Nna Ldjohar est une dame au grand cœur dont l’amour et la compassion sont les moteurs de tous ses engagements. Elle continue de consacrer sa vie à apporter de l’aide aux démunis de son quartier et de toute une communauté.
Aider son prochain est devenu une évidence pour cette femme que la vie n’a pas toujours épargnée. Mais elle s’est relevée plus forte, plus déterminée à offrir un petit peu de bonheur autour d’elle. Cette femme a rendu service et a donné beaucoup d’amour avec tant de facilité. C’est son œuvre.
Sa passion pour l’art et la culture a fait d’elle une personne investie lors de nombreux spectacles vivants.
Et si l’on pouvait, ne serait-ce qu’en quelques lignes, lui rendre hommage dans le but de lui communiquer à notre tour toute notre reconnaissance, notre gratitude et lui dire ô combien elle est indispensable et formidable. Alors soit !
Il y a des gens qui demeurent dans l’ombre mais dont la moindre petite touche est essentielle à redonner le sourire ou à la réussite et au succès de projets et de grands événements.
Peu connue du grand public, malgré quelques apparitions télé et passages en radio, cette grande dame de cœur est bien connue du réseau artistique et culturel kabyle ainsi qu’algérien.
Je souhaite profiter de cette chronique pour mettre en lumière une femme de l’ombre qui contribue par ses actions au soutien des plus démunis ou à la valorisation des artistes, et dont le militantisme demeure sans faille.
Ayant vu le jour dans le village Laɛzib Ben Ali Chérif dans les environs d’Akbou, au sein d’une fratrie constituée de six enfants dont elle est l’aînée, Nna Ldjohar est arrivée en France en 1976. Menant une vie calme de mère au foyer, la vie n’a pas toujours fait de cadeaux à cette brave mère de famille. Dans les années 90, elle a tristement perdu un jeune garçon alors seulement âgé de sept ans dans un tragique accident. Peu d’années après ce fût au tour de son mari de rejoindre les astres.
Malgré tout, Nna Ldjohar ne s’est pas avouée vaincue. Elle a décidé de se réfugier dans le travail pour subvenir aux besoins de ses enfants ainsi que dans l’action humanitaire.
Tout en continuant d’élever ses cinq enfants, l’implication bénévole de Nna Ldjoher est devenue, au fil des jours, plus importante. En tentant de remonter la pente, elle a dans le même moment voulu donner aux plus démunis. En commençant par son quartier, sa bonté s’est étendue bien au-delà.
Après les événements tragiques du printemps noir de Kabylie en 2001, elle s’est largement impliquée personnellement en recueillant un martyr chez elle mais également aux côtés des associations pour venir en aide à ces réfugiés. Cette dame engagée cumule les combats !
Na Ldjohar est une leçon de vie essentiellement faite d’engagements et d’altruisme.
C’est pareillement une femme au chevet des artistes malades, qui s’est bénévolement investie pour apporter un soutien et du réconfort à certains de nos artistes hospitalisés. Par de la bonne cuisine, des mots réconfortants et encourageants, elle a su insuffler de son énergie positive à la chanteuse Noura, ou en cuisinant des mets traditionnels à des chanteurs durant leur hospitalisation à l’instar de Salah Sadaoui ou encore Brahim Izri… La liste est encore longue. Elle a œuvré à ensoleiller leur quotidien et leurs derniers jours.
Femme aux multiples casquettes, nous avons eu la surprise de la voir comme comédienne dans une sitcom à la tv au milieu des années 2000. Elle garde de cette expérience un plaisir et un amusement particulier.
Présente lors de toutes les marches en faveur de la Kabylie, nous avons pu l’apercevoir avant la Covid, chaque dimanche Place de la République.
Na Ldjohar est une personne aux amitiés longues et fidèles. Son parcours est celui d’une femme à la vitalité et au dévouement inégalables comme en témoigne l’une de ses amies.
La productrice Zoulikha Guellil nous raconte leur rencontre : « A l’époque j’avais ma boutique située au 64 bd de la Chapelle dans le 18ème arrondissement de Paris, Triomphe Music et Ldjohar passait de temps en temps découvrir les nouveautés musicales. Puis, pendant l’enlèvement de Matoub Lounès, les artistes et le public venait me voir à la boutique pour prendre des nouvelles de Lounès et recueillir des informations. C’est ainsi que tout le monde se retrouvait chez moi et Ldjohar aussi venait.
Voyant tout ce beau monde s’inquiéter, très vite elle décida de préparer du thé et des gâteaux pour les accueillir. C’est depuis que nous sommes devenues inséparables. Après sa libération, Lounès est passé me voir à la boutique pour me remercier de mon soutien et il s’est aussi pris d’amitié pour Ldjohar. Lounès était une personne reconnaissante et à chaque personne qui lui montrait son affection, ce dernier le lui rendait en retour. Il aimait beaucoup Ldjohar et était très sensible à son accueil chaleureux. »
A ce jour, lors des hommages rendu à Lounès Matoub, Nna Ldjohar exprime toujours une émotion très forte. Ses larmes n’ont jamais cessé de couler pour cet homme pour qui elle voue un respect et une affection sans limite.
Son amie Zoulikha nous explique également la condition de vie modeste de son amie mais que cela ne la freinait en rien pour aider son prochain. « Il faut savoir que Ldjohar a perdu son mari tôt, et qu’elle a dû, seule, subvenir aux besoins de ses enfants qui étaient en bas âges. Malgré cela et ses faibles moyens elle distribuait le couscous aux sans-abris dans le quartier du 18ème. Je me rappelle même qu’il y avait un français qui vivait sous un pont et Ldjohar allait souvent le voir pour lui apporter couvertures et nourriture. Elle ne faisait aucune distinction entre les défavorisés. Après 2001, elle a recueilli chez elle un blessé du printemps noir de Kabylie. Le pauvre avait été amputé d’une jambe et encore une fois malgré ses faibles revenus Ldjohar lui a offert le gîte et le couvert jusqu’à ce qu’il obtienne ses papiers et se marie. C’est une histoire qui s’est bien finie grâce à elle.
A côté, elle continuait de cuisiner bénévolement au sein d’association pour venir en aides aux réfugiés du printemps noir. C’est une femme qui a bon cœur. Elle a soutenu beaucoup d’artistes hospitalisés, et pour n’en citer qu’un il y avait Salah Sadaoui. Salah aimait la cuisine traditionnelle de chez nous et Ldjohar lui rendait tous les jours visite et lui apportait des bons petits plats. Elle l’a fait pour beaucoup de chanteurs. Aujourd’hui cette femme est comme une sœur pour moi, et ses enfants sont comme les miens. D’ailleurs, ils m’appellent leur deuxième maman. Ça me touche ! » raconte t-elle émue et termine en disant : « ce qui est beau, c’est aussi de voir que le bien que Ldjohar a fait, la vie le lui a bien rendu. Ce que je trouve plus fort et extraordinaire c’est qu’elle a toujours réussi à venir en aide aux autres alors qu’au départ elle n’avait pas de moyens. »
Au détour d’une conversation que j’avais avec l’icône Kamel Hamadi, je lui demandais de me dire ce qu’il pensait de Nna Ldjohar. Il me parla d’elle en ces termes : « C’est une femme d’une extrême gentillesse que j’ai connu dans la boutique de Zoulikha à l’époque de Triomphe Music. Une férue d’art qui a un amour inestimable de tous nos artistes. A chacune de nos rencontres l’on parlait de Hanifa, de Noura ou de Chérifa. Je lui racontais des anecdotes… » Il souligna par ailleurs sa présence chaleureuse dans les concerts de la communauté et son accueil bienveillant.
Pour ma part, elle m’appelle « Lmerqa Uzemmur ». C’est drôle n’est-ce pas?!
Pour tout vous dire, ce fût l’un des premiers plats que je cuisinais à l’âge de 16 ans, mon préféré après le couscous. A l’époque, je la croisais à BRTV dans le 6ème arrondissement et me voyant toujours partir rapidement après une émission, elle me disait : « où cours-tu comme ça, toujours pressée de partir ! ». Je lui répondais que j’allais cuisiner pour mon papa « Lmerqa uzemmur » (rire). Depuis ce jour, c’est ainsi qu’elle m’appelle affectueusement. Voilà c’est aussi cela Nna Ldjohar, attachante par son tendre et bel humour.
Nna Ldjohar doit avoir un tas d’histoires à nous révéler, c’est certain ! J’espère qu’elle le fera un jour !
Elle qui a rencontré les plus grands noms de la chanson kabyle. De Cheikh Noureddine à Taleb Rabah en passant par Chérifa, Akli Yahyatene… Certains ne sont malheureusement plus là pour nous confier ce que Nna Ldjohar représentait à leurs yeux…
Mais d’autres, toujours avec nous, auraient beaucoup à nous dire et je souhaite vivement voir apparaître de nombreux témoignages dédiés à cette grande Dame de cœur, à cette Femme bonheur.
La communauté dans son ensemble se doit de la connaître, le monde artistique se doit de la reconnaître.
Alors Nna Ldjohar, Merci pour eux, Merci pour elles… Merci pour tout.
Nassima Chillaoui