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Non, je ne suis pas Chaïma !

REGARD

Non, je ne suis pas Chaïma !

Non, je ne suis pas Chaïma et je ne pourrai jamais être Chaïma, car je n’ai pas enduré sa douleur, je n’ai pas vécu son horreur, mes yeux n’ont pas croisé ceux de son tueur, et mes narines n’ont pas respiré la nauséabonde odeur de son agresseur, et je n’avais pas sur le corps la puante sueur de son étrangleur. 

C’est vrai que j’ai la rage au cœur, et dans le moral l’indignation et la fureur, mais je ne dirai jamais que je suis Chaima qui a vécu l’horreur, la peur et la frayeur. Chaïma qui avait senti les mortelles brûlures sans aucun sauveur. 

Pour être Chaïma, il faut naître une femme sublime dans une société d’hypocrites et être inscrite dans une école qui a exclu l’élite, qui enseigne les rites, l’idéologie wahhabite et la méthode avec laquelle on fait aux défunts la toilette. Une école qui exclue la critique et qui démérite le savoir et les têtes érudites. 

Pour être Chaïma, il faut être une femme aux beaux yeux et vivre avec des hommes bestiaux qui prennent le bon Dieu pour un idiot et qui croient que ce dieu ne supporte pas la femme en maillot et à la beauté qu’il a créée tourne tout le temps le dos. 

Ces hommes qui croient que le seigneur qu’ils louent, qui a pu créer la terre et les cieux, n’est qu’un piteux vieillot sur un rafiot qui ne sait pas comment d’ériger cette embarcation. Et chez qui le péché capital, c’est d’avoir bu le rancio et ne pas avoir suivi le troupeau. Et pour s’approcher de ce tout puissant, il faut avoir des poils très longs, s’habiller en bliaud et constituer une armée de maigriots pour garder et défendre ses vastes cieux. 

 Oh mon Dieu ! Chaïma est jugée par ces corniauds.

Le faux du faux a créé les fous de Dieu qui ont pris sa place dans ce bas lieu. 

Non, ils n’ont pas tué le diable avec leurs cailloux, il leur colle toujours à la peau. 

Pour être Chaima, il faut vivre dans un pays où les enturbannés et les ratés sont tout le temps invités sur les plateaux des télés afin de condamner la sublimité et la vénusté même si elles ne sont représentées que par une statue ou sur papier. 

Le drame, c’est la femme. Le diable est une femme. Sa voix et sa vénusté sont Haram. D’incontestables calames et de valeureux imams la blâment. Pour cela, vers l’au-delà, il faut précipiter son âme. Passer sur la gorge d’une fille ou d’une dame une lame, c’est sauver sa propre âme de l’enfer et de ses flammes. 

Je ne suis pas Chaïma, mais je vous accuse de l’assassinat de Chaïma. Oui, vous êtes tous ses agresseurs, ses violeurs, ses oppresseurs, ses offenseurs et ses tueurs. Vous qui êtes imposé à ce peuple comme tuteurs, vous qui avez inculqué dans les esprits la haine des couleurs du parfum et de la beauté des fleurs. Vous en avez fait des menteurs, des hurleurs, des imposteurs, des dupeurs, des harceleurs et des violeurs.

Vous avez formé des gens qui n’admirent pas le ciel bleu, qui ne sont guère ébahis par la beauté de la mer et de ses bateaux ni par la sublimité de la neige sur nos monts ni par l’agréable murmure des eaux, mais des gens qui admirent le sifflement des serpents et le soufflement du vent brûlant et qui prennent plaisir de la souffrance des agonisants.   

Ô tueurs de Chaïma, combien vous êtes nombreux !

 

Auteur
Rachid Mouaci

 




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