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Mohammed VI, ses VRP, Emmanuel Macron et l’Algérie

Macron Tebboune

Entre Tebboune et Macron, deux Etats aux passés et stratégies bien trop éloignées

Entre Rabat et Paris, les relations diplomatiques ont souvent évolué  au rythme de « Je t’aime, moi non plus », la ritournelle si bien chantée par le duo Serge Gainsburg et Jane Birkine. 

Un paradoxe qui traduit le dialogue ambiguë et contradictoire entre les deux pays, qui, souvent, se cherchent autant qu’ils se fuient et se repoussent pour finir par se retrouver. 

Dans ce charivari sur fond de chassé-croisé diplomatique, lesté d’un lourd contentieux politico-historique et d’intérêts  économiques, l’Algérie n’est jamais loin.

Comme nous le démontre l’actualité des relations entre Paris et Rabat, d’une part et entre Paris  et Alger, de l’autre. On nous dit que cette relation commence entre Paris et Alger et finit toujours entre Rabat et Paris. Pour l’heure, le déplacement surprise du curseur diplomatique français vers le Maroc le démontre bien.

Où sont passées toutes les déclarations ronflantes de Macron et Tebboune sur les relations exceptionnelles entre les deux pays ? Que s’est-il passé pour en arriver à cette énième crise en plein été ? La diplomatie algérienne a fait montre d’un manque flagrant d’anticipation et de clairvoyance au moment où Rabat a déployé ses missi domici pour ramener l’imprévisible Macron à de meilleurs sentiments.

Ces relations passionnelles et tumultueuses entre l’ancienne puissance coloniale et ses deux voisins de la rive sud de la Méditerranée ont constitué la substance de l’enquête du quotidien français Liberation, dans son édition du mardi 30 juillet 2024.  

« Entre Macron et Mohammed VI, le froid et le Maroc » est le titre du papier qui explique comment les rapports entre les deux  chefs d’État  s’étaient mal embrayés dès l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir, en 2017. La raison ? Les préférences algériennes du président français et sa main tendue pour construire des relations apaisées entre la France et don ancienne colonie.

« Depuis l’accession au pouvoir du président français, focalisé à ses débuts sur l’Algérie et indifférent aux us de la monarchie  chérifienne, les relations avec le royaume se sont tendues, jusqu’à se glacer au moment de l’affaire Pegasus, et la révélation de la mise sur écoute d’Emmanuel Macron. Une amélioration semble en cours, alors que le souverain fête mardi (30 juillet 2024, ndlr) ses 25 ans de règne », écrit Sophie des Déserts de Libération.

Des lors, expliquera la journaliste, M6 mettra en route une stratégie de reconquête des espaces perdus au profit de l’Algérie. 

Il s’est attelé patiemment, avec subtilité, usant de malice et d’intrigues pour rétablir l’équilibre au profit des intérêts marocains. Le roi, âgé de 60 ans que son père, Hassan II, avait confié, avant sa mort, aux bons soins du président Chirac, déploiera ses relais diplomatiques, ses VRP parisiens (une escouade de chanteurs, artistes, comédiens, bouffons, hommes d’affaires et politiciens influents au sein du sérail parisien, ses redoutables services secrets… afin de  débouter l’Algérie de ce que les Marocains considèrent comme leur pré-carré au sein de l’établissement hexagonal.

Le soft power ainsi mis en action par M6 finira par payer. Emmanuel Macron finit par lâcher Alger pour Rabat. Il reviendra à de meilleurs sentiments à l’égard du roi et de son pays. Sa lettre élogieuse au roi Mohammed VI a acté ce renouveau au prix de contorsions diplomatiques et de courbettes difficiles à imaginer il y a quelques mois. Résultats des courses, la France est désormais sur la même ligne avec le Maroc pour la résolution du conflit du Sahara occidental. Après plusieurs années d’hésitation, Emmanuel Macron reconnaîtra la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et plaidera pour le plan  de ces territoires préconisé par le Maroc pour la résolution du conflit qui dure depuis un demi-siècle. 

Le repositionnement du président français arrive alors même son gouvernement est intérimaire. Seul aux commandes, il fait prendre à la France un virage à 180°. Le choix du soutien au Maroc dans l’affaire du Sahara occidental n’est, bien sûr, pas fait pour plaire l’Algérie. Celle-ci fait de la question sahraouie l’alpha et l’oméga de sa diplomatie. La diplomatie algérienne a d’ailleurs réagi avant le Polisario à cette nouvelle position française. 

En réponse Tebboune a fait du Tebboune. Les autorités viennent de rappeler l’ambassadeur d’Algérie à Paris. Dans un sursaut de courage, elles menacent la France d’engager d’autres mesures punitives et de rétorsion. Mais, à un mois de la présidentielle, personne ne croit qu’Abdelmadjid Tebboune soit assez courageux pour aller à la confrontation avec la France. Le 7 septembre il sera « réélu ». Il avalera sa cravate, louvoiera pour arracher sa visite officielle à Paris. Il fera oublier le choix du Maroc par Macron, comme il l’a fait pour l’Espagne. Et la diplomatie algérienne reprendra son ronronnement et ses effets de manches sans lendemains.

En attendant qu’Alger se remette de ses émotions, Emmanuel Macron est invité par le roi Mohammed VI pour une visite officielle avant la fin de l’année. Coup double pour M6 : il a grillé la politesse à l’Algérie de Tebboune et fait plier Emmanuel Macron.

Samia Naït Iqbal

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