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« Monzami » : et pour quelques tapis de plus (13)

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Image par Ilo de Pixabay

Les journées passent. Le nouveau débarqué ne boit plus, mais il a beaucoup de mal à vendre ses tapis. Un matin, il décide de suivre le conseil de Hamid. Il prend le bus pour Laxou, dans la banlieue de Nancy.

Arrivé sur place, il remarque que les maisons ne sont pas aussi compactes que dans la métropole. Il tente le porte-à-porte, mais personne ne lui ouvre. On le regarde bizarrement des fenêtres, on hoche les épaules d’indifférence, on baisse les rideaux et on l’ignore. Il a envie de chialer. Au bout d’une douzaine de tentatives, une vieille dame le fait rentrer chez elle :

– Venez « monzami », rentrez donc vous réchauffer. Je vous offre un thé. Et combien vous les vendez, vos tapis ?

– Trente francs, madame. Et pour vous, vingt-cinq seulement.

– Dans ce cas, je vous en prends deux !

« Monzami » : la valse des demis de bière (12)

Le calcul est vite fait. Dix francs moins un franc de transport, il s’en sort avec neuf francs de bénéfice. Et en plus, il a droit à un thé bien chaud. Ah, si les Français étaient tous comme ça. Il deviendrait riche très vite et repartirait chez lui sans se faire prier.

– Merci madame ! Dieu vous le rendra.

– Ah « monzami », Dieu ne rend jamais rien ! Il ne sait que prendre. Ce qu’il vous donne d’une main, il le reprend de l’autre.

Hocine ne comprend pas tout mais son amabilité n’a d’égale que son sourire.

Au moment de partir, une voisine d’un certain âge fait irruption. Les tapis l’intéressent. Elle lui en prend deux aussi pour le même prix. Dix-neuf francs de bénéfice, c’est plus qu’il ne pouvait espérer en quelques minutes. Il remercie son hôte, prend congé et s’en retourne à Nancy tout fier et tout content.

Arrivé à la brasserie, il ne cache pas sa joie. Mais les autres ne semblent pas la partager. Ils sont silencieux. Ils ont l’air plus tristes que les voix de Slimane Azem et Bahia Farah. Il ne tarde pas à en connaître la raison. Personne ne se presse de lui annoncer la mauvaise nouvelle. On vient de téléphoner du bled. Son père est décédé. Il est mort dans son sommeil, leur a-t-on dit. Un signe qui ne trompe pas les croyants : « il a rejoint le paradis », disent-ils.

Hocine est hébété, mais que faire sinon noyer son chagrin dans la bière, quitte à faillir à une promesse difficile à tenir. Les autres ont beau essayer de le consoler, il est submergé par les remords.

– C’est ma faute, je n’aurais jamais dû partir. Il n’était pas content de mon départ, n’arrête-t-il pas de se morfondre. Et qui va s’occuper de mes enfants maintenant ? … (à suivre)

Kacem Madani

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