Des partis politiques pro-pouvoir qui vont du FLN jusqu’à l’insignifiant El Bina ont emboîté le pas du gouvernement qui a réagi à la mort du Franco-Algérien Merzouk Nahel suite à un tir d’un policier.
Un policier tue lors d’un contrôle routier un jeune en France. De quoi ces partis se mêlent-ils ? Comme s’il n’y avait pas assez de problèmes, de violations des libertés en Algérie pour regarder ailleurs ! Sans savoir si la jeune victime, Merzouk Nahel, possède ou pas la nationalité algérienne, ces partis politiques usent de la surenchère de condamnation habituelle pour dénoncer ce qu’ils considèrent unanimement comme un acte hostile à l’Algérie et aux Algériens. Voire ! Ces mêmes partis croupions ne pipent mot quand des violations des droits humains ont lieu en Algérie ! Autre chose : ne baignons-nous pas en pleine ingérence dans les affaires intérieures d’un autre pays ? Ces partis suivent les pas du gouvernement qui a fait une sortie pour le moins peu diplomatique.
Ainsi, le parti du Front de libération nationale (FLN), qui dispose d’une majorité relative au parlement et participe au gouvernement, a exprimé sa ferme condamnation et dénonciation de « la tragédie brutale à laquelle le défunt a été soumis (et qui) reflète l’insouciance avec laquelle les forces de sécurité ont traité un jeune homme non armé ». Et de s’interroger « sur les justifications sur la base desquelles le jeune algérien a été abattu et assassiné de sang-froid. »
Tenez-vous bien ! Le FLN soutient que « l’ouverture d’une enquête sérieuse et rigoureuse et la sanction des auteurs seront le seul moyen de restaurer la dignité de la famille du jeune Nahel et derrière elle la communauté algérienne, qui est soumise à la duplicité du discours qui renvoie aux slogans d’égalité et de liberté que scandent les élites françaises sans soucier de la réalité de notre communauté ».
Abdul-Wahhab Yaqoubi, représentant du Mouvement de la société pour la paix (MSP) parti islamiste au Parlement, a exprimé sa ferme condamnation de « ce crime », soulignant le « rejet absolu de tous les abus et pratiques de la police, dont les devoirs sont d’assurer la sécurité et de sauver des vies ».
Le député a renouvelé l’appel à la prudence, rejetant les réactions négatives, et donnant l’exemple à tous en consacrant les valeurs de tolérance et de coexistence, et donnant à la justice l’opportunité de faire la lumière sur cette question.
Le Mouvement El Bina, autre parti intégriste siégeant au gouvernement qui a affiché son « entière solidarité » avec la communauté algérienne en France s’est dit « très inquiet des retombées que ces incidents pourraient avoir à l’avenir », soulignant que les autorités françaises « ont l’entière responsabilité de mener une enquête transparente pour faire toute la lumière sur les circonstances de cette agression et rendre justice ».
De son côté, le Mouvement islamiste Ennahda a dénoncé un acte « raciste et extrémiste », qui a coûté la vie à un jeune innocent, exigeant « l’ouverture d’une enquête indépendante pour déterminer ses circonstances ».
Dans ce concert de condamnations, seule la Grande Mosquée de Paris en France a eu une réaction pondérée.
L’institution religieuse de droit français et qui possède donc la légitimité juridique et politique (bien qu’elle soit proche du gouvernement algérien et finance par ce dernier), pour prendre position, a appelé les jeunes à ne pas répondre par la violence à la suite de l’assassinat du jeune homme, Nahel, par un policier français.
La Grande Mosquée de Paris a déclaré dans un communiqué de son doyen, Shams El-Din Hafeez, que la mort tragique de Merzouk Nahel « suscite en nous des sentiments profonds. » Selon cette ancienne institution religieuse en France, « si l’incompréhension, la douleur et la colère sont légitimes après ce drame, alors les jeunes, en particulier, ne devraient pas répondre par la violence. » La Grande Mosquée a affirmé qu’elle les appelle à « faire entendre leur voix par une mobilisation pacifique afin que la mémoire de Nahel soit respectée et que justice soit rendue. »
Il a souligné que le rôle de l’institution religieuse est de montrer que la trêve est la seule voie possible et constructive pour parvenir à la vérité et à la justice.
Contexte pourri entre l’Algérie et la France
Il convient de rappeler que le meurtre du jeune Nahel intervient dans un contexte politique compliqué entre l’Algérie et la France.
Les relations bilatérales sont au plus bas en raison de plusieurs facteurs, notamment, la campagne en cours lancée par la droite française pour la remise en cause de l’accord sur l’immigration et la circulation de 1968, qui accorde certains privilèges aux émigrés algériens en France, et les des déclarations hostiles à l’hymne national algérien, qui comporte une section qui nomme la France et des termes menaçants.
La menace d’un état d’urgence en France, qu’est-ce que c’est ?
Ces réactions indignées des autorités et des partis politiques contre une affaire franco-française et touchant directement à l’ordre public de ce pays révèle un paradoxe bien algérien. Un pays où l’on réagit de façon quasi épidermique lorsqu’il des pays tiers ou des ONG émettent des avis critiques sur des questions touchant au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dernièrement, le commentaire de la ministre française des affaires étrangères sur la réintroduction par un décret présidentiel d’un couplet nommant la France dans l’hymne national algérien avait suscité l’ire du ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf qui s’était formellement agacé de l’utilisation du nom de l’Algérie dans la politique intérieure française.
Ces partis et hommes politiques algériens profitent de la mort par un tir d’un policier de Nahel pour dénoncer les atteintes aux droits de la personne humaine et des émigrés en France, alors qu’ils gardent un silence assourdissant dès lors que les droits les plus élémentaires des Algériens sont bafoués par le pouvoir algérien. Mieux encore, ils sont les premiers à courir au consulat de France pour réclamer des visas à leurs rejetons. Trêve de cynisme !
Samia Naït Iqbal