attendons impatiemment un père d’adoption, un père de ta stature. Mais en existe-t-il encore dans ce pays rongé par une médiocratie abjecte qui propulse les cancres aux sommets et pousse les meilleurs à l’exil ou les met en prison ?
Trente ans, et cette interrogation qui ne cesse de hanter mon esprit, depuis cette phrase inachevée : « En quoi donc les pays développés nous dépassent-ils ? Ils nous dépassent d’une chose, la science, « wa el-islam … » (et l’islam…) » Que des balles assassines sorties d’un engin que le génie de cette science a créé et que des mains d’imbéciles ont utilisé pour couper court à ton discours.
Ce paradoxe entre le génie créateur et le démon destructeur est là pour mieux narguer tout le sens que tu réservais à ton message, avec cette question qui me hante chaque jour depuis ton exécution : que voulais-tu donc nous dire Boudiaf ? Quelle suite logique donner à cette phrase incomplète ?
– Wa el-islam bi tekthir, yehdi illa te’ekhir (Un islam en surdose ne peut mener qu’à une régression inféconde) ?
– Wa el-islam fi yadi essanafir yehdi illa tenkir (L’islam, entre les mains de ces Schtroumpfs, n’incitera qu’à la négation) ?
– Wa el-islam laïssa dhad el-îlm (Mais l’Islam n’est pas contraire au savoir) ?
– Wa el-islam yetlub minna el-îlm (Et l’islam nous encourage à la connaissance) ? ….
Autant de réponses naïves, à la mesure de ta simplicité, qui pourraient constituer le chaînon manquant au puzzle de ce message de tolérance que tu as su répandre en quelques discours dans cette langue du terroir qu’une bonne partie des Algériens comprend. Celle modelée par une mixtion de nos racines ancestrales que ces illuminés aux commandes s’échinent, depuis plus d’un demi-siècle, à remplacer par un arabe nucléaire venu d’ailleurs. Comme pour mieux nous convaincre de l’attribut divin de leur pouvoir et perpétuer ainsi le décalage entre leur savoir et notre ignorance pour nous asservir, nous piller, et violer notre innocence sans état d’âme ; avec notre propre bénédiction, nous imposent-ils de croire.
Repose en paix Boudiaf ! Trente ans après, l’Algérie te pleure en silence. Te pleurer au grand jour nous est interdit par nos maîtres. Ils verraient là une offense à leur illégitimité. L’Algérie est orpheline depuis ce jour maudit du 29 juin 1992, mais ton message restera à jamais gravé dans la mémoire collective de ce peuple qui te chérissait tant. Nos traditions orales sauront le perpétuer et le sauvegarder jusqu’au jour où, en ton nom, nous retrouverons notre dignité confisquée elle aussi …Le jour où couleront de nouveau dans nos veines asséchées par la souffrance les gènes de ces « R’djel », de ces « Irgazen » qui ont libéré la terre d’Algérie, et que des charognards venus d’ailleurs ont envahi pour nous déposséder de nos vergers.
Kacem Madani
(*) Voir le discours de Sofiane Djilali au deuxième congrès de Jil Jadid, samedi 25 juin, dans lequel il brosse le portrait d’une « Algérie nouvelle » qui ignore les hommes pour être remplacée par celle des concepts !? C’est donc une Algérie version smartphone que nous propose Sofiane Djilali !? Voilà à quoi sont réduits les hommes politiques qui se contentent d’occuper des strapontins dans la « nouvelle Algérie » : élaborer des algorithmes pour un peuple qu’ils rêvent de transformer en entité virtuelle pour le manipuler davantage.
L'espoir assassiné.
La dernière phrase de Mohamed #Boudiaf, un certain 29 juin 1992 avant d'être assassiné, au palais de la culture de Annaba : "Bach Fatouna… Fatouna Bel l'3ilm…. Wa din ntaa El Islam …."
Qu'il repose en paix.#Algérie pic.twitter.com/oDknaDiKFH— Inal Ahmed Boukhalfa 🍀 بوخالفة أحمد إينال (@Inal_Boukhalfa) June 28, 2022