Site icon Le Matin d'Algérie

« Monzami » : Dehbia (15)

Valise
Image par Ilo de Pixabay

Les heures passent. Hocine ne sait pas que les bus arrêtent de circuler à 19h. Il est 18 h 30. Il fait déjà nuit. Quand il réalise qu’il se fait tard, il est déjà trop tard. Que faire ? Il ne sait pas où prendre un taxi mais il sait que Vandoeuvre est à moins de cinq kilomètres du centre de Nancy.

Il décide de rentrer à pied. Après tout, le trajet ne correspond guère plus qu’à la distance aller-retour entre son village et Larbaâ. Une distance qu’il faisait chaque jour, et parfois plus d’une fois, sans s’essouffler.

Le voilà déambulant et titubant dangereusement le long de la route de Méricourt, le lot de tapis sur les épaules. L’obscurité de la nuit ralentit son avancée. Soudain, une voiture s’arrête à son niveau. À son bord, quatre jeunes éméchés.

« Monzami » : virée au marché (14)

– Hey « monzami », tu vends tes tapis la nuit dans la cambrousse maintenant ? lui lance l’un des passagers, déclenchant rires et fou-rires de la part de ses camarades.

L’un d’eux descend et le bouscule. Pris par surprise, il pousse un cri d’effroi. Encore grisé, il perd l’équilibre et se retrouve dans le fossé. Ses tapis tombent de son épaule et s’éparpillent sur le sol. Effrayés, nos quatre jeunes prennent la fuite.

Dehbia

Son mari parti sous d’autres cieux, le grand-père monté au Ciel, la grand-mère malade, Dehbia ne sait plus à quels saints se vouer pour tout gérer. La seule nourriture qui ne manque pas, c’est le pain quotidien que ramène Ali de Larbaâ, à crédit. Tout le monde sait que le père est en France. On peut lui faire confiance pour rembourser l’ardoise quand il rentrera. Mais pas question pour Dehbia de rajouter du crédit au crédit. Elle se contente du minimum vital. Après tout, il lui reste encore deux à trois quintaux de semoule (En ces temps-là, en Kabylie, comme partout ailleurs, en Algérie, avoir de la semoule est le seul gage de survie pour les familles).

Elle a aussi une jarre de vingt-cinq litres encore remplie d’huile d’olive, et surtout de bonnes réserves de figues sèches et un peu de viande salée conservée depuis l’Aïd précédent. Avec le lait que ramène chaque matin tonton Ahmed, elle a de quoi traverser l’été. D’ici là, Hocine ne manquera pas d’envoyer de l’argent. Il ne faillira pas à ses promesses. Il a toujours été un homme de parole.

« Monzami » : et pour quelques tapis de plus (13)

La dépense la plus conséquente, c’était l’organisation des funérailles de grand-père. Il avait rendu l’âme, deux mois, à peine, après le départ de Hocine. La coutume veut que la veillée mortuaire soit organisée avec la préparation d’un couscous en offrande pour tous les hommes qui viennent de loin pour rendre un dernier hommage au défunt.

La viande est chère, mais encore une fois, tonton Ahmed est là. Seule la réserve de semoule s’en trouve entamée, d’autant que le nombre de visiteurs venus des villages avoisinants est à la mesure de la très grande popularité de grand-père. Il était pieux. Il était généreux et jouissait d’un grand respect…(à suivre)

Kacem Madani

Quitter la version mobile