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« Monzami » : le grand départ (7)

Valise
Image par Ilo de Pixabay

Un beau matin de mars, on se lève de bonne heure pour passer les derniers instants avec le chef de famille avant le grand départ. Même les grands-parents se lèvent tôt. Surtout grand-mère.

C’est elle qui doit prendre en charge le rituel habituel avec la formule « Aḥiwel, aɣiwel ! » débitée en faisant enjamber plusieurs fois au partant le seuil de la porte de la pièce principale afin que ce voyage ne s’éternise pas et que le retour s’accompagne de moult biens.

Pendant ce temps, Dehbia reste confinée dans sa chambre et verse des torrents de larmes pour pleurer son sort et cette nouvelle séparation dont elle ne connaît pas les tenants et les aboutissants. Elle redoutait surtout que son mari se laisse séduire par une Française, ces Tiroumyin (pluriel de Tarumit) « mangeuses » d’hommes dont la mauvaise réputation a traversé terres et mers pour venir atterrir dans ce village bien dressé sur l’une des nombreuses collines adossées à Larbaâ Nath Irathen.

« Monzami » : les années bonheur (6)

Pour l’occasion, Hocine s’achète une valise dont il renforce la fermeture avec une ceinture bien serrée. Le bus qui doit le prendre à Alger se trouve à Larbaâ, à trois kilomètres. Les enfants et le père l’accompagnent. Les femmes restent à la maison et mélangent leurs sanglots.

Les gamins se disputent la valise et la portent à tour de rôle pour montrer leurs biscoteaux et prouver au père qu’ils sont désormais des hommes et, qu’en son absence, ils sauront s’occuper du foyer et veiller sur leur mère et le petit Omar.

Ils ne sont pas les seuls à accompagner un voyageur pour la France. Les partants et les accompagnants sont nombreux. Tout le monde se fait des promesses et chacun s’épanche en conseils pour ne pas tarder à revenir fortunés. Des « Aḥiwel aɣiwel » collectifs fusent de cette foule compacte. Tout le monde espère retour et richesses au plus vite.

Les accolades et les émotions atteignent leurs paroxysmes quand le père monte dans le bus. Le grand-père est triste. La fatigue et le dépit le gagnent. C’est la première fois qu’il se sépare de son fiston. Ce fils unique sur lequel il avait mis tous ses espoirs. L’autocar s’éloigne, emportant Hocine vers son destin.

L’autobus roule cahin-caha le long de la route et s’arrête à Azouza et Irdjen avant d’atteindre Tizi-Ouzou, une heure plus tard, pour une halte d’une demi-heure. Le temps que tout le monde se rue sur son aqrav (sac de toile) pour y puiser quelques figues et un peu de galette pour casser la croûte avant le reste du voyage qui s’annonce long et harassant… (À suivre)

Kacem Madani

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