Un drame s’est produit car rien ne justifie la mort d’un jeune de 17 ans pour un refus d’obtempérer. C’est une certitude et le policier est coupable d’un acte grave et répréhensible pénalement. Mais il n’est pas interdit de remettre les choses dans le cadre du droit, et encore moins de réfléchir, voire d’exprimer des réserves.
Nous venons de le dire, il semble que le policier soit coupable et la mise en examen ainsi que sa détention provisoire serait peu contestable au regard des faits évidents que montre la vidéo diffusée et sur laquelle la décision du juge d’instruction se fonde.
Mais il faut toujours rappeler que dans un Etat de droit, il existe la présomption d’innocence. Et que la colère qui se traduit en une révolte avec dégradations de biens publics est également constitutive d’un délit grave.
Il est dit que dans une démocratie c’et la justice qui est concernée sinon c’est la loi du talion. Il existe un droit fondamental de manifester en France. Que les colères s’expriment par de gigantesques réunions, marches et déclarations même si elles doivent être fermes et sans concession.
Que les autorités soient interpelées d’une manière forte et sans réserves. Que les suffrages se reportent vers les partis qui dénoncent la violence policière et déclarent que « La France tue ». Ces partis politiques qui récoltent pourtant un nombre de voix bien inférieur aux « suffrages de la rue » si nous additionnant toutes les manifestations de colère depuis de nombreuses années.
Puis il faut, après la colère et le ressenti, revenir à la sérénité par l’étude des faits et l’énoncé du droit. Car si nous n’avons pas le pouvoir judiciaire, nous avons la liberté de parole et de réflexion.
Les faits
Bien qu’ils demandent à être examinés par la justice, il s’agirait d’un enfant de 17 ans qui est exécuté presqu’à bout portant par un policier suite à un refus d’obtempérer. L’emploi du conditionnel n’est ici que par pure principe de précaution.
Nahel, ce jeune est mineur, sans permis de conduire, refusant d’obtempérer, et au volant d’une Mercedes dont la valeur d’achat dépasse notre propre imagination pour qu’elle soit entre les mains d’un jeune garçon. Mais, soyons clair, si on peut légitimement se poser des questions, ce dernier élément n’est absolument pas constitutif d’un délit.
Il semblerait (le conditionnel s’imposant toujours) que ce jeune garçon est en récidive pour les mêmes faits par un signalement précédent auprès des services de police. Une des hypothèses qui circule sur Internet est que le garçon avait les pieds sur le frein et l’ordre d’obtempérer intempestif lui aurait retiré son pied, ce qui laisserait entendre que la voiture aurait avancé.
Nous pouvons tout de même, si l’hypothèse est vraie, nous questionner sur la répétition du même problème dans les autres refus d’obtempérer. Il est vrai que ce jeune n’a pas de permis de conduire pour garder le contrôle du véhicule.
Que dit la loi sur le refus d’obtempérer ?
Cela a été rappelé dans les médias, il s’agit d’une disposition du Code de la route et non du Code pénal même si un délit est constitué.
L’article L233-1 définit le refus d’obtempérer par le fait de ne pas s’arrêter lors d’une sommation des forces de l’ordre, gendarmerie ou police, demandant au conducteur de s’arrêter. Le Code de la route prévoit une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.
Attention, erreur fréquente, il ne faut pas confondre le refus d’obtempérer avec le délit de fuite. Ce dernier consiste à fuir après un accident causé par le conducteur afin de se soustraire à la responsabilité pénale ou civile. Ce n’est manifestement pas le cas contrairement à quelques rares confusions dans les médias. Ce délit est prévu aussi bien dans le Code pénal, article 434-10, que dans le Code de la route, article L231-1.
Mais la polémique porte sur un autre débat qui est conséquent au délit de refus d’obtempérer, dans quels cas les forces de l’ordre peuvent tirer ?
Et c’est là où se portent la critique et le débat politique. Les détracteurs de la loi actuelle de février 2017, votée sous la présidence de François Hollande, estiment qu’elle a été assouplie au risque de bavures qui allaient protéger les forces de sécurité en cas de bavure grave.
La loi précédente ne prévoyait qu’une disposition par une expression que tout le monde connait, « la légitime défense ». Seul le sentiment d’être en danger permettait l’usage de l’arme.
Le périmètre s’est élargi en précisant que l’usage de l’arme est également autorisé lorsque la fuite était susceptible de mettre la vie d’autrui en danger. Nous sommes là dans un élargissement qui change du tout au tout pour le cas du jeune Nahel.
Même si la loi précise que le geste ne pouvait se justifier « qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée », ce qui était déjà la limite de la légitime défense inscrite dans la loi précédente.
Nous voyons là qu’il s’agit du nœud central de l’affaire dans le cas juridique présent. Mon opinion, donc un point de vue interprétatif est assez clair bien qu’il soit soumis à débat.
L’impossible solution par la loi seule
C’est le cas typique qui se pose très souvent en droit. Comment définir avec certitude les cas où l’état de réplique est légitime face à une menace ?
Que ce soit d’ailleurs avec l’ancienne loi ou celle de 2017. Se sentir menacé ne relève pas d’une définition juridique objective, il s’agit d’un sentiment, un ressenti. Allez légiférer sur un sentiment, vous n’y seriez pas sans avoir cerné l’être humain depuis qu’il existe.
Bien entendu, lorsqu’il y a des faits objectifs, matériellement ou visuellement constatés, l’incrimination du non-lieu ou de la condamnation sont évidentes. Laissons l’enquête le dire.
En droit, ce cas où le texte de loi est incapable à définir avec précision est légion, comme la notion de responsabilité en droit civil. C’est d’ailleurs la limite des lois qui doivent être accompagnés de décrets d’application, de notes ministérielles et, surtout de la jurisprudence, c’est-à-dire des décisions des tribunaux pour des cas identiques.
Mais pour autant la question ne se règle pas aussi facilement car le même problème de l’interprétation des faits se pose.
Cependant, c’est la meilleure voie possible car nous sommes confrontés à un domaine où seul le cas d’espèce peut être plus satisfaisant sans être une certitude.
Le cas d’espèce veut dire juger un cas particulier car on ne peut pas appliquer la règle générale, c’est-à-dire la loi.
Nous arrivons au même point de départ, une phrase tellement connue mais la seule possible, il faut laisser la justice faire son travail. La loi du talion est l’inverse absolu d’un état de droit et de la civilisation humaine.
Je ne cautionne donc en aucun cas la violence destructrice des biens publics et mettant en danger les populations.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant