Monique Hervo, amie des Algériens et de la lutte pour l’indépendance, est décédée, lundi 20 mars 2023, à Nanterre (île de France), à l’âge de 94 ans.
Beaucoup de militants ont salué son engagement humaniste et sa défense de la cause des Algériens pendant et après la guerre qu’elle n’a pas cessé de dénoncer.
Rares sont les Français à avoir manifesté aux côtés des Algériens lors de la démonstration du 17 octobre 1961. Monique Hervo était de ceux-là. Découvrant les bidonvilles de Nanterre dans le cadre du Service civil international, elle prit fait et cause pour les habitants de ces espaces de relégation et lutta pour l’éradication de cet habitat indigne. Un combat qui la mena naturellement à la défense des droits des étrangers (*).
« Née en 1929, elle aura dédié sa vie à lutter contre le mal-logement et les conditions de vies imposés aux Algériens pendant et après la guerre d’Algérie.
C’est en 1959 que son destin se mêle inextricablement à celui de Nanterre. Venue au bidonville de la Folie en tant que membre du Service Civil international, elle choisira d’y rester douze ans. Dans un entretien donné à Emmanuel Blanchard, elle déclare : « Il faut se représenter que le bidonville de la Folie, à Nanterre, le premier dans lequel je suis allée, c’était un espace désertique. Il n’y avait rien. Au loin, des HLM. Mais tout autour c’était vide. Et aucun Français ne rentrait dans cette ville… À l’époque, il y avait 8000 à 10000 personnes, des familles et des célibataires. En fait, c’était une ville dans la ville, et quand j’y allais j’avais l’impression de sauter d’un continent à un autre. Quand il arrivait, le dimanche, que quelques Français ne passent pas très loin, ils restaient au large ! Tout se passait comme si du fil de fer barbelé entourait le bidonville. C’était un espace fermé au monde extérieur ! Ça fait une impression terrible parce que vous sentez bien qu’il y a un rejet total. Eux ne comprenaient pas cette indifférence puisqu’ils venaient d’une culture ancestrale fondée sur l’hospitalité. Les femmes disaient : « Nous, on aimerait bien que des Français viennent, on n’attend que ça ! » (*)
Pendant plus d’une décennie, elle y aidera les familles dans leurs démarches administratives. Elle créera une coopérative de matériaux et d’outillage pour les aider à améliorer leur habitat. Elle notera, photographiera et enregistrera les vies de celles et de ceux dont elle partagera le quotidien.
Monique Hervo fut l’une des très rares françaises à manifester le 17octobre1961; elle habitait alors le bidonville La Folie à Nanterre où elle avait été témoin de la terreur policière exercée quotidiennement sur les Algériens par la police. Son engagement militant ne s’arrêtera en effet pas au bidonville de la Folie.
Le 17 octobre 1961, elle se joint à celles et ceux qui protestent contre le couvre-feu instauré par le préfet de police et observe la répression sanglante de cette manifestation pourtant pacifique. Plus tard, en 1999, elle en témoignera devant la justice, pendant le procès intenté par Maurice Papon à l’historien Jean-Luc Einaudi », témoignera le maire de Nanterre, Patrick Jarry sur sa page Facebook.
Dans ses livres, elle témoigna de la souffrance des Algériens qui vivaient dans le bidonville de la Folie, à Nanterre avec Marie-Ange Charras, dans un livre intitulé «Bidonvilles: l’enlisement », publié en 1971 et dans « Chroniques du bidonville: Nanterre en guerre d’Algérie, 1959-1962 », éditions du Seuil, Paris, 2001.
Monique Hervo était connue pour avoir défendu, en tant qu’avocate du barreau de Paris, des habitants des bidonvilles puis leurs parents militants au sein de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN).
« L’Algérie a perdu l’une des femmes militantes pétries des nobles valeurs humaines et principes suprêmes de libération. La regrettée est un modèle à suivre dans son amour pour l’Algérie et son peuple à travers son soutien, avec courage, de la justesse de la cause du peuple algérien et de sa lutte pour la liberté et l’indépendance», a estimé le ministre des moudjahidine, rapporte l’APS.
La défunte a obtenu la nationalité algérienne en 2018, selon un décret présidentiel publié sur Journal officiel d’Algérie n°73, 2018.
Conformément à ses souhaits, sa dépouille sera inhumée au cimetière El Alia à Alger.
Samia Naït Iqbal
(*) Article extrait du Plein droit n° 91, décembre 2011
« Les bureaux de l’immigration »