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Mohammed Dib en Finlande (II)

De l’originalité des chemins vers l’autre parole

Mohammed Dib en Finlande (II)

L’exil et le mal du pays, un chagrin silencieux…

En avril 2013, j’ai rencontré à Tartu l’écrivain estonien Jaan Kaplinski, qui a traduit en estonien Mouloud Feraoun et Bachir Hadj Ali, et il m’a raconté ses rencontres avec Mohammed Dib à Strasbourg et puis à Lisbonne, et cela pendant le lancement du Parlement International des écrivains en 1994.

 »Après l’assassinat de Tahar Djaout en Algérie, il y avait par la suite l’idée de lancer cette instance qui protège les écrivains menacés. Ce parlement est né donc alors que l’Algérie passait de terribles moments. Pendant ces sessions de préparations, j’ai rencontré Mohammed Dib qui était aussi un membre fondateur du parlement’’, m’a-t-il dit.

Au moment où Mohammed Dib venait de publier la suite de sa trilogie nordique  »Le Sommeil d’Ève », en 1989, et  »Neiges de marbre », en 1990, l’Algérie était face à d’importants changements: une ouverture démocratique qui a mal tourné, et le pays sombrait dans une instabilité alimentée par le terrorisme. Bien qu’il était loin, il n’avait jamais cessé de penser à son pays, et il était triste pour le mal qui a frappé son peuple, raconte l’écrivain estonien.

Lire : Mohammed Dib en Finlande (I)

 »Il était très inquiet sur la situation sécuritaire dans son pays. Entouré de plusieurs autres écrivains pendant les rencontres du parlement, il parlait avec un ton doux, calme, et il véhicule des arguments lors de chaque discussion. Il me semblait comme un  »aristocrate », notamment que sa façon de parler se diffère de la nôtre ici en Estonie. Malheureusement je n’ai pas pu lire beaucoup de ses œuvres, mais son roman  »Été africain » a déjà été traduit en estonien en 1959, par Nelly Toiger. Cette dernière était spécialisée en philologie et traductrice en même temps », a-t-il-conclu. (2)

À son tour, la traductrice Natalia Baschmakoff m’a confié lors de notre rencontre en septembre 2013, que Mohammed Dib  »avait de bonnes relations professionnelles avec pas mal d’écrivains finlandais. On avait remarqué qu’il était émotionnellement attaché à la Finlande. Par exemple, il aimait beaucoup la nature et il s’en inspirait souvent. Quand il venait en été, il adorait notamment le solstice d’été. Il aimait tellement les nuits qui ressemblent au jour, notamment celles entre le 19 et le 25 juin. D’ailleurs, il était venu une fois pendant cette période. Il était toujours modeste, ponctuel, respectueux envers ses lecteurs et tous ceux qui viennent assister à ses rencontres littéraires » (3).

Certains critiques avancent que, vers la fin des années 1970 et les années 1980, la Finlande a influencé la littérature de Dib, et cela a laissé un impact y compris sur son caractère. Probablement  »faire l’expérience de la raréfaction des choses et des êtres’’ est bien interprété dans sa trilogie nordique. D’autre part, il décrit lui-même cette influence comme une  »sorte de revanche », et d’expédition littéraire par rapport à ce  »qu’on a auparavant écrit dans le nord sur les sociétés du sud ».

 »Je pense que la façon comment que je vois les peuples  »nordiques » dans mes romans est très importante pour la culture de mon pays. Quand nous étions colonisés, la littérature  »colonialiste » a permis aux écrivains européens de venir explorer nos  »sociétés du sud » avec leur regard nordique, européen, froid et arrogant. Ce que je fais aujourd’hui, c’est donc comme une  »revanche ». Car maintenant je présente les peuples nordiques dans mes romans, à ma propre façon, comme étant un écrivain venant du sud » (4).

En outre, vu qu’il était discret, il est essentiel de mentionner que les séjours de Dib en Finlande se sont quasiment passés dans le calme et la méditation. Mohammed Dib était d’une discrétion proverbiale, selon plusieurs témoins. Il était là pour contempler, et essayer de  »découvrir l’originalité de ses chemins », en se mettant  »à l’écoute de l’autre parole », il a embrassé une terre qui l’a tellement inspiré, justement, pour retrouver son  »originalité restaurée », et explorer profondément son  »patrimoine culturel’’ perdu tout au long des années.

Enfin, en plus de tous les coins où il se rendait pour rencontrer ses amis, Sea Horse, connu familièrement sous le nom Sikala, est considéré parmi les endroits préférés que Dib avait fréquenté lors de ses séjours en Finlande. C’est un restaurant à Helsinki, fondé en 1934, et depuis sa fondation,  »il a prêté attention à la culture traditionnelle du restaurant finlandais ». Parmi les anciens autres clients célèbres de ce restaurant figurent: le poète Pablo Neruda, le philosophe Jean-Paul Sartre et le musicien de jazz Dizzy Gillespie.
 

H. A.

Renvoi:

1- Djamel Ghellab, lecture du recueil ’’Ombre gardienne’’ DE Mohamed Dib, paru le 6.8.2008 sur Diwan El-Arab

2- Entretien avec Jaan Kaplinski, paru le 6.5.2013 dans le journal algérien En-Nasr

3- Entretien avec Natalia Baschmakoff, paru le 23.9.2013 dans le journal algérien En-Nasr

4- Retour au père du roman maghrébin. Mohammed Dib: l’dentité restaurée, article de Atmane Tazaghart, paru le 3.5.2014 sur El-Akhbar.

 

Auteur
Hamza Amarouche, de Helsinki

 




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