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Monder Boudène du RND ou la métaphore de « la pomme pourrie» !

Mounder Boudene

Mounder Boudene (RND). Crédit photo : DR

Quand la rhétorique politique abreuvée au populisme se perd dans les vergers des Aurès, la fierté nationale se mesure aux kg de pommes produits en Algérie.

À Batna, lors d’un meeting populaire marqué par des envolées lyriques et des métaphores champêtres, Monder Boudène, jeune chef du Rassemblement national démocratique (RND), a cru bon de bâtir son discours politique… autour d’une pomme. Pas n’importe laquelle : la pomme des Aurès, symbole, selon lui, de la souveraineté agricole retrouvée et de l’indépendance vis-à-vis des importations « étrangères ».

S’exprimant devant un public conquis, Boudene a vanté la réussite des agriculteurs locaux qui ont su, « par leur labeur et leur foi en la terre », transformer les vallées aurésiennes en vergers florissants. Jusque-là, rien d’extraordinaire : la fierté régionale et la promotion du produit local sont des thèmes récurrents dans le discours politique. Mais le chef du RND a franchi un pas de plus en conférant à la pomme aurésienne des attributs de souveraineté nationale. Il est même allé jusqu’à saluer la « libération du marché » de la dépendance à la… pomme française.

Une comparaison pour le moins audacieuse, voire cocasse, tant le fruit en question reste, dans les faits, un produit de luxe pour la majorité des Algériens. Sur les étals, la variété haut de gamme s’affiche à près de 800 dinars le kilo, et les gammes inférieures oscillent encore entre 300 et 500 dinars. Une souveraineté donc bien théorique, réservée à ceux qui peuvent encore se permettre de croquer dans la pomme nationale sans craindre de grever leur budget.

L’ironie du propos tient aussi à la charge symbolique qu’il porte : vouloir faire de la pomme un emblème d’indépendance économique dans un pays où l’autosuffisance alimentaire demeure un horizon lointain relève d’un certain décalage avec la réalité. En voulant illustrer la réussite du terroir, Monder Boudene a surtout révélé la facilité avec laquelle le discours politique algérien verse dans la fable, confondant communication et incantation.

À force de vouloir « nationaliser » la pomme, le RND en viendrait presque à oublier que les véritables racines du problème se trouvent moins dans les vergers que dans la gouvernance du secteur agricole lui-même. Et qu’à trop vouloir verdir son discours, on risque d’en oublier que, parfois, sous la belle peau rouge du fruit, se cache… une pomme un peu pourrie.

Samia Naït Iqbal

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