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« Monzami » : virée au marché (14)

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Image par Ilo de Pixabay

– Ne t’inquiètes pas ! le rassure Uḥrich, j’en ai déjà parlé à mon frère Ahmed. Il s’occupera d’eux jusqu’à ton retour. Allez, arrête de pleurer et vas te reposer ! Demain, c’est jour de marché à Vandoeuvre. Tu devrais y aller. Mais lève-toi tôt pour être là-bas avant tout le monde. La concurrence est rude. Les marchands de tapis viennent de toute la région.

Hocine fait preuve de sagesse. Il écoute les conseils de cet oncle éloigné, sévère mais avenant. Il s’endort, la tristesse dans l’âme. Le lendemain, il se lève à la première heure. Direction Vandœuvre-lès-Nancy.

« Monzami » : et pour quelques tapis de plus (13)

– Marchand d’tapis…Marchand d’tapis…

– C’est combien, tes tapis « monzami » ?

– 35 francs, madame.

– Ah, ce n’est pas donné. On vient de voir un autre marchand comme vous, il les vend moins cher.

– 25 francs, toi acheter ?

– Non, je t’en donne 20 !

– Moi perdre argent, madame.

– Moi aussi, je perdrais mon argent « monzami » si je te l’achète à plus de 20 francs.

La transaction n’aboutit pas. Et c’est reparti pour un autre tour.

– Marchand d’tapis…Marchand d’tapis…

« Monzami » : la valse des demis de bière (12)

Il fait ainsi le tour du marché toute la matinée. Tout au plus avait-il écoulé trois tapis, à 30 francs. Mais c’est déjà mieux que la veille. 29 francs de bénéfice, ça ne se refuse pas. Pour autant, la joie n’est pas là. Il est noyé dans l’océan de chagrin qui le ronge depuis l’annonce de la perte de son père.

Quand le marché se vide, il pénètre dans un bar et commande un demi. Ça le ragaillardit. Il en prend un deuxième, puis un troisième. Le bar est archi plein. Avec les Français, c’est une atmosphère de joie dans ces lieux de convivialité. Ils chantent à tue-tête en s’envoyant des ballons de vin rouge et de rosé : « J’ai bien mangé, j’ai bien bu, j’ai la peau du ventre bien tendu, merci petit Jésus… » Rien à voir avec l’air morose de la Brasserie de mon pays où, quand les hommes boivent, c’est pour être tristes et souvent pleurer. Cette virée lui fait beaucoup de bien. Il en avait drôlement besoin pour s’oublier. Finalement, ils sont joyeux et sympathiques, ces Français.

Pourquoi ne l’étaient-ils pas en Algérie ? Pendant la sale guerre, il avait vu tant d’atrocités et perdu de nombreux proches. « Cette guerre aurait pu être évitée si on avait laissé la sagesse parler au lieu des armes », se dit-il souvent… (à suivre)

Kacem Madani

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