Des défenseurs des droits humains, des hommes politiques, des avocats, journalistes ont publié une importante tribune. Cette déclaration ouverte brise la falaise de la peur qu’impose le régime depuis 2020. Les signataires refusent la fatalité et la parodie présidentielle du 7 septembre et appellent à un sursaut national pour sauver l’Algérie.
L’Algérie d’aujourd’hui traverse une situation plus critique qu’avant, avec des perspectives, à court et à moyen termes,encore plus complexes et plus périlleuses.
En effet, le régime a fait rater au pays l’opportunité historique d’un changement démocratique pacifique offerte par la révolution populaire pacifique du 22 février 2019. De plus, la politique du tout-sécuritaire continue de fouler aux pieds la volonté du peuple en imposant par la répression et l’autoritarisme une nouvelle situation de statu quo et d’impasse.
« Le scrutin présidentiel du 12 décembre 2019, marqué par l’intronisation d’un autre « chef d’État sur mesure », a consacré l’illégitimité du pouvoir tout en plongeant l’Algérie dans une ère de non-gouvernance, d’illusions, d’improvisation et d’absurdité.
Près de cinq années plus tard, le haut commandement des forces armées, pouvoir réel, et sa façade civile, en situation de survie, se met en quête de son « salut » au détriment de toute la nation, reproduisant ses « péchés capitaux et clonant ce qu’il y a de pire en lui.
Il a anéanti les abécédaires de la politique, fermé l’espace public, confisqué les libertés fondamentales, individuelles et collectives, et, plus grave encore, légalisé la répression et les arrestations politiques.
Il a avorté l’émergence d’une société civile indépendante et banni les différents contre-pouvoirs, qu’il s’agisse de partis, de syndicats véritables ou de médias libres tout en bloquant les mécanismes de contrôle et d’accountability.
En outre, il a détruit tous les canaux de dialogue, de médiation, de négociation et de résolution des conflits, en fabriquant à chaque fois, ex nihilo, des ennemis interieurs imaginaires pour raisons d’opinions divergentes et/ou d’opposition affichée.
Dès l’abord, le régime a promptement montré son hostilité contre la révolution populaire pacifique malgré ce qu’elle a ostensiblement et immédiatement accompli : unité nationale fortifiée, espoir ravivé et culture de citoyenneté cristallisée dans la diversité, le vivre-ensemble, la tolérance et la construction collective.
Et de surcroît, il fait de ses valeurs partagées et de ses acteurs engagés une grande cible pour sa diabolisation et sa vengeance.
Par la peur, le désespoir et la corruption, il tente de démanteler ce qui reste des jalons de l’édification nationale visant à réaliser le rêve de l’État démocratique et social qui, bien évidemment, mettent en danger les intérêts de ses nébuleuses et clans ayant fait main basse sur les richesses du pays au point d’en faire une propriété privée.
Toutes ces pannes structurelles ont empêché l’Algérie, ce pays-continent, de décoller et l’ont placé en bas de classement mondial dans la majorité des domaines.
Aux niveaux régional et international, en l’absence de visions pragmatiques, le régime a isolé l’Algérie sur les plans diplomatique, économique et géo-sécuritaire, réduisant ainsi sa politique étrangère à de slogans creux présentant le pays comme victime de conspirations extérieures et de menaces permanentes. Et même ce rôle qu’il cherche à jouer à l’échelle internationale, onusienne particulièrement, à propos du génocide et crimes contre l’humanité perpétrés par Israël contre le peuple palestinien à Gaza, il l’a interdit au peuple algérien en l’empêchant de manifester sa solidarité comme il le faisait, hebdomadairement,lors de ses marches pacifiques sur l’ensemble du territoire.
Face à cette obstination rejetant toutes solutions radicales et tangibles et face à cette imposture conditionnant tout « changement politique sérieux » par de miséreux et parodiques cycles électoralistes aux résultats tranchés au préalable, il nous incombe à toutes et à tous, de tracer aujourd’hui d’autres perspectives pour faire front commun contre » l’incertitude et l’inconnu » qui attendent inéluctablement l’Algérie et son peuple.
Un autre fiasco à venir, la mascarade du scrutin présidentiel du 7 septembre 2024, sera, sans aucun doute, plus désastreuse que les précédentes. Non parce que ce scrutin ne sera qu’une simple auto-validation du pouvoir en place par son vieil clientélisme mis-à-jour mais aussi parce qu’il approfondira les fractures et divisera le peuple selon un agenda visant à perpétuer, vaille que vaille,un régime sans légitimité ni crédibilité encore moins un projet.
Il est, donc, clair que notre responsabilité historique ne se limite pas à un rejet absolu de cette énième mascarade électorale mais exige impérativement de nous la construction d’un rapport de force populaire pacifique et alternatif pour sauvegarder notre entité collective;peuple et patrie. Et ce, dans le cadre de nos droits et libertés tels garantis par la constitution et l’ensemble des pactes et conventions internationaux que l’Algérie a ratifiés depuis des décennies.
Notre présent cri commun puise son esprit et ses références dans la révolution populaire pacifique et reste totalement fidèle à ses objectifs légitimes. Notre résistance démocratique, quant à elle, est par essence plurielle, inclusive, trans-idéologique et imperméable au sectarisme et esprit partisan étroit.
Ce que nous considérons, à juste titre, comme un acquis national à traduire,ensemble, en projet d’une transition démocratique constituante, protégé par le peuple, son unique source de légitimité et collectivement porté par toutes les forces vives de la société ayant foi en l’État de droit et oeuvrant pour la mise en place d’institutions démocratiques légitimes, authentiques et ouvertes sur le monde.
Nous, signataires de cette déclaration politique ouverte, animés par nos convictions et nos luttes, nous nous mettons au service de la volonté du peuple et des objectifs de sa révolution pacifique. Nous ne sommes qu’un maillon dans la chaîne de toutes les luttes nationales pour la libération du pays et la liberté du peuple.
Par conséquent, le despotisme sous toutes formes ne peut être une fatalité devant laquelle nous abdiquerons comme nous refusons catégoriquement ce « présumé destin » que le régime veut imposer ad vitam aeternam à l’Algérie et aux Algériens.
Il est de notre devoir, aujourd’hui plus que jamais, de clamer vigoureusement et d’une seule voix : Non aux mascarades électorales sous la dictature !… Oui à une démocratie véritable et à la souveraineté populaire !
Alger, le 20 juillet 2024
Signataires:
Ali Laskri
Mohamed Hennad
Fetta Sadat
Abdellah Heboul
Karim Tabbou
Said Boudour
Wassila Benlatreche
Mohcine Belabbas
Toufik Belala
Said Zahi
Fodil Boumala